Dessinateur des Aventures de Sarkozix, le Nantais Bruno Bazile revient avec un album qui fleure bon l'âge d'or de la bande dessinée franco-belge, une biographie dessinée et romancée de l'auteur Maurice Tillieux. Rencontre...
La fin d'un règne... et la fin d'une série ! Exit Nicolas Sarkozy, au placard les aventures de Sarkozix. La série parodique publiée chez Delcourt entre 2010 et 2012 s'arrête avec le changement de Président mais Bruno Bazile, son dessinateur, ne baisse pas les pinceaux et s'attaque d'emblée aux aventures d'un nouveau personnage, tout aussi réel, tout aussi passionnant, une figure, que dis-je une légende du Neuvième art que les plus de 20 ans, ou plus sûrement 40, connaissent forcément. Son nom : Maurice Tillieux.
"M'sieur Maurice et la dauphine jaune" est une biographie (très) romancée du génial créateur des aventures de Gil Jourdan publiées dans le journal Spirou entre 1956 et 1979. Inspiré par le quotidien et souvent par son propre quotidien, Maurice Tillieux glissa ses héros dans les décors de quelques sites remarquables de France et d'ailleurs comme le passage de Gois en Vendée, le port de Saint-Nazaire ou le pont transbordeur de Rochefort.
Entre nostalgie et modernité, "M'sieur Maurice et la dauphine jaune" nous fait découvrir en une suite d'histoires courtes comment ce quotidien, ces sites remarquables mais aussi les quartiers populaires ont pu influencer Maurice Tillieux.
Pourquoi une biographie dessinée de Maurice Tillieux ?
Bruno Bazile. Parce que je trouvais, quand j'étais jeune lecteur de la série, une proximité (géographique) entre les aventures de Gil Jourdan et des lieux de vacances que je fréquentais moi-même. Etant devenu auteur BD, adulte, et fréquentant ces lieux familiers, la logique dans laquelle s'était plongé Tillieux pour imaginer ses histoires me paraissait évidente, naturelle. C'est ce que j'ai voulu raconter.Comment vous est venue l'idée ?
B.B. Progressivement. Au début, il ne s'agissait que de courtes histoires pour occuper le Journal Spirou. Petit à petit, l'idée d'articuler les histoires entre elles, une lente montée vers un point clé, s'est imposée à mon esprit. L'éditeur (Treize étrange) m'a encouragé dans cette voie, et largement soutenu, artistiquement.Que représente pour vous cet auteur et plus largement ce qu'on appelle l'école de Marcinelle ?
B.B. Un bain de jouvence, le renvoi à des années d'insouciance, qui ont bercé mon adolescence et définitivement donné le goût de la BD.Sur quelle documentation vous êtes-vous appuyé pour construire vos récits ?
B.B. Les interviews de Tillieux ne sont pas très nombreuses, elles sont regroupées dans un ou deux bouquins. Je m'en suis émancipé pour les besoins des histoires que j'avais envie de raconter. J'y revenais seulement pour vérifier un ou deux détails, ne froisser personne. Mais j'ai pris pas mal de liberté avec les dates. On s'en fiche un peu. Il était important que le lecteur ne se sente pas dans un livre de Spécialistes, j'espère.Pourquoi une suite d'histoires courtes plutôt qu'un long récit classique ?
B.B. J'aime bien cette forme d'histoire à chute. J'ai déjà fait ça par le passé (dans les Faussaires). Et puis, au début, les histoires étaient censées intéresser un Journal.
L'homme que vous avez découvert au cours de vos recherches est-il différent de ce que vous imaginiez ?
B.B. L'Homme, je ne le connais pas vraiment. J'ai peint le personnage d'un auteur de BD, mais que j'ai voulu rendre le plus humain possible, dans ses relations avec ses copains dessinateurs, avec ses filles ou avec son éditeur... J'y ai mis de moi-même, aussi, ici et là.Avez-vous eu des contacts avec des proches ?
B.B. Il y a 5 ou 6 ans, oui. Depuis la sortie du Bouquin, pas encore. Il était important pour ma tranquillité d'esprit, d'écrire ce livre seul, sans demander rien à personne, ni autorisations susceptibles d'êtres assorties de réserves, ni de conseils auprès de Gardiens du Temple... En revanche, l'éditeur et moi avons prévenu les intéressés, courtoisement, en temps voulu, et avons entretenu le contact.Comment perçoivent-ils l'album ?
B.B. Les histoires courtes parues dans Spirou il y a quelques années (et reprises dans cet album) n'avaient pas soulevé de contestation, à l'époque. J'ai même l'assurance qu'elles avaient été bien perçues, alors, par les très proches.Depuis, récemment, j'ai reçu un mot extrêmement sensible et touchant, de Gos, (dessinateur repreneur de la série, un temps) qui m'a véritablement fait chaud au coeur.
Que pensez vous de la polémique soulevée en 2012 par Gringos Locos, une BD biographique mettant en scène un épisode de la vie de Jijé, Franquin et Morris et ayant fortement déplu aux héritiers ?
B.B. Je me mets à la place du pauvre dessinateur, qui a dû trembler sérieusement pour son album, et qui était évidemment très sincère dans son hommage. (plus d'infos sur la polémique ici, ndlr)A quoi ressemblerait une biographie dessinée de Bruno Bazile ? Un western ? Une comédie ? Un polar ?
B.B. Un peu à La Dauphine Jaune, je présume, les schémas d'écriture, ou les détails du quotidien, les "univers" pouvant (modestement) se rapprocher. Mais en plus banal. La dimension "âge d'or" d'une époque où l'on faisait de la BD (semble t-il) sans trop se prendre la tête, est pour beaucoup, je crois, dans l'atmosphère qui règne dans l'album M'sieur Maurice.Quel a été pour vous le déclic, l'auteur, la série ou l'album qui vous a décidé à devenir vous-même auteur de BD ?
B.B. La Voiture Immergée, Gil Jourdan 3.Quel serait votre coup de coeur du moment ?
B.B. Le bouquin de Joub et Nicoby, sur Jean-claude Fournier, m'a récemment enthousiasmé! (plus d'infos sur ce livre ici, ndlr)Votre coup de gueule du moment dans l'actualité ou ailleurs ?
B.B. J'essaye quotidiennement de ne pas me prendre la tête, de ne pas me monter le bourrichon tout seul, d'imaginer seul des débats enflammés, c'est une gymnastique, c'est pour ça que je préfère ne pas répondre à cette question.Quels sont vos projets ?
B.B. Garage de Paris, avec Dugomier au scénario, dans la collection Plein Gaz de Glénat, un ensemble de portraits d'utilisateurs, à l'époque, de voitures familières des années 50-70. Par exemple, la 4 CV associée aux départs héroïques en vacances, la R.8 Gordini et son propriétaire, confondant un peu, au volant, les week-ends de Rallyes, et la routine de la semaine, etc....Doit-on comprendre que Sarkozix, c'est définitivement fini ?
B.B. Pour ma part, oui. En ce qui le concerne, lui, peut-être un retour en 2017 ? Dans le plus pur style BD : le retour de l'éternel méchant...!Interview réalisée le 23 juin 2013
Retrouvez la chronique de l'album sur notre blog dédié BD