A Pierrefitte-sur-Seine, dans leur nouveau bâtiment de stockage installé au coeur de Plaine-Commune, les Archives Nationales proposent une exposition pour remettre en perspective la longue histoire de la Seine-Saint-Denis.
L'objectif de l'exposition est ambitieux: « Plaine d’histoire, les territoires de Plaine Commune depuis le Moyen Âge » c'est une exposition qui veut montrer que Plaine Commune, la plus importante agglomération (9 communes) de Seine-Saint-Denis, et au delà toute la Seine-Saint-Denis, ont une histoire qui commence bien avant les années 1950, bien avant la fin du 19ème siècle et son industrialisation massive et désordonnée. Une histoire millénaire, comme celle du reste de la France, du reste de l'Europe.
Un pari très ambitieux donc, tant on a trop souvent tendance à penser que l'Ile-de-France n'a pas d'histoire, en tout cas pas avant le 20ème siècle. Un pari très ambitieux, mais après tout, nous sommes là aux Archives Nationales et on se dit que s'il y a bien un endroit où l'on doit pouvoir montrer cette histoire, c'est bien là.
Et de fait, l'histoire est bien au rendez-vous. Tout commence au 9ème siècle, en 862, avec un document signé du roi Charles II Le Chauve (823-877), petit-fils de Charlemagne, qui décidedes biens et revenus affectés à l'entretien et la vie des moines de l'Abbaye de Saint-Denis. Le sceau en est remarquablement conservé. Sur la cire, on peut encore distinguer, autour de l’image du roi, l’inscription suivante : + KAROLV[S GR]A DI REX, «Charles, par la grâce de Dieu, roi ».
On apprend très vite, dans l'exposition, que l'histoire de ces territoires de Seine-Saint-Denis est totalement liée, depuis toujours, à l'histoire de Paris. Paris qu'il a d'abord fallu nourrir. La Seine-Saint-Denis fut d'abord et pendant des siècles un territoire d'agriculture, très fertile, très productif, et l'exposition recèle entre autres un émouvant bail d'une terre à planter en vigne, en 1190, pour un dénommé Jean de Pierrefitte. Et l'on y voit s'y développer l'activité viticole. Territoire de chasses aussi, pour le roi et pour ses princes.
Dès 894, on trouve la trace de moulins, pour les céréales, le pain, mais aussi pour les activités artisanales comme la tannerie.
Avec le temps et les siècles qui s'avancent, on voit s'y développer activités artisanales et pré-industrielles. Toujours la proximité de Paris, et la nécessité et l'opportunité de fournir à Paris et aux Parisiens ce qui est nécessaire. Les documents sont nombreux. Ils témoignent d'une vie industrieuse et intense des habitants des lieux. Ils témoignent surtout, au fil des siècles, et c'est précieux, d'une vie ordinaire organisée, travailleuse, et animée.
Vous imaginerez, à travers l'exposition, les foires du Moyen-Age, ou tout s'échangeait, vous y verrez les tarifs et services d'une buanderie de 1787, l'engagement de cordonniers de Bruxelles, à payer le loyer de leur emplacement au marché, en 1384. Vous détaillerez la façon dont la Seine-Saint-Denis se dote de moyens de communication et d'échanges, très tôt, grâce à des chemins, des routes, les voies navigables, les berges de Seine. Vous y verrez ainsi l'ordre de construire le canal de l'Ourcq, signé par Napoléon, alors Premier Consul.
Viendra ensuite l'industrialisation à la fin du 19ème siècle. Une industrialisation massive en Seine-Saint-Denis, qui effacera progressivement mais assez rapidement les traces physiques de l'histoire plus ancienne des lieux, et transformera la Seine-Saint-Denis très profondément. La encore, l'exposition propose de très nombreuses traces, documents et photos.
Une exposition qu'il faut voir donc. Pourtant le pari n'est pas totalement réussi. Pour deux raisons :
- La première, concerne l'exposition elle même. Malgré la richesse des éléments, l'exposition manque d'un fil conducteur, d'une incarnation qui rendrait sa lecture plus évidente. Peut-être eût-il fallu choisir une chronologie au lieu de placer les pièces par thématiques (qui plus est, un peu trop larges). Sans doute eût-il fallu donner des éléments qui permettent au visiteur de replacer chaque pièce exposée dans son histoire ou dans son contexte. A défaut, l'exposition paraît un peu désincarnée, "hors du temps", ce qui est un comble pour une exposition qui veut montrer l'histoire!
- La seconde raison pour laquelle le pari n'est pas totalement réussi tient au site des Archives Nationales lui-même. Nul n'y peut rien, mais le bâtiment, colossal, des Archives Nationales est implanté à un endroit où on ne l'attend pas, très éloigné des routes habituelles de la culture, en face de l'Université Paris 8 Saint-Denis, tout au bout de la ligne 13 du métro. Même si c'est un très mauvais argument, le fait est que personne ne pense à aller voir une exposition à cet endroit. D'autant moins que l'entrée du bâtiment est quasiment invisible, pas signalée, sauf au dernier moment. Rien n'invite, en somme, à faire preuve de curiosité pour aller découvrir une telle exposition. Qui pourtant vaut le détour. Vous voilà avertis en tout cas!