Histoires de mômes ou Histoire d'hommes, Zep fidèle à lui-même !

A ma gauche Zep le papa de Titeuf, tee-shirt noir veste grise, à ma droite Zep l'auteur de bande dessinée, tee-shirt noir veste grise. Entre les deux, "Une Histoire d'hommes", l'album qui change tout sans changer l'homme. Interview...

Zep sans Titeuf ? Oui c'est possible et ce n'est pas la première fois. Du haut de ses plusieurs millions d'albums vendus, l'auteur suisse échappe régulièrement à l'emprise de son célèbre héros pour des récits qui restent malgré tout dans le domaine de l'humour.

Mais pas cette fois ! "Une Histoire d'hommes" est le premier album "sérieux" de Zep. Sérieux mais pas triste. Paru chez le nouvel éditeur BD Rue de Sèvres, "Une Histoire d'hommes" raconte les retrouvailles d'anciens copains, membres d'un groupe de rock qui aurait sévi il y a 18 ans. L’un deux a réussi, est devenu une star au pays de la pop, les autres galèrent ou ont pris une voie beaucoup plus sage au pays du camembert. Ils se retrouvent donc un week-end, invités par la star, refont l’histoire, imaginent ce qu’aurait pu être le groupe s’il n’avait pas explosé en vol, établissent la liste des regrets éternels et découvrent au détour d’une discussion une sombre vérité, un secret enfoui qui va expliquer pas mal de choses sur les uns et les autres.

Ce n'est pas très stratégique mais je commencerai l'interview par vous fâcher en vous disant que je n'ai jamais lu du Titeuf. Qu'est-ce que vous en pensez ? Que je suis fou ? Que je n'ai rien compris au Neuvième art?

Zep. Sans doute les deux. mais je vous pardonne... je pense que cet album est aussi fait pour ceux qui n'aiment pas Titeuf.

En fait oui, j'en ai lu du Titeuf, comme à peu près la Terre entière. Quand vous vous retournez et regardez votre parcours, qu'est-ce qui vous rend le plus fier ?

Zep. Je me rends compte que j'aime tous mes albums. Pas un que je regrette. Et pas un que je serai capable de refaire aujourd'hui... Ils sont donc tombés au bon moment, lorsqu'ils étaient mûrs.

Peut-on rester un auteur "normal" quand on vend des millions d'albums?

Zep. Bien sur... mais excusez-moi, mon infirmière suédoise vient pour ma piqûre.

Etes-vous aujourd'hui un homme comblé ?

Zep. Je pense être incomblable, c'est ce qui me maintient en recherche... mais je suis reconnaissant de tout ce qui m'arrive.

l'humour est une forme de pudeur. Mais il permet aussi d'aborder les sujets les plus durs et les plus tabous


Ce n'est pas la première fois, loin de là, que vous faite une infidélité à Titeuf. Mais c'est la première fois que vous enlevez votre carapace humoristique. N'y a-t-il pas là pour vous comme une mise à nue, une mise en danger ?

Zep. Oui, l'humour est une forme de pudeur. Mais il permet aussi d'aborder les sujets les plus durs et les plus tabous. Je ne me suis pas privé... mais il y a toujours une forme de protection. Là, même s'il s'agit d'une fiction, c'est une démarche plus intime.

L'album représente-t-il pour vous un cap ou simplement une étape normale, logique, d'un auteur toujours curieux, créatif et qui aime varier les plaisirs ?

Zep. Ce métier est un métier de plaisir. Je fais des albums que j'ai envie de faire...mais cela demande parfois une certaine souffrance pour y parvenir. Pour Une Histoire d'Hommes, j'ai dû transformer mon dessin et je ne peux pas dire que cela ait été facile. J'ai envie de garder cette veine et de l'explorer encore sur d'autres albums. J'ai aussi envie de continuer à dessiner des albums d'humour. Tout ça fait partie de ma vie d'auteur...et j'imagine qu'il y aura encore d'autres choses qui vont s'y passer. Je l'espère en tous cas.

On me demande souvent si Titeuf va grandir, ce livre pourrait en être une version adulte.


"Une histoire d'hommes" est, comme son titre l'indique, une histoire d'adultes pour adultes. Vous quittez le cocon de l'enfance pour rejoindre un monde brutal, dangereux. N'avez-vous pas peur d'y laisser des plumes?

