C'était un jour de concert ordinaire pour Stereolux, l'espace culturel nantais. Trois noms à l'affiche dont le fameux Lescop, un millier de spectateurs attendus et dans l'ombre une petite armée de techniciens et d'administratifs avec qui j'ai passé la journée et une partie de la soirée. Rencontre...
Tri Yann, Oasis, Dolly, Dominique A, Les Garçons Bouchers, Tindersticks, Big Soul... Reprenez votre souffle... Cat Power, Eiffel, Yann Tiersen, Placebo, Asian Dub Fondation, Dionysos, Louis Bertignac, Hushpuppies, Patrick Watson, BB Brunes...
Impossible de les citer tous, ils sont des dizaines, des centaines, voire des milliers d'artistes à avoir foulé la scène de l'Olympic. Quinze année d'existence dans le quartier de Chantenay, de quoi en faire un lieu légendaire, mythique, en tout cas pour tous ceux qui s'intéressent au rock et plus largement aux musiques actuelles. Et puis, en 2011, c'est le déménagement vers l'île de Nantes pour une nouvelle aventure avec un immense bâtiment recouvert d'acier. Son nom : Stereolux. Et justement, j'y suis...
Bonjour bonjour, je m'appelle Eric, je travaille pour le web de France 3 et... "Ah oui, ne bougez pas j'appelle Rémi". Bien, je ne bouge pas ! Rémi travaille à la communication à Stereolux. Il a bien connu le temps de l'Olympic mais ne regrette rien. Non rien de rien... Tu étais là au tout début début ? "Ah non quand même pas, j'étais encore au lycée à l'époque". Ah oui oui bien sûr...
Ok ok Rémi, pff pff, c'est immense dis donc ! Et c'est propre, les murs sont blancs. Pas un graffiti, pas un autographe, quelques affiches sagement encadrées. On dirait presque un centre d'art contemporain. "C'est vrai qu'à l'Olympic les murs des loges étaient recouverts d'affiches et de dédicaces. Mais ici, les gens n'osent pas... du moins pour le moment. L'histoire de Stereolux est encore à écrire".
Bonjour bonjour, je travaille pour le web de France 3 et... "Moi aussi je travaille pour France 3". Ah bon ? L'homme qui vient de me couper la chique s'appelle Lescop. Bon il ne travaille pas à France 3, sinon je le saurais, ni à Stereolux d'ailleurs. Lescop, c'est ni plus ni moins la révélation pop du moment, l'héritier direct de la coldwave, un mélange de Joy Division, Daniel Darc et Etienne Daho à lui tout seul. Et c'est la tête d'affiche du jour. Je lui serre la main mais l'homme est déjà reparti dans ses pensées...
Anthony, dit Tony ou Tonio le régisseur est là pour veiller au respect du timing mais pas que ! "En fait, je m'occupe de la régie scène, de l'accueil des groupes, je les emmène dans leur loge, je vais les chercher à l'heure dite, j'aide à l'installation et au démontage du matériel entre les différents groupes..." Ah oui quand même ! Attention les filles, voici Tony...
A ma gauche, Olivier, technicien son, à ma droite, Jean-Pierre, technicien lumières. Tous deux sont dans la pénombre de la salle depuis le début de l'après-midi pour mettre en sons et en lumières les prestations scéniques des artistes. Et ce n'est pas toujours facile. "Les balances à l'Olympic étaient vraiment compliquées, c'était une salle de cinéma à l'origine. Mais ici c'est l'énorme volume de la salle qui nous pose un problème, Il faut remplir...". C'est vrai que cette salle est énorme, particulièrement dans le sens de la hauteur. "Oui, elle aurait 6 mètres de moins, ce ne serait pas un mal".
Pause ! Après l'effort, le réconfort. C'est l'heure du catering, autrement dit du repas pour les techniciens et les artistes. Et d'après des sources bien informées, c'est plutôt bon...
Pendant que tout ce beau monde se restaure, direction le bar et sa fameuse structure gonflable. Ludo nous y accueille. Profitez-en, Ludo ne se laisse que très rarement prendre en photo. Lui aussi a connu l'Olympic, "C'était le bon temps". Ah bon ? A ce point là ? Ce n'est pas bien ici ? "Si si mais c'est différent, très différent. Il y a beaucoup plus de monde, beaucoup plus d'ateliers, de conférences...".
