Les magistrats ont quitté leurs cols d'hermine aujourd'hui pour partager avec les journalistes sur l'obligation pour eux de communiquer sur l'enquête à l'heure de l'information instantanée.
"On ne rend pas la justice sur les marches du palais"
Yves Gambert, le procureur de la République d'Angers l'explique longtemps les magistrats se devaient impérativement au silence absolu pour "préserver l'enquête". Avec le développement d'abord de la télévision, avec ses heures de gloire dans les années 80 et 90 et une médiatisation obligatoire de nombreuses affaires, le postulat de la loi a vite volé en éclat.Des juges d'instruction convoquent la presse, multiplient les confidences maladroites et se perdent dans le miroir des médias.
A l'heure des chaînes info diffusant 24h sur 24h, au moment où chaque citoyen peut devenir son propre médias en jouant au chroniqueur judiciaire, la posture historique du magistrat n'est plus tenable.
Gambert l'explique "la qualité du magistrat autrefois et transmise par nos aînés à l'école de la magistrature -cultiver votre savoir faire et pas votre faire savoir n'est plus de mise".
Ce que dit la loi
Le législateur en 2000 a fait évoluer l'article 11 du code de procédure pénale. Le seul article régissant les relations justice-médias. Le Procureur peut maintenant informer mais pas commenter une affaire en cours. Les circulaires du ministère de la justice invitent les magistrats à envoyer des communiqués aux journalistes. "Il faut que le procureur parle aujourd'hui, c'est même dans la grille d'évaluation du magistrat" confirme Jean-Yves Bladier, le Procureur de Soissons.
"A l'école, nous sommes formés pour communiquer non pas pour informer" .
"Nous suivons du médias training, nous rencontrons à Bordeaux -l'école de la magistrature NDLR- des chroniqueurs judiciaires pendant notre cursus de formation" insiste l'encore jeune procureur de l'Aisne. Ne pas franchir la ligne rouge, préserver absolument le secret de l'instruction tout en s'exprimant dans les médias. C'est l'équation à préserver. Mais "il faut que le procureur parle, et on passe notre temps à le rappeler."
"Heureusement Guy Georges n'a pas écouté la radio"
Solange Doumic, une des avocates d'une des familles des victimes du serial killer des parkings de l'est-parisien, se souvient. "C'était les premiers test ADN à l'époque, un journaliste apprend par une source très proche de l'enquête que Guy Georges a été identifié. On allait l'arrêter. A la radio dans un flash spécial le journaliste donne son nom comme celui du tueur en série terrorisant Paris. Dieu merci ni Guy Georges, ni ses proches n'ont entendu la radio et Guy Georges a été arrêté."Celle qui a fait avoué à l'audience le serial killer pendant son procès aux assises, le confirme "Quand on défend un suspect, oui on veut que le procureur communique, non quand on est du côté des parties-civiles".
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"Les Anglais ne voulaient pas que je parle du sort des fillettes"
Difficile de communiquer parfaitement quand on a en face de soi la presse mondiale comme une dans une affaire comme la tuerie de Chevaline. Eric Maillaud, le procureur d'Annecy, a du répondre à la presse populaire britannique "qui dit ce qu'elle veut quand elle veut sur l'instruction et l'enquête". "Les médias britanniques ne supportaient pas que je parle des détails du sort des enfants, culturellement pour eux c'était inacceptable."Inconfortable pour un magistrat de s'adapter au temps réel et aux médias en ligne "j'ai essayé au départ de faire corriger des approximations comme celles sur l'arme utilisée à Chevaline, mais tout va trop vite et le démenti est oublié. Cela ne sert à rien."
"Outreau et l'affaire Emile Louis ont obligé la justice à mieux communiquer"
Hervé Lollic, l'actuel procureur de La Roche sur Yon, a été vice-procureur magistrat en charge de la presse lors du spectaculaire procès dit des "pédophiles" d'Angers."Nous devions être l'anti-thèse des procès de l'affaire d'Outreau, l'instruction dans l''affaire des disparus de l'Yonne et Outreau, ont obligé la chancellerie à déléguer pendant des procès très médiatiques des magistrats en charge de la communication".
Résultat des courses, un procès exemplaire et des débats apaisés pour tous les acteurs comme pour ses observateurs.
"La loi interdit toute captation ou enregistrement des débats au cours des audience pour préserver la sérénité du procès. Avec Twitter, et un compte-rendu possible en direct du compte-rendu des audiences, la technologie pousse la porte des prétoires." Conclut Hervé Lollic.