A l’arrêt depuis plusieurs semaines, la liaison ferroviaire qui approvisionne le marché de Rungis en fruits et légumes est relancée ce mardi. Une suspension causée par la grève contre la réforme des retraites, d'après la SNCF. La CGT, elle, pointe du doigt un "prétexte".
Un départ à 16h de Perpignan, pour une arrivée prévue à 3h du matin à Rungis. Le train des primeurs, qui relie les Pyrénées-Orientales au Val-de-Marne, est de retour ce mardi. La liaison permet de transporter des centaines de palettes de fruits et légumes chargées dans des wagons frigorifiques jusqu’au marché international de Rungis, avec d’ordinaire cinq trajets par semaine de novembre à juillet.
Mais depuis plusieurs semaines, le train restait à quai et les marchandises étaient acheminées par des camions. La SNCF, qui a annoncé il y a une semaine sur Twitter la reprise de la liaison, explique cet arrêt provisoire "en raison des mouvements sociaux".
Contactée, la filiale Fret SNCF souligne que "pour fonctionner, le train a besoin de ponctualité et de fréquence" : "Les horaires doivent être respectés, ça conditionne le déchargement des produits et leur mise en étalage, sinon les marchandises sont refusées. Notre client Primever a besoin de cette régularité dans sa logistique, pour anticiper."
"Des mouvements sociaux locaux et nationaux en lien avec la réforme des retraites, et qui concernent les conducteurs et les agents d’aiguillage, ont régulièrement pénalisé la liaison, avec beaucoup de retards", poursuit l’entreprise. Fret SNCF raconte avoir "travaillé depuis plusieurs semaines pour sécuriser la reprise et garantir les moyens de production", en s'assurant d’avoir "tous les postes d’aiguillage ouverts". La filiale dit notamment avoir "des contacts de conducteurs en réserve".
La grève, une décision "scandaleuse" selon la CGT
La fédération CGT des Cheminots, elle, affirme dans un communiqué du mardi 25 avril que "c'est grâce à la mobilisation sans faille" de ses militants que la SNCF et le chargeur Primever - la société qui loue l’ensemble des wagons jusqu’en 2025 - "ont été contraints de reconsidérer la suspension". De quoi ainsi "maintenir une circulation utile à l’intérêt général", souligne le syndicat.
Dans un autre communiqué publié le 24 avril, la CGT Cheminots qualifie la suspension, demandée par le chargeur, de décision "scandaleuse". "La grève massive en cours, s’agissant de la réforme des retraites, ne saurait servir de prétexte à la suspension de cette circulation", dénonce le syndicat.
Selon la CGT, qui dénonce "la libéralisation du fret ferroviaire" et la perte de 10 000 emplois chez Fret SNCF de 2002 à 2021, "une distorsion de concurrence persiste avec le mode routier qui fait supporter ses coûts à la collectivité (infrastructures, pollution, etc.) et qui conduit les marchés à choisir le moins-disant social et environnemental". La CGT appelle notamment à "un engagement massif de l’entreprise publique, qui doit être protégée des aléas et du court-termisme de marché".
Une "autoroute ferroviaire" après 2025 ?
Faute de clients, la ligne du train des primeurs avait déjà été suspendue pendant plus de deux ans, avant d’être relancée en octobre 2021 par le gouvernement, à l’aide de subventions. La CGT dénonçait alors les problèmes de vétusté du matériel.
De son côté, Fret SNCF rappelle que "tous les wagons du train ont été rénovés en 2021", et que le chargeur Primever "a souhaité augmenter la capacité du train en passant en 2022 de 12 à 14 wagons". Quant au possible remplacement du train après 2025 par une "autoroute ferroviaire", embarquant des camions sur des trains, la filiale souligne qu'"il ne s’agit que d’une option à ce stade".
"Il n’y a pas de certitude aujourd’hui. Il faudra voir ce que l’Etat et les chargeurs souhaitent faire. Le champ des possibles est ouvert", affirme Fret SNCF. Dans une tribune publiée samedi par Politis, une vingtaine de personnalités - dont les députées LFI du Val-de-Marne Rachel Keke et Mathilde Panot - demandent la mise en place d’un "deuxième train quotidien" avec un deuxième chargeur.