Coronavirus : l'appel au secours des magazines culturels gratuits des Pays de la Loire

Sale temps pour la presse écrite en général qui a vu ses ventes et sa distribution perturbées. Mais le bulletin de santé est encore pire pour les gratuits qui ont disparu des présentoirs des lieux culturels et autres commerces. Leurs équipes lancent un appel.
 

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Dans les bureaux de "Haut-Parleur" à Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique, on se souvient très bien du fameux monde d’avant.

"Nous avons bouclé la veille du confinement et notre numéro d’avril a pu sortir" se rappelle David Daunis, le gérant de la société Popamine. Depuis, malheureusement, ni celui de mai, ni celui de juin n’ont vu le jour.

Pour la première fois depuis sa création il y a 17 ans, la revue consacrée à l’actualité culturelle dans le département de la Loire-Atlantique a cessé de paraître. L’autre gratuit du groupe, le guide UV, porté lui, sur l’actualité touristique, a été relativement épargné.

Les titres ont été entraînés dans la chute du secteur culturel. Pour endiguer la progression du coronavirus, à partir de la mi-mars, les musées, théâtres, galeries, salles de concert ont fermé leurs portes dans tout le pays sur décision gouvernementale. Interdiction totale d’accueillir du public.

Ces cascades d’annulations et de reports se sont répercutées par ricochet sur un partenaire incontournable : la presse d’information culturelle et indépendante.

"Ce territoire si dynamique et si varié avec des villes comme Nantes, Saint-Nazaire et plusieurs agglomérations présente en temps normal  des programmations culturelles fantastiques dans tous les genres, poursuit David Daunis. En plus, se profilaient les dates des grands  festivals d’été à annoncer et à présenter dans nos pages."

Dans l’impossibilité de chroniquer quoi que ce soit en matière de spectacle vivant, l’entreprise nazairienne a mis ses sept salariés ( graphiste, rédactrice, distributeurs) au chômage partiel.
 

Des titres historiques version papier et internet

Le constat est le même d’un département à l’autre. Dans le Maine-et-Loire, le magazine indépendant Scéno travaille depuis 15 ans au rythme de la saison culturelle avec dix numéros par an diffusés à 20 000 exemplaires.

Le compteur s’est arrêté au numéro 145 au printemps dernier. Cette SARL compte 2 associés dont l’un a été mis au chômage partiel. Fin des missions aussi pour le rédacteur indépendant qui collabore au titre et pour le chargé de clientèle qui démarche les annonceurs et décroche la publicité essentielle dans la presse gratuite.

"Notre chiffre d’affaires a été aussitôt impacté par la crise, indique Suzie Macel la créatrice de Scéno, sans dévoiler l’étendue des pertes financières. Nous avons assisté de la part de nos annonceurs, et c’est logique, à des reports de leur budget communication. Vous m’auriez interrogée il y a un mois, je vous aurais dit que je n’avais aucune perspective sur l’avenir…"

Cette sinistrose ambiante est partagée par un observateur indépendant de la vie culturelle des Pays de la Loire et d’ailleurs, Patrick Thibault, de Médias Côte Ouest. Basé à Nantes, il a lancé dans les années 90 les gratuits Wik Nantes (30000 exemplaires) puis Wik Rennes (20000 exemplaires).

Le fleuron du groupe se nomme Kostar et se distingue à chaque parution par une mise en pages et des contenus rédactionnels extrêmement soignés. Le titre fait appel à la crème des graphistes, illustrateurs, artistes plasticiens, photographes et autres experts pour dénicher les tendances culturelles du moment dans les neuf départements que comptent les Pays de la Loire et la Bretagne réunis !

La saison 14 de Kostar est elle aussi restée en pause depuis la parution du numéro 69 de février-mars.

Ici comme ailleurs, le groupe et ses titres ont tenu bon grâce aux mesures de chômage partiel accordées aux entreprises en difficulté.  Cela concerne quatre permanents dans les bureaux nantais.

La situation a malheureusement enlevé du travail aux travailleurs indépendants (pigistes, artistes) qui collaborent en externe.

J’ai dû renoncer au Wik Rennes. Le titre ne reparaîtra pas cet été - Patrick Thibault de Médias Côte Ouest

"Les délais de fabrication étaient trop courts sans parler des incertitudes sur la reprise et la réouverture des lieux culturels, explique Patrcik Thibaut. La grande exposition estivale d’art contemporain liée à la collection Pinault a été repoussée et toujours à Rennes, le festival des Tombées de la nuit ne proposera que quelques rendez-vous et Transat en ville se dirige vers une formule avec des spectacles impromptus que nous ne connaissons encore même pas".
 

Appel à la solidarité

Kostar, Scéno, Haut parleur, Grabuge, Bouger en Mayenne… l’ensemble des magazines partage le même constat.

"Nous avons beau être des activistes de la culture, la défendre à longueur d’année, nous sommes les oubliés du moment en tant que prestataires. Contrairement aux artistes, nous sommes invisibles aux yeux du public", indique calmement Suzie Macel.

Effectivement, si le gouvernement a fini par soutenir en dernier le secteur culturel, il a concentré ses aides sur les acteurs culturels et notamment la préservation du régime des intermittents du spectacle. David Daunis, le gérant de la société Popamine rejoint sa consoeur sur ce point.