C'est vrai que, à regarder de plus près la programmation de la salle, les concerts ne représentent plus grosso modo que la moitié des dates. Expos, ateliers, conférences, installations, performances multimédias, mapping... complètent le tableau. Stereolux a été voulu et conçu pour accueillir les musiques actuelles mais aussi les arts numériques. Bon Ludo, je peux te prendre en photo quand même ?
A deux pas de là, Lucie, responsable des relations avec le public et de la billetterie. Lucie vient d'être recrutée. "Avant, j'étais sur Paris. J'ai accepté de quitter la capitale pour Nantes parce qu'il y avait ce poste à Stereolux. La salle est très côtée en France. C'est ce qui m'a décidé". Et ça se passe bien ? "Oui même si ce n'est pas toujours facile de prendre la relève de quelqu'un qui occupait ce poste depuis 17 ans, depuis le début de l'aventure en fait". Lucie, c'est elle à droite du magnifique rideau Stereolux qui cache le vestiaire...
20h00, les portes de Stereolux s'ouvrent enfin. Dans quelques minutes commencera le concert. Tony le régisseur accompagne le groupe Tabloïd depuis la loge jusqu'à la scène... "Allez, il faut y aller, c'est l'heure". On dirait un peu la traversée du couloir de la mort. Prêts pour la sentence ?
Et c'est parti pour 3 heures de concert avec dans l'ordre d'apparition Tabloïd, Yan Wagner et Lescop. Dans la salle, pas moins de 1000 personnes...
Enfin bientôt 1000 personnes... parce que dans l'immédiat, c'est un peu vide. La foule est concentrée autour du bar. Tony rassure : "Pas d'inquiétude, le public va se ruer aux premières notes de musique". Et c'est vrai, Tabloïd lance la boîte à rythme et la salle se remplie subitement.
Sur scène, Fred le chanteur monte en température. Ses gestes saccadés et ses muscles hyper tendus accompagnent une musique tendance post-punk, radicale et glaciale, magnétique et électrique. Impressionnant ! 40 minutes plus tard, c'est terminé. Le groupe sort de scène, Fred me confie : "c'était notre première vraie grosse scène". Ah oui ? Pas mal pour une première. On te sentait particulièrement... comment dire... "Oui oui je sais je suis un peu habité comme garçon". Oui c'est ça, habité le garçon !
Après Tabloïd, place à Yan Wagner puis à Lescop. 23h30 c'est fini ou presque. Lescop remonte sur scène pour le rappel. Trois morceaux et puis s'en va. Silence dans les coulisses. Le chanteur et ses musiciens hésitent sur un deuxième rappel. Finalement non. Les lumières se rallument, la salle se vide, les techniciens doivent encore tout ranger. Extinction des feux prévue pour 1h30.
Je n'attendrai pas la fermeture. Stereolux a livré quelques-uns de ses secrets. Pas tous, bien sûr. Etrangement, l'image de ce temple de la musique est un peu lisse, sage, presque aseptisée. Bien sûr, on ne casse plus les fauteuils ni les guitares sur scène depuis belle lurette. Le rock, les musiques actuelles plus généralement, les concerts, sont devenus des produits de consommation comme les autres. Mais on sent encore la jeunesse du lieu et la nostalgie d'une époque révolue, celle de l'Olympic. Oui, Stereolux doit encore écrire son histoire, pour reprendre les termes de Rémi du service communication, écrire son histoire et gagner au passage un supplément d'âme...
Stereolux : les chiffres à retenir...
Permanents : 15 à l'Olympic, 22 à StereoluxVacataires : plus d'une cinquantaine
Les chiffres suivants sont extraits du rapport d'activité de l'année 2011, année du déménagement:
Budget : + de 3 millions d'euros en 2011, progression de 978 000 euros par rapport à 2010
Fréquentation : 42858
Activités : 88 concerts en 2011 (10% de groupes régionaux, 28% de groupes français hors région, 41% de groupes étrangers), 17 spectacles multimédias, performances et ciné-concerts, 10 installations numériques, 12 conférences films et débats...