Trop de résultats non conformes, des risques environnementaux constatés, Corinne ORZECHOWSKI, la préfète de la Mayenne va proposer au Conseil de l’Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques (CODERST) la suspension de l'activité d'Aprochim
Plus de deux ans après le début de l'affaire, "ce n'est que maintenant qu'on prend le taureau par les cornes, alors que les agriculteurs alentours sont économiquement morts et qu'on commence à licencier les salariés de l'entreprise", a réagi Jean-Marc Guesdon, le président du collectif de défense des riverains et des agriculteurs "Terre et Vie d'Anjou", estimant que "l'Etat a failli à ses responsabilités".
La direction de l'usine Aprochim a présenté mardi un projet de licenciements économiques prévoyant la suppression de 21 emplois sur 69.
L'usine, mise en demeure en novembre de respecter les valeurs limites de ses rejets, est sous surveillance depuis janvier 2011 après la détection de taux anormalement élevés de PCB dans la production de plusieurs fermes voisines (lait, viande et
oeufs). Des troupeaux ont été abattus à la suite de cette pollution. Une information judiciaire a été ouverte fin 2011 à Laval pour pollution environnementale et mise en danger de la vie d'autrui.
Le communiqué de la préfecture de la Mayenne
Par arrêté préfectoral du 29 novembre 2012, et suite à nouveaux dépassements des valeurs limites de rejets, la société APROCHIM a été mise en demeure de respecter les normes de rejets qui lui sont fixées. Cette mise en demeure prévoyait la réalisation de 8 mesures successives conformes avant toute levée de celle-ci :
1) Deux mesures ont été effectuées à ce jour, la deuxième révèle des non-conformités
- lors de cette deuxième mesure, les valeurs limites fixées pour les PCBi par l'arrêté préfectoral du 12 avril 2012 ont été dépassées tant en concentration qu'en flux
- la valeur limite en concentration de PCBi est fixée à 0,8 [jg/Nm3. La valeur mesurée s'élève à 1,49 [jg/Nm3 ;
- la valeur limite en flux de PCBi est fixée à 0,5 g/jour. La valeur mesurée s'élève à 0,67 g/jour.
2) Ce nouveau dépassement des valeurs limites de rejets fixées à l'entreprise révèle un manque de maîtrise des outils de traitement
- l'entreprise APROCHIM a réalisé de nombreux investissements depuis janvier 2011 pour améliorer ses installations et son dispositif de traitement des transformateurs ;
- pour autant, sur les 20 mesures de rejets effectuées à la cheminée depuis 2 ans: sept ont révélé des dépassements des valeurs limites ;
- force est de constater que les modifications apportées ne permettent pas encore de garantir le respect en permanence des valeurs limites fixées ;
- comme cela a été constaté au cours de l'été 2012, des dépassements des valeurs limites peuvent provoquer une augmentation des rejets de PCB dans l'environnement et entraîner ainsi une nouvelle contamination des animaux autour du site de l'entreprise.
3) Un projet d'arrêté préfectoral suspendant l'activité de l'entreprise APROCHIM sera présenté aux membres du CODERST
au regard de ce nouveau résultat non conforme et des risques environnementaux déjà constatés lors de précédents dépassements des valeurs limites de rejets, la Préfète de la Mayenne, Corinne ORZECHOWSKI, proposera, le 18 avril prochain, aux membres du CODERST la suspension de l'activité de l'entreprise ;
cette suspension, après avis du CODERST, sera prise conformément à l'article 3 de l'arrêté préfectoral de mise en demeure du 29 novembre 2012 et à l'article L.514-1 du code de l'Environnement.
4) La suspension d’activité pourra être levée sous certaines conditions
La levée de la suspension de l’activité est conditionnée à :
- la remise d’une étude soumise à une tierce expertise sur les moyens techniques et organisationnels mis en oeuvre par l’entreprise pour garantir l’atteinte et le respect dans le temps des valeurs limites de rejets fixées ;
- la fourniture des résultats d’une campagne de mesures sur une durée d’un mois. Celle-ci sera constituée de 4 mesures à l’émission d’au moins 4 jours consécutifs et d’une mesure en semi-continu de 30 jours. Cette campagne de mesures sera réalisée après une autorisation provisoire de fonctionnement liée à la remise de l’étude.
5) Les personnels continueront de percevoir leurs salaires pendant toute la durée de la suspension
Conformément à l’article L.514-3 du code de l’Environnement, les personnels continueront à percevoir leurs salaires pendant toute la durée de la suspension de l’activité de l’entreprise.
La réaction de l'entreprise Aprochim
Jusqu'à cette décision des services de l'État l'entreprise Aprochim avait jusqu'à présent peu communiqué. Elle déplore avoir appris cette décision par la presse.
"La direction d'Aprochim regrette que cette proposition qui se fonde à priori, sur l'analyse d'une mesure ponctuelle, oublie de prendre en compte les résultats des prélèvements en continu tout à fait conformes, sur la même période.
Ces résultats de prélèvements en continu correspondent techniquement aux rejets réels de l'entreprise puisqu'il s'agit d'une prise en compte de la totalité des émissions."
Aprochim fait valoir sa bonne volonté et brandit le chantage à l'emploi
"Aprochim a mis en œuvre de nombreuses actions pour respecter ses arrêtés préfectoraux et a réalisé des investissements considérables à l'échelle d'une PME, pour respecter ses valeurs limites d'émissions les plus strictes".
"L'entreprise se trouve à ce jour dans une situation économique extrêmement difficile. L'annonce d'un plan de sauvegarde de l'emploi mardi dernier avait pour objectif de préserver les emplois et de pérenniser l'activité de l'entreprise.
Cette proposition préfectorale de suspension d'activité, basée sur une analyse incomplète, pourrait entraîner des impacts économiques et sociaux".