Les associations de consommateurs fustigent le projet de vente du magazine "60 Millions de consommateurs"

Le gouvernement envisage de vendre le magazine "60 Millions de consommateurs", propriété d'un organisme public. Les associations de consommateurs craignent qu'un transfert à un opérateur privé nuise à l'indépendance éditoriale du titre et à sa mission de service public.

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Une page pourrait bientôt se tourner pour le magazine 60 Millions de consommateurs. Le gouvernement veut trouver un repreneur pour le mensuel aux 76 000 abonnés, édité depuis 1970 par l'Institut national de la consommation (INC), un organisme public.

"Je pense aujourd'hui que l'État n'est plus en capacité d'accompagner un titre de presse", a expliqué Laurence Garnier, la secrétaire d'État à la Consommation, vendredi 21 novembre, invoquant la nécessité d'une "bonne utilisation des deniers publics dans un contexte de redressement de nos finances publiques". "Le magazine subit des difficultés importantes", avance-t-elle, son nombre d'abonnés ayant été divisé par deux en cinq ans, de 140 000 à 76 000. Le titre a ainsi "accumulé des difficultés, y compris financières, qui ont épuisé sa trésorerie", justifie la secrétaire d'État.

L'Institut national de la consommation, qui édite le titre, a été fondé en 1966, avec comme vocation la défense des consommateurs et la publication d'informations issues de ses études comparatives de produits. Pour cela, l'organisme dispose d'un média, 60 Millions de consommateurs, pour lequel travaille une quinzaine de journalistes. Des ingénieurs, des juristes et des économistes qui participent aussi à la rédaction d'articles. Au total, l'INC emploie ainsi une cinquantaine de personnes.

Risque pour la pérennité de l'INC

Selon Laurence Garnier, "60 millions de consommateurs est dans une structure portée par l'État, qui donc porte avec elle un certain nombre de rigidités, de règles juridiques, de contraintes liées à la commande publique, qui ne leur permettent pas de travailler dans de bonnes conditions".

À l'INC, la nouvelle de la vente est pourtant reçue avec beaucoup d'appréhension. "L'INC vit d'une subvention de l'État et de la vente du magazine", explique Jean-Pierre Bequet, vice-président de l'organisme et administrateur de Familles Laïques, une association de consommateurs. "Les abonnements représentent une grosse partie du budget", informe-t-il. Ainsi, la cession du magazine pourrait porter un coup sérieux aux finances de l'institut. "La première secrétaire d’État exclusivement dédiée à la consommation va-t-elle sonner le glas de l’Institut national de la consommation ? Que deviendra l’INC sans son principal média ?", s'inquiètent les représentants du personnel.

Organisme en déficit

L'INC est déficitaire depuis 2020, si bien qu'une éventuelle vente de 60 Millions de consommateurs pourrait se faire à prix négatif, comme évoqué lors du dernier conseil d'administration de l'organisme, le 21 novembre. Il faudrait alors que l'État donne de l'argent au repreneur de la publication. "Le consommateur serait perdant, l'État serait perdant. Le scandale, c'est que le seul qui serait gagnant dans tout ça, ce serait le repreneur, qui récupérerait aussi une marque forte et un fichier d'abonnés", fustige David Rousset, le secrétaire général de l'Association Force Ouvrière des Consommateurs (AFOC), qui siège au conseil d'administration de l'INC.

Ces dernières années, le titre a été fragilisé par les difficultés que rencontrent tous les acteurs de la presse magazine, victimes d'une baisse générale des ventes en kiosques ainsi que de la hausse du prix du papier et de la distribution. Dans le même temps, "depuis dix ans, l'État réduit progressivement la subvention" à l'INC, déplore Jean-Pierre Bequet. Celle-ci est passée de 6,3 millions d'euros en 2012 à 2,7 millions en 2020.

Au début de 2024, avant l'arrivée du gouvernement de Michel Barnier, un plan de relance à 3 millions d'euros avait été acté pour venir en aide à 60 Millions de consommateurs, notamment pour favoriser le développement numérique du titre, lorsqu’Olivia Grégoire était la ministre en charge de la consommation. Cet investissement est de fait remis en cause par le projet de mise en vente. Les représentants du personnel demandent "le maintien et l’application du plan Olivia Grégoire".

Craintes pour l'indépendance éditoriale

"Comme tout bon journal, il y a des enquêtes et des informations qui méritent d'être portées à la connaissance du public", avance David Rousset, de l'AFOC. Il participe à une mission de service public". Jean-Pierre Bequet, des Familles Laïques, abonde : "C'est une mine d'analyses techniques et juridiques. Pour des analyses de fond, il faut ces spécialistes que nous, les associations, n'avons pas. Avec la vente, en cascade, ce sont les associations de consommateurs qui seraient privées".

"Si le magazine est acheté par un acteur privé, il se financera avec de la publicité. Et c'est très compliqué de faire de l'information sur la consommation avec des financements privés. Le transfert à un opérateur privé causera forcément une perte d'indépendance", craint David Rousset.

Pour Laurence Garnier, si "l'information du consommateur est indispensable", "elle se fait au quotidien par le biais de beaucoup d'acteurs". "Je pense notamment au travail que fait la DGCCRF [Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes], avec tous les éléments, SignalConso, RappelConso", évoque la secrétaire d'État.

Pour l'heure, le seul racheteur potentiel à s'être manifesté est l'association UFC-Que choisir, éditrice de la seule publication concurrente de 60 Millions de consommateurs. Un tel rachat fabriquerait de fait un monopole dans le secteur des magazines d'information des consommateurs.

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