Après Les Ignorants et Le Chien qui louche, l'auteur angevin Etienne Davodeau retrouve son compagnon de longue date Joub pour imaginer une suite à la trilogie Geronimo qu'ils avaient écrite ensemble il y a quelques années. Interview...
Publiée aux éditions Dupuis entre 2007 et 2010, la trilogie Geronimo nous racontait l'histoire d'une bande d'adolescents qui découvrent un beau jour reclus dans une ferme un gamin de leur âge élevé dans la tradition indienne. Il s'appelle Geronimo. Ensemble, ils font les 400 coups, découvrent l'amour, les filles, la vie jusqu'au jour où Geronimo embarque clandestinement à bord d'un bateau, direction l'Amérique...
Pourquoi et comment vous est venue l'idée de donner une suite à la trilogie Geronimo ?
Etienne Davodeau. Au départ, c'est vrai, l'histoire était prévue en trois livres avec l'idée, à la fin, de laisser partir Geronimo à bord de ce bateau mystérieux vers un futur dont les lecteurs seraient les seuls responsables. J'aime les fins ouvertes ! Mais là, nous avions accumulé pas mal de choses dans la construction du personnage et nous ne pouvions pas le laisser partir comme ça. Nous voulions donner à ce pauvre garçon une chance de s'en sortir un peu mieux. Comme il a été élevé dans le mythe de la civilisation indienne d'Amérique du nord, il aurait logiquement dû rejoindre les États Unis mais le bateau dans lequel on lui a proposé de monter clandestinement n'a finalement pas rejoint la destination attendue.Effectivement, on pensait tous Geronimo aux États Unis, on le retrouve en Guyane. Pourquoi avoir choisi cette destination plutôt qu'une autre ?
E.D. Nous avions pensé dans un premier temps à l'Afrique. Mais Joub et moi avons fait un séjour en Guyane lors d'un festival de BD il y a trois ans. Le contexte guyanais nous a tout de suite séduit, l'aspect sauvage, vierge à 80% de sa surface, le fait que ce soit en France aussi, ce qui était intéressant pour notre personnage qui est quand même le seul européen à avoir franchi les frontières européennes clandestinement dans ce sens-là. Et puis Joub s'est installé là-bas, cela fait maintenant deux ans qu'il y vit. Du coup, j'ai pu retourner sur place, faire des repérages plus précis.Un décor fabuleux mais finalement assez peu exploité ici. Pourquoi ?
E.D. D'un côté, il y a les envies qui viennent de ce qu'on peut vivre, et puis, et ça reste prédominant, il y a la rigueur de l'écriture. Le fait de faire passer Geronimo dans cet espèce de sas que serait la Guyane nous tentait bien. Mais lorsque j'ai commencé à découper l'histoire, j'ai bien vu que finalement il y aurait assez peu de pages dans le contexte de la Guyane, à mon grand regret et surtout au grand regret de Joub. Mais à un moment, l'histoire prime sur le dessin, en tout cas dans ma conception de la bande dessinée. Et donc Geronimo revient en France, à Paris...Geronimo revient en France pour retrouver ses racines et enquêter sur cette mère qu'il n'a jamais connue...
E.D. Oui, dans les trois premiers volets, on voit que Geronimo a été élevé par son oncle, sa mère est morte au moment de sa naissance parce qu'elle a voulu accoucher seule dans les bois à la façon des apaches. La question de sa provenance et de la vie de sa mère hante Geronimo. Pour qu'il se construise en tant qu'adulte, il doit d'abord régler cette question-là.Vous avez travaillé avec Joub sur "Max et Zoé", sur "Geronimo" puis aujourd'hui sur "Il s'appelait Geronimo". Pouvez-nous expliquer comment fonctionne le tandem Davodeau - Joub ?
E.D. J'aime travailler avec Joub parce que, déjà, on se connaît depuis très longtemps, on s'est rencontrés sur les bancs de l'université à Rennes dans les années 80. On a commencé à faire pas mal de livres jeunesse et de bandes dessinées ensemble dès cette période-là. Sur nos livres en commun, je ne suis pas le scénariste et il n'est pas le dessinateur. On écrit ensemble, je découpe la scène, j'écris les dialogues, je choisis les cadres... et Joub porte l'intégralité du dessin. C'est vraiment un travail à quatre mains. Nous formons un vieux couple, comme disent nos compagnes respectives. c'est une façon d'écrire très ludique, très stimulante.Quels sont vos projets mutuels et communs ?
E.D. Nous n'avons pas encore réfléchi à ce que pourrait être notre prochain livre commun parce que Joub est actuellement occupé sur d'autres projets qui attendaient la fin de Geronimo pour se déclencher. Cette fois, il dessine enfin très largement la Guyane (Le Manuel de la jungle avec Nicoby chez Dupuis, sortie prévue en 2015, ndlr). De mon côté, je travaille avec Benoît Collombat, grand reporter à France Inter, sur un documentaire autour de la violence politique en France dans les années 70, la période du SAC (Service d'Action Civique, ndlr), de l'assassinat du juge Renaud, du "suicide" de Robert Boulin. Ce livre sera publié par Futuropolis dans un an et demi et une partie sera pré-publiée dans La Revue dessinée, une revue entièrement consacrée aux reportages et documentaires en bande dessinée.Merci Etienne Davodeau
Interview réalisée le 10 avril 2014Retrouve la chronique de l'album sur notre blog dédié BD