Dans la nuit du mercredi 16 au jeudi 17 août, l'entrée des locaux du café-librairie Michèle Firk à Montreuil (93) a été fracturée, quelques tags ont été faits et des livres ont été volontairement détériorés. Le collectif de bénévoles ne comprend ni le but ni les intentions de ce vandalisme.
En ce début de vendredi après-midi, les bénévoles sont encore dans l'incompréhension. L'un est venu avec des chouquettes pour remonter le moral, un autre propose un café et un troisième a apporté un livre qu'il avait en double : Travail gratuit et grève féministe (éditions Entremonde). Un début pour reconstituer le stock perdu. Tous ici se posent la même question : "Pourquoi notre petit café-librairie associatif autogéré a-t-il été attaqué ?"
La veille, des bénévoles du café-librairie Michèle Firk ont découvert l'étendue des dégâts un peu par hasard car le lieu est habituellement fermé au mois d'août. Deux étagères et une table ont été recouvertes d'huile rendant invendable des dizaines de livres. Des ouvrages sur l'antisémitisme, les questions noires et l'islamophobie ainsi que de nombreux livres sur le féminisme et l'intersectionnalité et les droits LGBTQI+ ont été visés. Au sol, deux tags semblent en contradiction avec la philosophie du lieu : "Sales fachos" et "Marre des fans identitaires".
Cela s'eplique selon la sociologue Gisèle Sapiro, également directrice de recherche au CNRS en ce qui concerne notamment les écrivains et la littérature : "Aujourd'hui en fait, il y a une tendance de la droite à accuser les militants antiracistes et féministes qui combattent le racisme et le machisme, de les cibler et de les qualifier de fasciste. Alors c'est une sorte de retournement de l'étiquette infamante qui fonctionne à la fois comme une accusation et une insulte. Le rseultat c'est que cela brouille les pistes."
Un lieu d'accueil convivial et sans histoire depuis 10 ans
Un des bénévoles venu nettoyer reste perplexe : "On n'a pas d'inimitié particulière. Cela fait 10 ans déjà qu'on propose de venir ici boire un café ou une bière. C'est un lieu d'accueil pour tous où on vend juste des bouquins."
Dans un communiqué, le collectif d'une dizaine de cafetiers-libraires, comme il se présente, précise : "Chaque année, nous nous organisons pour proposer des dizaines d’événements par mois, des possibilités de répétitions, de discussions et cherchons à rendre possible l’entraide et la solidarité. Nous avons besoin de lieux pour se rencontrer, discuter, combattre les logiques de concurrence, rendre possible des initiatives, etc…"
Si les personnes qui ont fait ça veulent nous expliquer leur démarche, on les attend
Le collectif de cafetiers-libraires Michèle Firk à Montreuil
Après avoir constaté que les livres tachés d'huile sont irrécupérables, le groupe se retrousse les manches. Des cartons et du papier journal sont déposés au sol pour absorber les taches. La veille, ils ont reçu le soutien de la plus ancienne librairie de Montreuil créé en 1981 et la plus importante de Seine-saint-Denis : Folies d'encre. À deux pas également, dans la maison d'édition et librairie de quartier Libertalia, Florent confirme : "Bien sûr qu'on les soutient. Les collègues sont passés nous voir hier. Ils étaient sonnés." Cette librairie est plus armée pour faire face à la haine. Elle-même avait été submergée en novembre dernier par des appels et des messages identitaires quand avait éclaté la polémique du retrait de leur jeu de société Antifa par la Fnac. Ils avaient finalement obtenu gain de cause et la chaîne de magasins avait fait marche arrière.
Un appel aux dons
Le fond de caisse n'a pas été volé et rien ne semble manquer dans les autres rayons. Reste que la perte sèche est très importante comme le confirme le collectif. "Les dégâts matériels représentent malgré tout un coût important dont on se serait passé, mais qu’on oubliera vite. Vous pouvez nous aider via notre appel à dons habituels sur helloasso."
Le collectif s'interroge aussi sur la possibilité de retourner aux distributeurs les livres abîmés et de faire appel à la générosité des maisons d'édition partenaires. "Et pourquoi pas mettre en vente une sélection de quelques livres imbibés d'huile que nos clients habituels achèteraient comme une marque de soutien et de résistance ?" s'interroge un bénévole. La réouverture du lieu reste prévue début septembre comme chaque année. Le café-librairie est situé au 9 rue François Debergue, à deux pas de la Croix de Chavaux près du centre-ville de Montreuil. Au même endroit, leurs activités s'inscrivent dans celles de La Parole Errante Demain, ouverte à Montreuil depuis 1997 à l’initiative du poète dramaturge Armand Gatti et de sa tribu. L’ensemble des lieux appartient au Conseil Départemental de Seine-Saint-Denis. Le collectif précise : "Nous sommes en négociation depuis plusieurs années pour pérenniser nos activités et notre présence dans le lieu."