Zep. je ne sais pas si c'est une histoire pour adultes... J'ai reçu beaucoup de messages de jeunes lecteurs (14, 16 ans) qui ont été touchés par cet album. Certains étaient des lecteurs qui venaient par Titeuf et ils découvrent autre chose. A 14 ans, j'adorais les albums de Bilal... Mais vous avez raison, le titre est clair, nous ne sommes plus dans des histoires de petits garçons. On me demande souvent si Titeuf va grandir, ce livre pourrait en être une version adulte.

Question graphisme, vous avez opté pour un trait réaliste. Comment s'est fait le passage : dans la simplicité ou dans la douleur ?

Zep. Pas très simple, mais très gratifiant de voir mon trait évoluer sur un projet comme celui-ci. J'ai dessiné 3 versions de l'album et à chacune d'elles, je m'approchais du livre que j'avais en tête. C'était très excitant.

"Une Histoire d'hommes" parle de deuil et même de plusieurs deuils. Le deuil d'un enfant, le deuil de la jeunesse, le deuil de l'amitié. Pouvez-vous nous dire pourquoi ce thème vous tenait ici à coeur ?

Zep. Quand j'ai commencé à publier des bandes dessinées, dans SPIROU notamment, la tendance était à la nostalgie. On cherchait à retrouver l'âge d'or de la bande dessinée. C'était la période des reprises, celle de Blake et Mortimer, de Barbe-Rouge. Je me souviens que les jeunes dessinateurs dont je faisais partie recopiaient le monde de Franquin, de Tillieux, les réverbères au gaz, les livreurs de lait, maman à la maison, papa au bureau...
Comme je travaillais surtout pour des associations, des centres de quartiers, j'avais envie que mes bandes dessinées soient le reflet du monde dans lequel je vivais. pas celui de Franquin. J'ai donc dessiné les maisons de mon quartiers, ses arbres, des SDF, des gens au chômage, des gens qui meurent, des handicapés, des réfugiés bosniaques, des affiches de prévention contre le Sida (nous étions en 1992). Pas par misérabilisme, ni par goût du morbide mais parce qu'il me semblait évident que c'étaient ses sujets auxquels il fallait se confronter.
Pour Histoire d'Hommes, le thème est le passage à l'âge adulte, la vie qui est bloquée. J'avais envie d'écrire une histoire dans laquelle la vie réapparaît à travers la mort, celle d'un enfant.

L'album parle aussi du milieu de la musique, une autre de vos passions. Vous avez joué dans quelques groupes et jouez encore je crois avec Alice in Kermerland. Auriez-vous rêvé de devenir une star du rock un peu comme Sandro ?

Zep. Oui, de 12 à 14 ans. ça m'a passé par la suite... Mais j'aime toujours jouer!

Quel est la part autobiographique de ce récit  ?

Zep. C'est une fiction...mais dans chaque personnage fictionnel, il y a une part autobiographique. Souvent inconsciente. Il me faudrait donc un divan pour répondre à cette question.


Zep comme Led Zeppelin ! Où en êtes vous musicalement ? Qu'est-ce que vous écoutez en boucle sur votre platine ?

Zep. Le coffret des inédits de Self Portrait de Bob Dylan.

Etre rock, c'est le dernier espoir de rester jeune ?

Zep. je ne suis pas sûr que "rester jeune" soit un bon objectif. J'aime bien l'idée de mûrir, de vieillir... Quand je vois Ron Wood en leggins léopard, ça me met plutôt mal à l'aise, hahahaha!

Comment vous imaginez-vous dans 20 ans ?

Zep. Oups ! J'espère avoir toujours l'envie... sinon, j'aurai peut être trouvé une vie plus calme, une forme de sagesse, qui sait? Ou alors je serai au cimetière.

Pour finir, la question d'un auteur plein de talent qui s'appelle Tebo et que vous connaissez je crois : "Depuis que tu fais de la bédé réaliste, quels dessins te demandent tes lecteurs en séance de dédicace?"

Zep. Je commence vite mon dessin avant qu'ils aient le temps de dire "j'aimerais Yvan et Sandro avec une guitare et le manoir et les falaises derrière..."

Merci Zep


Retrouvez la chronique de l'album sur notre blog dédié BD
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