Le parquet national antiterroriste demande que quatorze personnes soient jugées dans le cadre de deux procès. Des personnes mineures et majeures étant impliquées.
L'assassinat du professeur Samuel Paty survenu le 16 octobre 2020 pourrait bientôt faire l'objet de deux procès. En effet, le parquet national antiterroriste (Pnat) a demandé ce vendredi les assises pour huit majeurs, dont deux personnes accusées de complicité, ainsi qu'un autre procès devant le tribunal pour enfants, pour six collégiens.
Pour rappel, l'enseignant de 47 ans a été poignardé puis décapité près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine dans les Yvelines par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d'origine tchétchène. L'homme a été abattu peu après les faits par les policiers. Âgé de 18 ans et radicalisé, l'homme reprochait à l'enseignant d'avoir montré en classe des caricatures de Mahomet. Dans un message audio en russe, il a revendiqué son geste en se félicitant d'avoir "vengé le prophète".
Deux hommes encourent la perpétuité
Cet acte, source d'un immense émoi en France et à l'étranger, "résulte d'un enchaînement de causalités non exclusives les unes des autres", écrivent deux magistrates du parquet antiterroriste au terme de 541 pages de réquisitions. "Bien qu'exécuté par le seul Abdoullakh Anzorov, ce crime est en effet la résultante d'une succession de comportements pénalement incriminables", écrivent-elles encore.
Le Pnat demande un procès aux assises et que soit retenu, pour deux amis de l'assaillant, l'infraction la plus grave, c'est-à-dire la complicité d'assassinat terroriste. Ils encourent pour cela la perpétuité. Azim E. et Naïm B. sont en effet soupçonnés de l'avoir accompagné pour acheter des armes, et pour le second, d'être allé avec lui jusqu'au collège de Conflans-Sainte-Honorine, en étant "pleinement conscient de l'embrigadement idéologique d'inspiration jihadiste" de leur ami.
Brahim C., père de la collégienne visée par une exclusion pour indiscipline et qui prétendait avoir assisté au cours, et le militant islamiste Abdelhakim S, tous deux auteurs de vidéos sur les réseaux sociaux qui avaient attisé la polémique, ont été mis en examen pour complicité, une qualification sans cesse contestée par le second. Mais l'enquête "n'a pas permis d'établir qu'ils avaient précisément entendu favoriser l'assassinat de Samuel Paty, ce crime n'étant que l'une des conséquences possibles et prévisibles de leurs agissements, au même titre que d'autres crimes d'atteinte à l'intégrité physique ou à la vie", selon les réquisitions.
Une femme de 34 ans, Priscilla M., en lien sur Twitter avec l'assassin les jours précédant l'attaque, a aussi été mise en examen pour cette lourde infraction.
Mais pour ces trois personnes, comme pour trois autres adultes, le Pnat a requalifié pour une infraction moins grave, association de malfaiteurs terroriste criminelle, également passible des assises.
Comparution pour dénonciation calomnieuse
Le Pnat demande par ailleurs un procès devant le tribunal pour enfants pour cinq collégiens, pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées, un délit. En désignant Samuel Paty, leur aide a été "décisive" pour Anzorov, a tranché le Pnat.
Néanmoins, le ministère public a estimé au terme de l'information judiciaire que les mineurs n'avaient pas conscience qu'Anzorov allait assassiner Samuel Paty et que son acte s'inscrivait dans un projet terroriste. Et aucun n'a vu les armes de l'assaillant. En revanche, ils avaient compris que le Tchétchène voulait "a minima" agresser l'enseignant, selon le réquisitoire.
Le Pnat requiert que la collégienne à l'origine de l'affaire, la fille de Brahim C., comparaisse également devant ce tribunal pour enfants pour dénonciation calomnieuse. Elle a admis ne pas avoir assisté au cours et avoir menti en affirmant que le professeur avait demandé aux élèves musulmans de se signaler et de sortir de la classe lors de ce cours.
Il appartient désormais aux juges d'instruction antiterroristes de prendre une décision finale sur un renvoi en procès de ces personnes, alors que six des adultes sont encore détenus dans ce dossier.
Le ministère de l'Intérieur et de l'Education visés par une plainte
Avant son assassinat, le professeur avait ressenti "une vive inquiétude (...) "devant l'ampleur et l'agressivité de la polémique" qui le visait, selon un rapport de synthèse de fin d'enquête.
Une partie de la famille a déposé une plainte visant le ministère de l'Intérieur et de l'Education nationale, alertés de menaces visant le professeur, mais accusés de n'avoir pas pris suffisamment en compte le péril. Une enquête distincte est ouverte à Paris depuis avril 2022 pour non-assistance à personne en péril et non-empêchement de crime.
Source : AFP