Le naufrage des Ehpad et de la vieillesse en France

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Le quotidien d'un EHPAD ©France3 Pays de la Loire Celine Dupeyrat, Vincent Raynal

Les Ehpad sont en souffrance, à bout de souffle. Pas assez de personnel, pas d'attractivité et une gestion budgétaire souvent difficile. Et pourtant, c'est un lieu indispensable lorsque l'on atteint un certain âge et que l'on n'est plus en capacité physique ou cognitive pour rester à son domicile. Un havre de paix et de chaleur humaine essentielle face à la solitude de la vieillesse.

La France vieillit, c'est un fait, l'espérance de vie a presque doublé au cours du vingtième siècle. Grâce aux progrès dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires et les cancers. En 2023, d'après l'INSEE, un homme peut espérer atteindre 80 ans et une femme 85,7 années. Mais l'espérance de vie en bonne santé est en recul. Et c'est bien là le problème, celui de l'autonomie. Car c'est souvent pour cette raison que l'on entre dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Le risque à court terme va être de voir la demande de places en forte augmentation.

La dépendance des Ehpad

Les établissements sont pourtant déjà en souffrance. Manque d'argent, de personnel. Dur de maintenir un service de qualité dans ces conditions, et pourtant, c'est de temps, de chaleur humaine, d'attention et d'amour dont ont besoin les personnes âgées présentes dans ces lieux. Alors à l'image de la crise à l'hôpital, on fait comme on peut. 

À Riaillé en Loire-Atlantique, l'établissement "Les Trois Moulins" accueille 82 résidents. Avec un budget annuel de 4 millions d'euros financé par l'hébergement (dont le coût oscille entre 1900 et 2200 euros par mois), l'ARS et le département.

Néanmoins, l'Ehpad est dans le rouge et manque cruellement de main d'œuvre. Comme dans beaucoup de secteurs d'activité de services à la personne, il n'y a pas de candidats.

Là, on est dans un travail de l'humain, où certes, on commence à 6h30, on a des enfants, donc c'est dur à gérer, il faut trouver les nourrices. Les jeunes, ils ne veulent pas de cette vie-là.

Françoise Cragnic - Infirmière cadre de coordination

Pour l'ensemble du personnel, qu'ils soient agents, aides soignantes ou infirmières, c'est une course contre-la-montre au quotidien. Toutes et tous se donnent à 200 % pour répondre aux besoins des personnes âgées. Avec beaucoup d'abnégation, les filles des "Trois Moulins" tiennent bon dans un contexte difficile. Mais pour combien de temps encore ?

Comment sortir les Ehpad de la crise ?

Le Ségur de la santé a revalorisé les salaires du personnel soignant, une augmentation de 183 euros nets par mois a été accordée à 1,5 million de professionnels. Une aide-soignante touche une rémunération net mensuelle de 1 700 euros en début de carrière, et entre 1 500 et 1 700 euros dans le privé, selon les indications du ministère de la Santé. Mais est-ce suffisant pour attirer vers un métier qui demande beaucoup d'abnégation et d'empathie ?

Une chose est sûre, il faudrait un taux d'encadrement de 1 pour 1, ce qui est loin d'être le cas, puisqu'en moyenne, il est plutôt de 0,6 personnel par résident. 

Des Ehpad à bout de souffle financièrement

En fonction des situations financières des EHPAD, il y en a qui vont être en cessation de paiement dès 2023. Et ceux qui sont en meilleure santé financière tiennent au maximum 4 à 5 ans, mais pas plus.

Valérie Andriveau -Directrice de la résidence "Les trois moulins"

Au début du mois, la ville de Rezé a tiré la sonnette d’alarme et appelé l’État à honorer ses engagements sur le remboursement des dépenses liées au Ségur.

