Le chercheur Jean-François Ghiglione a remonté le Rhône en 2023 sur la goélette scientifique Tara à la recherche de nano plastiques. Il affirme que des dizaines de milliers de tonnes de ces polluants en provenance du Rhône se jettent en Méditerannée.
Le constat est implacable : 80 % des déchets plastiques retrouvés en mer proviennent de la terre et notamment des fleuves. Jean-François Ghiglione, chercheur en écologie et écotoxicologie microbienne marine du CNRS, a remonté le Rhône en 2023 sur la goélette scientifique Tara et opéré des prélèvements, à la recherche de nano plastiques. A l'heure où l'eau des fleuves, en particulier le Rhône, est de plus en plus polluée, ce scientifique alerte sur l'urgence à réduire la production de plastiques primaires.
Des dizaines de milliers de tonnes de plastique dans le Rhône
Trois types de déchets plastiques ont été étudiés sur cinq points du fleuve Rhône. Les plus gros sont les macro-plastiques (+ de 5 mm), GPS, tels que des bouteilles, sacs, ou emballages qui ont pu être suivis grâce à des balises. De taille moindre, les micro-plastiques (entre 5 mm et 0,001 mm) , assimilables à des poussières, des microbilles de cosmétiques, ou encore des fibres synthétiques issues de lessives sont ceux que l'on retrouve en plus grande quantité dans les mers et les océans. Enfin, les nano-plastiques (- de 0,001 mm) sont invisibles à l’œil nu.
Dans la baie de la Ciotat, on a pu observer un million de microplastiques sur une seule journée.
Jean-Francois Ghiglione, chercheur au CNRSFrance 3 Provence-Alpes
"Dans l'eau du Rhône, on a estimé à des dizaines de milliers de tonnes par an les déchets plastiques qui vont se jeter dans la mer", explique Jean-François Ghiglione, parmi lesquelles des particules provenant de la fragmentation des macro-plastiques, de leur décomposition en morceaux. "Les plastiques se transforment tous sur terre avant d'arriver dans les fleuves, fragmentés par l'abrasion et les ultraviolets."
Le chercheur dit avoir pu observer des variations en fonction des saisons avec des pics de rejets polluants plus importants par exemple pendant les crues. "On a peu à peu plastifié notre environnement, car quelle que soit leur forme, les plastiques vont être ingérés à tous les échelons de la chaîne alimentaire". Une situation qui met ainsi en danger les écosystèmes marins et la santé des populations.
Urgence à réduire la production
Chaque année, on estime à 11 millions de tonnes la quantité de déchets plastiques déversée dans l’Océan. À ce rythme, selon les prévisions, d'ici à 2050 les mers et les océans compteront autant de plastiques que de poissons. Jean-François Ghiglione alerte sur l'urgence à réduire la production et la consommation individuelle des plastiques à usage unique, car "c'est essentiellement ce que l'on va retrouver dans le Rhône et dans la mer".
Dans nos déchets ménagers, 10% seulement de notre poubelle jaune est recyclé, mais surtout une poubelle sur 10 va finir dans les océans.
Jean-François Ghiglione, laboratoire d'océanologie de Banyuls-sur-merFrance 3 Provence-Alpes
Le chercheur précise que ces plastiques à usage unique sont utilisés au quotidien, "ils vont être utilisés quelques minutes mais mettront des centaines voire des milliers d'années à se dégrader."
Recyclage, "la fausse bonne idée"
Alors que des discussions pour un premier traité limitant la pollution plastique sont en cours sous l'égide de l'ONU, avec un objectif de ratification fin 2024, Jean-Francois Ghiglione affirme que le recyclage, au même titre que les plastiques biodégradables, sont de "fausses bonnes idées". Face à cet enjeu international, "le message des scientifiques est clair, c'est la production globale de plastique qu’il faut réduire, et pas seulement à l'échelle de l'Europe qui fait figure de bon élève, parce que cette pollution ne connaît pas de frontière" .