"Notre rôle est pourtant essentiel, souligne David Daunis nous sommes là pour présenter au plus grand nombre aussi bien l’animation culturelle dans tout type de commune que l’initiative d’un organisateur privé ou d’une association sur un événement. Sachant que pour maintenir un objet culturel de qualité, nous avons des moyens financiers limités. Même si nous pouvons compter sur le soutien des structures culturelles partenaires qui attendent elles-aussi de se relancer, nous sommes actuellement en train de  nous battre pour survivre."

Il est hors de question de passer de 72 à 4 pages à cause de la crise. On poursuit l’aventure ! - David Daunis, le gérant de la société Popamine
 


Un été de parution très particulier

Preuve de cette énergie toujours intacte, Haut Parleur sortira début juillet son numéro d’été toujours très attendu par les habitants et les estivants.

Plutôt que de mettre le paquet sur les grands festivals, définitivement annulés, il va encore parler davantage des artistes et des acteurs locaux.

Quant à l'autre titre de l'éditeur nazairien, le magazine touristique UV, ses pages promettent d’être bien fournies en terme de propositions de sorties dans le coin puisqu’on le sait : les Français vont majoritairement passer leurs vacances au pays !

En Anjou, Scéno sortira le 2 juillet un 80 pages également plus touristique que culturel. "Avec en moyenne un festival sur dix de maintenus, et ce dans un genre micro-festival, il nous était impossible de trouver des annonceurs qui financent ce numéro uniquement sur du culturel et de l’agenda, explique Suzie Macel, on espère surtout qu’on va pouvoir distribuer nos exemplaires comme avant dans les lieux culturels et les maisons de quartier ouverts, les commerces ou les offices de tourisme."

Même si les protocoles sanitaires sont stricts, les professionnels espèrent que les lecteurs auront le droit de feuilleter les magazines. En tablant sur un retour à la normale liée à la phase 3 de déconfinement  prévue par le gouvernement à partir du 22 juin.
 

La rentrée sera décisive

Si le secteur de la presse gratuite et indépendante a tenu bon pendant la tourmente et ses trois longs mois, il s’interroge sur les conditions de la rentrée de septembre.

Suzie Macel ne se berce pas trop d’illusions, "si les collectivités locales reprennent timidement, si les équipements commencent à annoncer leur programmation, personne ne se projette complètement. Si les jauges de spectateurs sont limitées, les directeurs de salles auront-ils besoin de communiquer autant qu’avant et de nos services ?".

La profession qui ne s’était jamais vraiment regroupée, malgré des tentatives au niveau syndical par le passé, a beaucoup échangé dans les Pays de la Loire. L’idée d’un collectif associant des titres présents dans le grand ouest est sur les rails.

"Il s’agira d’un appel rédigé à destination du ministère de la Culture, des collectivités locales et de nos lecteurs, précise Patrick Thibault, de Kostar. De par notre caractère gratuit, nous ne sommes pas considérés comme un média à part entière. Nous ne pouvons prétendre à aucune des aides à la presse en difficulté alors que nous avons cessé de paraître pendant trois mois ! Les journaux, eux, ont continué et ont pu compter au moins sur des revenus publicitaires."

L’objectif étant, comme pour les entreprises dans de nombreux secteurs économiques, de bénéficier d’aides directes et d’exonérations de charges.
 

L'appel de la presse gratuite d’information culturelle

"En cette période de profonde incertitude liée à la crise sanitaire que traverse notre pays, nous, médias culturels indépendants du Grand Ouest, avons décidé d’interpeller ensemble les pouvoirs publics et les collectivités territoriales sur la situation préoccupante de notre secteur d’activité", lancent les acteurs de la presse gratuite culturelle en préambule de leur appel.

"Directement impactés par les mesures sanitaires imposées à la sphère événementielle, nous avons été et sommes, au même titre que les artistes, salariés et employeurs du secteur, empêchés de travailler. Et ces décisions conditionnent également la reprise de nos activités de façon sereine"​​​​​​, poursuivent-ils.

"Chacun sait que nous contribuons à la visibilité des acteurs culturels, à la valorisation des initiatives locales et participons, de fait, à renforcer la dynamique culturelle territoriale et sa vitalité économique. Nos lecteurs comme les spectateurs sont chaque jour présents pour nous rappeler notre importance​​​​​​", disent les acteurs de la presse gratuite culturelle qui estiment subir un "manque de considération".

Les signataires de cet appel demandent à "être exonérés des charges sociales et fiscales, qui sont pour l’heure seulement reportées. De même, puisque nous sommes encore dans l’impossibilité de paraître, nous souhaiterions que la prise en charge du dispositif de chômage partiel soit maintenue à 100% jusqu’à ce que la situation s’éclaircisse".

Ils réclament également "un fonds d’intervention pour les éditeurs indépendants".

En conclusion, les acteurs de la presse gratuite d’information culturelle souhaitent "qu’une concertation soit mise en place entre le ministère et la presse d’information culturelle gratuite pour être enfin considérés et reconnus comme des médias et avoir accès aux dispositifs de soutien de la filière".

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