Les juges d'instruction chargés de l'enquête sur la mort d'Adama Traoré, un jeune homme décédé lors de son interpellation en juillet 2016 dans le Val-d'Oise, vont ordonner une nouvelle expertise médicale.
La nouvelle expertise médicale va-t-elle permettre d'éclaircir les nombreuses zones d'ombre de ce dossier ? En effet, un rapport médical réalisé à la demande de la famille d'Adama Traoré et versé au dossier récemment contredit les conclusions de l'enquête sur ce décès, jusqu'ici attribué à son état de santé antérieur.
Mais ce rapport médical n'est pas sans poser de problèmes. Selon une ordonnance dont a eu connaissance l'AFP, les juges d'instruction estiment que ce rapport ne peut être considéré comme une expertise judiciaire car les quatre médecins des hôpitaux de Paris qui en sont les auteurs n'ont pas été désignés par les magistrats, ne figurent pas sur les listes d'experts auprès des cours d'appel ou la Cour de cassation et n'ont pas prêté serment.
Les juges ont donc pris la décision d'ordonner une nouvelle expertise, en espérant qu'elle n'ajoute pas encore de la confusion à ce dossier.
"Bien évidemment, mon frère est mort parce qu'il s'appelle Adama Traoré et parce qu'il vient d'un quartier populaire. On sait très bien que la réaction de la police et des gendarmes n'est pas la même dans un quartier populaire et dans un centre-ville" affirme Assa Traoré pic.twitter.com/vproVrAfqi
— franceinfo (@franceinfo) 3 avril 2019
Des conclusions opposées
Les médecins choisis par la famille attribuent le décès du jeune homme à "un syndrome asphyxique aiguë", selon leur rapport consulté par l'AFP. Ils invitent aussi à "se poser la question de l'asphyxie positionnelle ou mécanique", ce qui tend vers une mise en cause de la technique d'interpellation des gendarmes.A l'inverse, une expertise judiciaire de septembre concluait que le pronostic vital du jeune homme était "engagé de façon irréversible" avant son arrestation et que c'est une maladie génétique, la drépanocytose, associée à une pathologie rare, la sarcoïdose, qui a entraîné une asphyxie à l'occasion d'un épisode de stress et d'effort.La famille craignait un non-lieu
Le 19 juillet 2016, la mort d'Adama Traoré avait été constatée dans la caserne des gendarmes de Persan, près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise au terme d'une course-poursuite (Val-d'Oise).Les juges d'instruction ont également sollicité sur commission rogatoire l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) pour qu'elle établisse notamment quel effort a fourni Adama Traoré avant son interpellation.Les juges d'instruction avaient bouclé une première fois leurs investigations mi-décembre sans avoir mis en examen les gendarmes, faisant craindre à la famille d'Adama Traoré un non-lieu dans ce dossier qu'elle a érigé en symbole des violences commises par les forces de l'ordre.
De son côté, la défense des gendarmes mis en cause dans la mort du jeune homme avait dénoncé mi-mars le choix de la famille du jeune homme de privilégier une "instruction médiatique" en ayant transmis à la presse le rapport médical réalisé à son initiative.