L’heure de la rentrée a sonné. Les enfants et les adolescents ont repris le chemin de l’école avec leurs masques. Et Les protocoles sanitaires sont toujours d’actualité. Malgré toutes ces contraintes, ils sont contents de se retrouver. Même si leur santé mentale n’est pas au beau fixe.
"Ça fait du bien de retourner à l’école, de reparler pour de vrai avec les profs. Ça nous change de la maison ! D’être toujours avec nos parents, il y avait de l’ambiance ", dit Kenza, élève en Terminale.
"Je suis contente de revenir au lycée , mais c’est compliqué de reprendre le rythmes des cours, continue Marine, élève en Première technologique, j’ai pris beaucoup de retard. Les profs font leur maximum mais ce n’est pas simple".
C’était il y a 18 mois, et le premier confinement a toujours des répercussions sur le bien être des adolescents.
"On peut dire qu’ils ont été mis sur pause. Et là, ils se réveillent dans le corps d’un ado de 15, 16 ou 17 ans mais avec deux ans de retard" analyse Nathalie Saget, psychologue à Nantes. "Ils n’ont plus confiance, ils sont à la peine. On les a privés d’un développement psychologique important à leur âge. Il n’y a pas que les retards dans les apprentissages".
Tout se joue entre 15 et 25 ans
Tout se joue à l’adolescence entre 15 et 25 ans. "C’est pendant cette période où se construit l’individu. On s’éloigne de ses parents, on découvre le monde, l’autonomie, les premiers amours. Mais là ils ont perdu beaucoup de temps. Les relations amicales et sociales se sont défaites, poursuit Rachel Bocher, cheffe de la psychiatrie au CHU de Nantes.
Ils sont en décalage et pas du tout à l’aise avec l’autre dans cette société. C’est un nouveau phénomène
Trois copines résument bien la situation de cette dernière année : "Il n’y a plus de festival, plus de sorties. Donc on ne peut plus rencontrer d’amoureux, se faire de nouveaux amis".
Epidémie de solitude
Ces jeunes paient encore cet enfermement forcé. Les professionnels de la santé mentale parlent d’une épidémie de solitude. Tout passe par la vidéo, les réseaux sociaux. Il n’y a plus de contacts directs.
Même la drague se fait à distance ! Les adolescents sont dans un nouveau mode de fonctionnement. Leur relation au monde est artificielle. Ils se replient sur eux-mêmes. Ils mangent seuls, regardent seuls la télévision alors que leur famille est à côté d’eux.
Ils ont une overdose de la famille
Les plus belles années de sa vie se passent souvent à l’adolescence. Mais là, elles sont sacrifiées. Ils ont le sentiment d’être passés à côté, d’avoir été privés de belles expériences à cause du Covid. Un peu comme les générations d’adolescents au moment des guerres.
6 hospitalisations sur 10 concernent des adolescents ou de jeunes adultes
Aujourd’hui, les adolescents vont-ils mieux ? Pas sûr. Psychologues et psychiatres sont débordés par les appels. "Avec la rentrée, on a vu une hausse spectaculaire des troubles scolaires et des comportements anxieux", souligne Pierre Poitou, psychologue à la Maison des adolescents à Nantes.
En six mois, on a eu plus de consultations qu’en un an
Beaucoup souffrent d’addictions aux jeux vidéos, aux médicaments. Ils sont dépressifs ou ont des idées suicidaires. Aux urgences au CHU de Nantes, 6 hospitalisations sur 10 concernent des adolescents ou des jeunes adultes en détresse. C’est deux à trois fois plus qu’avant la pandémie.
"Beaucoup font des crises d’angoisse avec le retour à l’école. Ils développent aussi des troubles du comportement comme l’anorexie ou la boulimie. Ils sont en situation de panique post-traumatique", constate Rachel Bocher.
Les parents sont parfois démunis face à la détresse de leurs adolescents. "C’est comme un jeu de poupées russes. Si les parents vont mieux, leurs enfants iront mieux. Ils se sentiront plus en sécurité", prévient Pierre Poitou.
Psychiatrie au bord de l’implosion
Quelles solutions pour aider ces jeunes à aller mieux ? Le Ministère des Solidarités et de la Santé, et l'Assurance Maladie ont lancé au mois de juin, le dispositif de soutien psychologique d’urgence PsyEnfantAdo.
Ce dispositif s’adresse aux enfants et aux jeunes âgés entre 3 et 17 ans. Moyennant une ordonnance, ils peuvent bénéficier gratuitement 10 séances chez un psychologue jusqu’au 31 janvier 2022.
"En psychologie le changement ce n’est pas maintenant, mais c’est lentement", rappelle Pierre Poitou.
"Il faudra surtout du temps pour accompagner et pour éviter que ce sentiment de détresse ne puisse se transformer en maladie mentale avérée", met en garde Rachel Bocher.
La psychiatrie est aujourd’hui au bord de l’implosion, faute de moyens. Mais les jeunes et leurs problèmes de santé mentale sont là. Dans quinze jours, se tiennent les assises de la Psychiatrie. Les professionnels lancent l’alerte. Il faut une vraie politique de la psychiatrie car il y a urgence.