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Lyliane Jean Vice-présidente Politique de l'âge et solidarité entre les générations au Conseil départemental de Loire-Antlantique ©France 3 Pays de la Loire

Le gouvernement souhaite simplifier les règles de financement. Les départements qui le souhaitent pourront laisser la main à la sécurité sociale sur le volet financement de la dépendance à partir de 2025, avec une promesse de compensation pour la CPAM.

Mais à ce jour, aucun département ne s'est porté candidat.

Un rapport parlementaire préconise d’unifier le financement du soin et celui de la dépendance.  

" Cette fusion est certainement une bonne chose ", réagit Olivier Richefou, président du Conseil départemental de la Mayenne et responsable du grand âge à l'Assemblée des départements de France.

Mais il faudra du temps avant d'espérer le mettre en place, et le temps, c'est ce qui manque le plus dans cette course à la vie décente.

Résidents de la république  

En Pays de la Loire, les chiffes sont éloquents: 13 % des plus de 75 ans vivent en Ehpad, c'est la plus forte moyenne de France. L'espérance de vie étant plus longue, la durée de séjour aussi. Ce qui induit que les places se raréfient et demandent parfois de longs mois d'attente, avant acceptation. Et à quel prix ? Mensuellement, le coût moyen des Ehpad dans notre région est plus faible que la moyenne nationale : 1950 euros / source : Département Vendée. Mais la pension moyenne brut d’un retraité est de 1578 €, il faut donc, parfois, venir combler cette différence. Il existe bien des aides comme l'ASH (l'aide sociale à l'hébergement) accordée par le Conseil départemental, mais c'est un prêt qu'il faudra rembourser du vivant de la personne ou lors de son décès. Très souvent, c'est aux enfants ou petits-enfants qu'il revient de payer ce reste à charge.

Si on vit plus longtemps, ce n'est pas pour cela que l'on reste dépendant. Là encore, les données indiquent qu'il y a 2 % de personnes âgées dépendantes en plus chaque année, et la projection pour 2030 explose. 106 000 personnes seraient dépendantes en 2030, soit 45 % de plus en 20 ans.

Pire, en 2030, 1 français sur 3 aura plus de 60 ans. Qui pourra s'occuper de cette population devenue majoritaire ?    

L'avenir de nos aînés, c'est aussi le nôtre 

Le Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2024 prévoit une série de mesures destinées à améliorer la qualité de vie des résidents des EHPAD. En renforçant notamment les moyens humains avec pour objectif le financement de 6 000 postes supplémentaires dès cette année. Une augmentation des rémunérations des personnels afin de rendre plus attractif le travail en Ehpad. Un financement pour rénover et améliorer les bâtiments, leurs équipements, leurs espaces verts. Mettre l'accent sur la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et assimilés, ayant besoin de se trouver en unités spécialisées au sein des établissements. Une révision de l'APA qui est l'aide allouée aux résidents en fonction de leur degré de dépendance. Et enfin, une réforme en profondeur de la tarification des Ehpad, visant à mieux prendre en compte les coûts réels liés à l’hébergement et à l’accompagnement des résidents. Devant l'urgence de la situation, le département du Maine-et-Loire avait voté un plan exceptionnel 7 millions d’euros en 2023.

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Jérôme Jumel, Directeur général de l’Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire. ©France 3 Pays de la Loire

Effectivement, la maison brûle, il faut éteindre un feu déjà trop important avant qu'il ne se propage de manière dramatique. Une chose est certaine, s'il n'y a pas de décisions fortes prises par le gouvernement, on n'y arrivera pas, les établissements fermeront tous. Que fera-t-on alors de nos personnes âgées ?

Maxime Jaglin reçoit :

  • Valérie Andriveau, directrice de l'Ehpad des Trois Moulins, le Riaillé (44)  

  • Lorène Bezie, aide-soignante à l'Ehpad des Trois Moulins, le Riaillé (44)
  • Jérôme Jumel, Directeur général de l’Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire.


► Dimanche en Politique "EHPAD : la maison brûle" à voir ce dimanche 25 février à 11 h 10 et en replay sur france.tv 

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