Faut-il, oui ou non, installer des toilettes publiques gratuites à La Courneuve ? La mairie, saisie par des plaintes d'habitants, a décidé de trancher la question à l'aide d'un référendum, qui se tient jusqu'au samedi 16 novembre.
Des WC publics accessibles gratuitement près du métro ou du RER à La Courneuve ? À une semaine de la Journée mondiale des toilettes, organisée le 19 novembre, voilà que les habitants sont incités à se prononcer par référendum sur cette question, qui peut sembler triviale, mais qui a son importance en termes de santé publique.
Odeurs nauséabondes
La mairie, alertée par des habitants dérangés par des odeurs nauséabondes, souhaite entendre l'avis de la population de cette ville de 45 000 âmes, qui a déjà auparavant été invitée à voter sur des questions d'éclairage public, ou même de transports.
La mise en place de toilettes au cœur de la commune, quartier des Quatre-Routes, ou à proximité de la gare RER La Courneuve-Aubervilliers, est-elle nécessaire ? "On nous a interpellés lors d'une réunion publique, et plutôt que de rester dans un débat fermé, on a décidé d'en faire un débat public", rapporte le maire (PC) de La Courneuve, Gilles Poux. La mairie estime que 30 000 personnes passent chaque jour dans le quartier qui entoure la place du 8 mai 1945, desservie par le métro et par les bus, où s'installe chaque semaine un grand marché, et autour de laquelle gravitent 200 commerces.
"C'est important d'avoir des commodités à disposition, par exemple pour une personne âgée qui va au marché, qui y reste quelques heures et qui aura peut-être une envie pressante, mais aussi pour les professions fragiles, comme les livreurs qui passent leur journée sur des vélos ou des scooters, pour les personnes sans abri, mais aussi pour les personnes qui sont dans des logements surpeuplés, et qui passent le plus de temps possible dehors", énumère-t-il.
Un geste à destination de tous, mais en particulier des plus précaires
Actuellement, la ville se heurte à un problème de propreté et de partage de l'espace public, notamment dans les squares occupés par des personnes en errance, qui n'ont pas la possibilité de se soulager. "Par endroits, c'est catastrophique, l'odeur d'urine est insoutenable", témoigne Abdel Saadouni, chargé de développement territorial et coordinateur de quartier. "Si on veut une ville apaisée, et du vivre ensemble, il faut à la fois tendre la main, et maîtriser son espace public." Et c'est justement l'idée derrière l'installation de ces WC.
Le maire, Gilles Poux, conçoit cependant que certains soient tentés de voter non. "Pourquoi les toilettes ont été enlevées à Paris ou dans d'autres grandes villes ? Parce qu'elles étaient devenues des lieux de mésusage. Cette appréhension sur la propreté des lieux existe toujours dans la tête des gens", explique l'édile. Mais l'équipe municipale tente de regarder au-delà de ces préjugés. "Maintenant, il faut mettre les moyens pour que se soit nettoyé tous les jours, et pour accompagner ces gens", poursuit Abdel Saadouni. Une enveloppe de 50 000 euros a été provisionnée dans le budget 2025 pour débuter l'expérimentation avec l'installation de deux toilettes publiques, si les habitants se prononcent favorablement.
Les toilettes publiques, un sujet loin d'être anodin pour les femmes
Avoir accès à des toilettes n'est également pas une question anodine pour les femmes, rappelle Gaelle Le Noane, de l'entreprise solidaire Marguerite & Cie, qui œuvre pour la distribution de protections hygiéniques saines gratuites dans les espaces publics, les écoles, ou les entreprises.
"Déjà pour le besoin primaire d'uriner, puisque, contrairement aux hommes qui urinent dans la rue sans problème, quand on est une femme, on a besoin d'un espace fermé. Mais cette inégalité flagrante est accentuée pendant la semaine de règle. On sait que c'est très difficile d'avoir accès à des toilettes dans des commerces, sans consommer, alors si l'espace public n'offre pas cette possibilité, qui peut le faire ?" Un casse-tête logistique qui fragilise d'autant plus les femmes précaires. "Parce que les règles sont taboues, tout ce qui tourne autour n'est pas résolu, et il y a des choses très simples à mettre en place, comme des toilettes publiques accessibles et propres", poursuit-elle.
Un référendum ouvert aux habitants
Le référendum mené à La Courneuve est ouvert seulement aux habitants de la commune (avec justificatif de domicile), qu'ils soient de nationalité française ou de nationalité étrangère, à partir de 16 ans. On peut s'inscrire pour voter en ligne, dans plusieurs bureaux de vote habituels, ou bien auprès d'un point de vote mobile animé par les équipes municipales.
Ce mardi 12 novembre, le maire estimait le nombre de participants à environ un millier. Les Courneuviennes et Courneuviens ont jusqu'à samedi, dernier délai, pour trancher.