L'avocate de 120 parties civiles au procès Xynthia, Corinne Lepage, a visé lundi dans sa plaidoirie les élus "cupides" de La Faute-sur-Mer, et leur politique effrénée d'urbanisation, menant, selon elle, à la mort de 29 personnes en février 2010
René Marratier, maire de La Faute-sur-Mer de 1989 à mars 2014, et Françoise Babin, son ex-adjointe à l'urbanisme et propriétaire de terrains, ont fait le choix commun d'aller vers une urbanisation massive, au mépris des risques d'inondation, que le maire connaissait parfaitement"
L'avocate de 120 parties civiles commence sa plaidoirie sans ménagement. René Marratier et Françoise Babin, sont tous deux jugés devant le tribunal correctionnel des Sables-d'Olonne pour homicides involontaires.
"M. Marratier, toujours conseiller municipal de la station balnéaire, était "un maire très autoritaire, qui se comportait comme un véritable roitelet, un homme intelligent qui a joué une comédie devant nous, celle de l'idiot du village", a estimé l'avocate de l'Avif, l'association des victimes.
"Non, M. Marratier n'est pas ce pauvre bougre, qui a fait tout ce qu'il pouvait avec ses petits moyens dans sa petite commune. Non, Mme Babin n'est pas quelqu'un de parfaitement éthique, qui aurait bien séparé ses intérêts personnels de ses fonctions à la mairie. Son patrimoine familial a été multiplié par vingt pendant les dix dernières années", a insisté Me Lepage.
Les deux anciens élus comparaissent depuis le 15 septembre, notamment pour avoir signé des permis de construire pour des maisons de plain-pied qui auraient dû comporter un étage, en raison du risque fort de submersion de la digue censée protéger les habitations. Dans ces maisons, ont péri noyées plusieurs des 29 victimes de la violente tempête Xynthia, le 28 février 2010.
"Je m'en foutiste"
"C'est parce que M. Marratier, Mme Babin ont passé par pertes et profits cette priorité, et surtout par profits, qu'ils sont renvoyés devant ce tribunal", sans que le conseil municipal, "simple chambre d'enregistrement", ne trouve à y redire, a souligné Me Lepage.Elle a par ailleurs qualifié le comportement de M. Marratier la veille du drame de "je m'en foutiste", le maire n'ayant "pas pris la peine d'alerter la population"
alors que c'était la première alerte rouge en Vendée.
Son confrère, le bâtonnier Yves-Noël Genty, qui représente 14 des quelque 120 parties civiles, a, lui, accablé un "État pas à la hauteur de la tâche", montrant du doigt des "défaillances" et des "négligences" ayant pu jouer un rôle dans ce "drame exceptionnel", notamment en n'organisant pas de réunion publique sur les risques d'inondation. "Mais ce comportement (des services de l'Etat) n'ôte pas la responsabilité personnelle des prévenus", a ajouté Me Genty.
Prenant à leur tour la parole, Mes Valérie Saintaman et Benoît Denis, du cabinet Lepage, ont demandé la condamnation des sociétés de Patrick Maslin, décédé au milieu du procès, qui constituait avec M. Marratier et Mme Babin le troisième membre du "trio qui dirigeait la commune". Les deux entreprises de construction que dirigeait M. Maslin sont renvoyées en tant que personnes morales.
Me Denis a également demandé au tribunal l'indemnisation des parties civiles, sans la chiffrer, au titre des préjudices subis, citant notamment "l'anxiété et
la peur de mourir", un "stress proche de la névrose de guerre, selon les experts".
Les plaidoiries des parties civiles se poursuivent mardi, avant les réquisitions du ministère public mercredi et les plaidoiries de la défense, jeudi et vendredi.
Les quatre prévenus, M. Marratier et Mme Babin, mais aussi le fils de cette dernière, Philippe Babin, agent immobilier et président de l'association chargée de la surveillance de la digue submergée, et Alain Jacobsoone, à l'époque directeur départemental adjoint des Territoires et de la Mer, encourent cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.
Le jugement est attendu le 12 décembre.
Le reportage de la rédaction
avec AFP