Au surlendemain des scènes de chaos survenues à l’occasion du match de foot samedi à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le ministère des Sports a réuni ce lundi les organisateurs de la rencontre, la police et les autorités locales pour "tirer les leçons" des événements.
Comment la fête a-t-elle viré au drame, alors que près de 7 000 policiers, gendarmes et pompiers étaient mobilisés ? Bousculades, scènes de violence, spectateurs agglutinés contre les barrières, tentatives d'intrusion d'individus sans billet, supporters sous le choc face à l’intervention des forces de l'ordre avec gaz lacrymogènes, fans victimes de vols… Les autorités tentent de faire face à la polémique, suite à l’organisation chaotique de la finale de la Ligue des champions, remportée samedi par le Real Madrid (1-0) face à Liverpool au Stade de France.
Après les incidents de samedi, le ministère des Sports a organisé une réunion ce lundi à 11h00, en présence de l'UEFA, de la Fédération française de football, ainsi que des représentants du Stade de France, de la Préfecture de police de Paris, de la Préfecture de Seine-Saint-Denis et de la mairie de Saint-Denis. A l'issue de cette réunion interministérielle, Gérald Darmanin a estimé devant la presse que "sans les décisions prises par la police et le préfet, il y aurait eu des morts".
Le ministre de l'Intérieur a également apporté "tout son soutien" au préfet de police Didier Lallement, dont les méthodes de maintien de l'ordre sont visées par de nombreuses critiques. Gérald Darmanin a aussi dénoncé une "fraude massive, industrielle et organisée de faux billets". "30 000 à 40 000 supporters anglais se sont retrouvés au Stade de France, soit sans billet soit avec des billets falsifiés", a-t-il affirmé.
"Avec le ministre de l'Intérieur, nous déplorons les incidents qui ont émaillé la soirée de la Ligue des champions samedi soir au Stade de France et regrettons que certains supporters munis de billets n'aient pu assister au match", explique la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera, dans un communiqué publié dimanche. Invitée de RTL ce lundi matin, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera a estimé que Liverpool "avait laissé ses supporters dans la nature", citant le chiffre de "30 à 40 000 personnes munis de faux billets ou sans billets". Elle a par ailleurs jugé "regrettable" l'utilisation de gaz lacrymo face à des familles.
Didier Lallement saisit la justice pour "la fraude massive aux faux billets"
Système de pré-filtrage vite débordé face à l'afflux de supporters de Liverpool, goulets d'étranglement, tentatives d'intrusion de jeunes hommes… Même s'il n'y a pas eu de blessé grave, l'organisation de l'événement suscite des doutes à un an de la Coupe du monde 2023 de rugby et à deux ans des JO-2024 de Paris.
Dans un rapport remis dimanche au ministre de l'Intérieur, le préfet de police de Paris (PP), Didier Lallement, estime le nombre de spectateurs qui se sont présentés "sans doute entre 30 000 et 40 000 personnes au-delà des 80 000 admissibles dans le stade". Il a aussi décidé de saisir la justice pour une "fraude massive aux faux billets".
Dès samedi soir, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, avait mis en cause des "milliers de supporters britanniques sans billet ou avec des faux billets qui ont forcé les entrées". La PP avait également visé les supporters dans un communiqué.
Stéphane Troussel "très en colère", la maire de Liverpool "dégoûtée" par le traitement des fans anglais
Une position qui provoque la colère des autorités outre-Manche. Déplorant les accusations dont les fans anglais font l'objet, Joanne Anderson, la maire de Liverpool, s’est dite "dégoûtée par la gestion calamiteuse" des événements. Et alors que la presse étrangère étrille la police française, la police de Liverpool, présente autour du Stade de France, a jugé que "l'immense majorité" des supporters anglais "se sont comportés d'une manière exemplaire".
Lundi, le porte-parole du Premier ministre Boris Johnson s'est dit "extrêmement déçu" par le traitement infligé aux supporters anglais, jugeant les images du Stade de France "profondément troublantes et préoccupantes". "Les supporters méritent de savoir ce qui s'est passé", a ajouté Downing Street. "Nous savons que de nombreux supporters de Liverpool se sont rendus à Paris à temps pour soutenir leur équipe", a affirmé le porte-parole, soulignant que les déclarations de l'UEFA évoquant une arrivée tardive des supporters ne correspond pas à ce qu'ont vécu de nombreuses personnes qui se trouvaient aux abords du stade.
Me Pierre Barthélémy, avocat de plusieurs groupes de supporters français, pointe "deux problèmes principaux" rencontrés le soir de la finale : "C’est d’abord une mauvaise gestion des flux, avec l’incapacité à orienter les supporters à la sortie des transports en commun vers l’ensemble des points d’accès et de filtrage. Le deuxième point problématique principal, c’est la défaillance du système informatique du stade, qui a conduit à la fermeture des portes entières pendant plusieurs dizaines de minutes voire une heure, avec les tourniquets bloqués. Le système informatique, selon les stadiers, ne permettait plus de lire les billets."
Le président PS de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, réclame lui une enquête sur la gestion de la soirée par les autorités. "Jamais je n'ai vu une telle désorganisation autour du Stade de France (…) je suis très en colère", a-t-il réagi sur franceinfo.
Le sénateur LR Michel Savin, président du groupe d'études pratiques sportives et grands événements sportifs, a déjà annoncé qu'il allait demander l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire. "400 millions de téléspectateurs ont assisté à ce que je considère être une humiliation pour notre pays qui s'apprête à accueillir la Coupe du monde de rugby, puis les Jeux olympiques et paralympiques", a-t-il regretté.
Samedi soir, les incidents survenus en amont du match ont provoqué un retard de 36 minutes pour le coup d’envoi, initialement prévu à 21h. 105 personnes ont été interpellées et 39 placées en garde à vue, principalement pour des violences et des vols sur la voie publique à proximité des fan zones, d’après le ministère de l'Intérieur. État d'ébriété, intoxications au gaz lacrymogène… Au total, 238 personnes ont été prises en charge par les différents services de secours au cours de la journée de samedi, pour des "urgences relatives".