Le rendez-vous documentaire de France 3 Pays-de-la-Loire
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René Magré était le leader syndical des Chantiers de l'Atlantique, une figure politique de Saint-Nazaire. Dans une quête documentaire, ses fils Olivier et Vincent collectent les traces de ce père ouvrier mort en 2011 pour saisir le militant qu'il fut et sonder les ressorts de leur propre engagement.
Par Olivier Brumelot
Se souvenir, c’est se mettre en mouvement, et c’est comme faire un film : laisser les images parler, donner forme à des mots, raconter ce que l’on sait dans les contours et remplir les vides avec les souvenirs d’autres.
Deux fils, la cinquantaine, lisent alternativement à voix haute la lettre que leur père leur avait adressée presque 20 ans auparavant. Les mots sont bienveillants, ils sont précieux. L’émotion alors saisit bien au-delà du souvenir quelque chose d’essentiel, une corde que des phrases d’hier ont le pouvoir de faire vibrer aujourd’hui. Ce père avait le verbe et la présence rare. Il écrit "salut" à la fin, c'est paternel et fraternel tout autant.
Ainsi commence « La Relève » de Hubert Budor, documentaire en forme de quête filmée d’Olivier et Vincent Magré pour comprendre qui était René, leur père.
René l’ouvrier, accaparé, engagé, souvent absent. René avare en confidences mais orateur brillant devant les ouvriers des Chantiers de l’Atlantique dont il était un leader syndical craint et respecté.
"La Relève"
Le réalisateur Hubert Budor raconte: « Né en 1942 à Missillac, dans la campagne proche de Saint-Nazaire, René Magré fut ajusteur durant toute sa carrière aux Chantiers de l’Atlantique - où son père était lui-même ouvrier -, l’un des sites les plus emblématiques de l’industrie maritime et métallurgique française. Il aura connu la grande épopée de la construction navale dans l’estuaire de la Loire, du célèbre paquebot France inauguré en 1960 jusqu’au gigantesque transatlantique Queen Mary 2 en 2000 ».
Il adhère à la CGT. A partir de 1967 et durant 30 ans, René Magré mènera tous les combats pour maintenir l’activité des Chantiers, et représentera des milliers d’ouvriers. Ce militantisme aura son expression politique, le délégué syndical siégeant par deux fois au conseil municipal de Saint-Nazaire, sous l'étiquette du Parti Communiste.
René meurt en 2011. Aux côtés de leur mère Françoise, Olivier et Vincent Magré imaginent des obsèques en petit comité car leur famille est peu importante, tout comme le cercle d’amis de leurs parents. Mais le jour venu, une foule incroyable se presse devant l’église.
Ils sont les continuateurs du militantisme de leur père. Mais sont-ils les héritiers de ses luttes ? Vincent et Olivier Magré dans un café de Saint-Nazaire, recueillent les souvenirs des anciens collègues de leur père. Car ils ne sont pas ouvriers comme leur père. De quelle nature est donc leur engagement privé de cette légitimité « de classe » ? Quelle cause sert-il ? Cette question court tout au long documentaire, qui suit Olivier et Vincent Magré à la rencontre des anciens des chantiers.
René le père, René le camarade
Cette histoire de la petite famille d’un ouvrier est aussi l’histoire de la grande famille ouvrière : à l’aide de nombreuses archives, « La Relève » porte depuis aujourd’hui un regard plongeant dans le temps des luttes contre le déclin de la construction navale à Saint-Nazaire, menées avec succès par René Magré comme l’écrit Hubert Budor :
Ne pas se résigner et être dans l'action, la voilà la nature profonde de l’engagement, le véritable héritage laissé par René à ses fils. Ne pas se résigner, et "la relève" sera assurée. Viendra alors le temps refermer les albums de famille, de replacer la lettre de René dans son enveloppe, de ranger le carton aux souvenirs.
Le film d’Hubert Budor aura accompli littéralement son œuvre de reconstitution, celle d’une figure paternelle jusque-là fragmentée, sans omettre de faire remonter en chacun de nous cette question sourde : qui connaît véritablement l’homme qui se cache derrière la pudeur, le silence et les maladresses d’un père ?