Près de trois semaines après l’organisation chaotique de la finale de la Ligue des champions entre Liverpool et le Real Madrid, fin mai au Stade de France, une délégation de sénateurs a présenté ses premières conclusions. Ils ont critiqué "l'impréparation" des autorités publiques.
L’objectif des sénateurs : faire "un point d'étape" sur leur travail. François-Noël Buffet (LR), le président de la commission des Lois, s’est rendu ce jeudi au Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), pour y tenir une conférence de presse. Le président de la commission de la Culture, Laurent Lafon (UDI), était également présent.
Ce dernier a pointé du doigt des dysfonctionnements "d'une rare gravité", avec des conséquences qui auraient pu être "dramatiques". Le sénateur a déploré la non-prise en compte des "spécificités" des fans anglais, nombreux lors des déplacements. Il a également estimé que l’organisation liée à la grève du RER B avait été "insuffisamment préparée en amont", et que la gestion des flux avait été "complexifiée" en raison de dysfonctionnements concernant le filtrage des spectateurs.
Selon François-Noël Buffet, le principal dysfonctionnement concerne "l'orientation des spectateurs" : "Le 23 mai, une réunion s'est tenue en préfecture, en présence notamment de la Fédération française de football. Celle-ci avait proposé un jalonnement à partir de la station de RER D, pour orienter les flux des supporters en deux flux (...). Le préfet en a demandé la suppression." Toujours d’après le sénateur, qui a critiqué les choix de la préfecture de police, "l'aspect de la gestion de la délinquance a été mis sous le tapis".
La non-conservation des images de vidéosurveillance, "une faute grave"
Et alors que la suppression d’une partie des images de vidéosurveillance fait polémique, François-Noël Buffet s’est encore une fois montré critique. "Nous ne sommes pas capables de vérifier quelle était la situation autour du stade", a expliqué le sénateur, qui espère voir les images détenues par la préfecture de police. Pour ce qui est de la non-conservation des images de vidéosurveillance du consortium du Stade de France, il a estimé que c'était "à tout le moins une faute grave".
"Ce qui interpelle, c'est que personne n'ait eu la lucidité de dire : 'On conserve ces images'", a ajouté François-Noël Buffet, en notant notamment la présence d’un officier de police judiciaire au Stade de France le soir des faits. Le sénateur a par ailleurs indiqué avoir demandé à auditionner l’UEFA, à propos de l’autorisation d'imprimer les billets en format papier, sans avoir de réponse à ce jour.
"Tout cela donne l'impression qu'il n'y a pas de responsable. Et puisqu'il n'y a pas de responsable, il n'y a pas de coupable", a regretté Laurent Lafon. Le sénateur, qui a pointé la faillite des acteurs "liés à l’Etat" dans l’organisation de l’événement, estime que "les conséquences appellent une réponse sur les mesures à prendre, mais aussi sur les responsabilités". Les sénateurs, qui ont présenté leurs excuses aux fans anglais, ont confirmé le report de l’audition des supporters de Liverpool et du Real Madrid.
Au Sénat, Michel Cadot plaide pour un système d’IA de détection des mouvements de foule
Plus tôt dans la journée, les commissions des Lois et de la Culture du Sénat ont auditionné pendant deux heures Michel Cadot, le délégué interministériel aux grands événements sportifs et aux Jeux olympiques. En détaillant les points du rapport qu'il a remis à la Première ministre Elisabeth Borne vendredi dernier, le haut fonctionnaire a plaidé pour la mise en place d'un système de détection des mouvements de foules.
L’ancien préfet de la région Île-de-France, qui admet avoir sa "part de responsabilité" dans l’"échec" du 28 mai, estime qu'un système d'intelligence artificielle serait "utile en vue des JO". Il avance qu’un dispositif de détection des mouvements de foule "sans aucune technique de reconnaissance faciale" permettrait "d'identifier plus vite et en amont des situations d'engorgements progressifs" et "de réagir très vite", en citant en particulier l'un des points névralgiques pour les Jeux de Paris : le centre de Paris entre la Concorde, le Trocadéro et les Invalides, où se dérouleront de nombreuses épreuves.
Et alors que la faisabilité de la cérémonie inédite d'ouverture des JO, sur la Seine, suscite des craintes au sein du milieu policier, Michel Cadot a expliqué : "Nous sommes capables de faire cela mais il faut un dispositif précisément planifié, que ce soit sur les risques proprement nautiques et sur les risques d'accès, de contrôles, de fluidité, de circulations, de nombres de points d'entrée pour éviter des engorgements." Le tout en répétant qu’il s’agissait "objectivement d'un défi considérable de logistique et d'organisation".
Mairie, préfecture de police, préfecture de région… Des groupes de travail doivent "restituer un point d'étape" en vue d'une "validation fin août-début septembre", a précisé le haut fonctionnaire. "Voyez ce qui s'est passé en Angleterre récemment sur le bord de la Tamise pour des jubilés et des cérémonies avec une foule extrêmement nombreuse", a-t-il ajouté, pour expliquer qu'un large rassemblement au bord d'un fleuve pouvait bien se passer.
Des images qui auraient pu être "conservées" plus longtemps ?
Michel Cadot a également été interrogé à propos de la destruction automatique des images de vidéosurveillance du Stade de France. Le délégué interministériel aux grands événements sportifs et aux JO a indiqué que la décision de réquisition de ces images "relev(ait) du parquet".
Il a aussi déclaré qu'il fallait se tourner vers le consortium du Stade de France pour savoir si ces images auraient pu être "conservées" plus longtemps "tout en continuant à assurer le suivi quotidien". "Je peux comprendre que le citoyen ait un petit peu de peine à considérer que c'est simplement une forme d'automaticité qui est intervenue dans cette affaire-là", a toutefois estimé le haut fonctionnaire.
Jeudi dernier, Didier Lallement avait également été auditionné devant le Sénat à propos des incidents survenus en marge de la finale de Ligue des champions. Le préfet de police de Paris avait alors concédé "un échec" et des chiffres "pas parfaitement justes".