Elle enchaine les annonces. Après avoir déclaré vouloir diminuer le budget culturel de plus de 70 % et faire 100 millions d'économies alors que l'État ne lui en demande que 40, la présidente des Pays de la Loire veut supprimer 100 postes à la région d'ici à la fin du mandat.
"Nous sommes shootés aux subventions publiques ", elle ne mâche pas ses mots et elle n'y va pas avec le dos de la cuillère. Christelle Morançais enchaîne les annonces fracassantes, quitte à faire bondir chaque jour un peu plus ses opposants.
Dernière décision et pas des moindres, la suppression de 100 postes à la région.
"J’ai réuni les personnels du siège de la Région pour leur annoncer une décision difficile, mais que je considère comme indispensable face à la crise budgétaire que traverse notre pays : d’ici à la fin de notre mandat, 100 postes ne seront pas remplacés au sein de nos directions, soit l’équivalent de 10% de nos effectifs. Il n’y aura pas de départ forcé", explique sur le réseau "X" la présidente de région.
"Faire des choix, y compris pénibles"
"La politique, c’est faire des choix, y compris s’ils sont pénibles : nous faisons le choix de nous recentrer sur nos compétences et projets prioritaires et de faire des économies en fonctionnement pour préserver nos capacités d’investir pour l’essentiel : nos emplois, l’avenir de notre jeunesse, les transitions de notre économie", justifie-t-elle.
Un choix qu'entend parfaitement François de Rugy, élu de la majorité présidentielle au sein du groupe "Démocrates et progressistes". "Ça ne me surprend pas qu'on annonce une réduction des effectifs d'agents territoriaux, de fonctionnaires de la région, parce que quand on veut faire des économies, forcément, à un moment donné, il faut quand même regarder du côté de ce qu'on appelle la masse salariale, qui a augmenté de 60 millions d'euros sur les dix dernières années, et le nombre d'agents territoriaux a augmenté de 500 en huit ans", appuie-t-il.
L'annonce, c'est le non-remplacement des départs à la retraite. Il ne s'agit pas de licenciements, il ne s'agit pas de mettre fin à des postes contractuels. Parler de plan social, je trouve que c'est un peu choquant vis-à-vis de ceux qui vivent vraiment un plan social
François De RugyConseiller régional groupe "Démocrates et progressistes", majorité présidentielle.
Une mesure si elle était appliquée qui reviendrait "à un plan social en interne" pour Lucie Etonno, présidente du groupe "l'Écologie ensemble" à la région.
"Christelle Morançais est la seule présidente de région à annoncer de manière aussi brutale la suppression de postes et le non-renouvellement d'ici à la fin du mandat. Donc, elle va affaiblir les services de la région et il faut savoir que la région des Pays de la Loire, c'est une des régions qui a déjà le moins d'agents par habitant. Donc, on est sur un effectif réduit. Pour faire fonctionner les politiques publiques, pour investir de manière intelligente sur le territoire, il faut des hommes et des femmes pour instruire les dossiers."
C'est un affaiblissement total des services publics et une destruction d'emplois en interne et en externe
Lucie EtonnoPrésidente du groupe L’Écologie Ensemble
Mahaut Bertu, élue au sein du groupe "Printemps des Pays de la Loire" elle aussi, s'inquiète pour l'emploi.
10% de l'effectif du siège, c'est vraiment inédit, évidemment. C'est terrible.
Mahaut BertuElue au sein du groupe "Printemps des Pays de la Loire"
"Si les services dédiés à l'accompagnement des associations ferment demain, ça veut dire qu'on n'a plus d'interlocuteur, en plus de ne plus avoir de financement. Parce que là, on s'avance vers des structures qui vont avoir 0 euro de subvention. Donc oui, ça veut dire des structures qui vont devoir fermer ou licencier, et sans avoir d'interlocuteur à la région pour répondre à leurs inquiétudes. C'est dramatique ! ", se désole-t-elle.
"On aurait supprimé la communication régionale"
Pour l'élue de gauche, d'autres efforts étaient à faire, notamment au niveau des frais d'apparats "exorbitants".
"Aujourd'hui, le choix qui est fait, ajoute Mahaut Bertu, c'est d'abandonner les structures et leurs projets pour tout valoriser sous l'angle de la communication de la région. Quand on va demain abandonner les missions locales, les salons de l'emploi sur les territoires, pour ne garder que le big bang de l'emploi, c'est-à-dire un événement où sort le grand drapeau de la région, une grande roue. Pourquoi faire ? Et ça, on peut le décliner sur toutes les politiques publiques, sur le sport, c'est pareil. On se sépare des tours cyclistes départementaux qui avaient lieu depuis des années pour faire un tour des Pays de la Loire avec de grands affichages de la région."
Une esbroufe qui pour la conseillère régionale d'opposition coûte cher et ne sert à rien d'autre qu'à briller. "On n'est que sur de la communication. Clairement, on aurait fait des choix différents. On aurait supprimé de la com régionale pour favoriser les acteurs du territoire et leurs emplois. Ça, c'est sûr !", affirme-t-elle.
Rassemblés dans le hall de l'hôtel de région ce mardi 19 novembre, certains fonctionnaires, ont tourné le dos à Christelle Morançais en signe de protestation. Il faut dire que la décision est inédite et amputerait les effectifs de 10 %. Mais pourrait-elle faire tache d'huile à l'heure où les collectivités déjà asphyxiées sont contraintes par le gouvernement à se serrer encore plus la ceinture ? La présidente des Pays de la Loire semble vouloir monter l'exemple. Très zélée, elle promet 100 millions d'euros d'économie là où l'État ne lui en réclame que 40.
La politique, c’est faire des choix, y compris s’ils sont pénibles : nous faisons le choix de nous recentrer sur nos compétences et projets prioritaires et de faire des économies en fonctionnement pour préserver nos capacités d’investir pour l’essentiel : nos emplois, l’avenir de notre jeunesse, les transitions de notre économie
Christelle Morançais, présidente de la région des Pays de la LoirePost réseau "X"
"Au départ, je ne l'ai pas cru"
Dans la ligne de mire de la présidente, le secteur culturel qui doit, dit-elle, "se réinventer." Les prévisions : des coupes sévères à hauteur de 73 % pour le secteur. La folle journée et le festival Lavallois "Le chainon manquant" ont ainsi appris qu'ils ne toucheraient plus aucune subvention. Si les gros évènements devraient s'en sortir, quid des plus petites structures et de leur survie ?
Comment je le vis personnellement ? Je ne l'ai pas cru au départ, parce que ça me paraissait tellement gros, énorme ! C'est plus qu'un missile qu'elle nous envoie dans la gueule à nous les acteurs de la culture
Pierre RobaComédien et membre du syndicat national des arts vivants
"La Folle journée, le festival du Chainon manquant, des plus grosses aux plus petites manifestations culturelles, tout le monde bénéficiait à un moment donné de l'argent des collectivités locales pour s'organiser, pour proposer une offre culturelle aux habitants. Et donc c'est tout ça qui va trinquer", ajoute Pierre Bedouet, comédien et membre du syndicat français des artistes interprètes-CGT.
Pour ces acteurs du secteur, les conséquences pourraient être dramatiques.
50% des compagnies de théâtre, de danse et de groupes de musique vont disparaître
Pierre RobaComédien, membre du syndicat national des arts vivants
Ce modèle remis en question par Christelle Morançais "a été créé sous Malraux", rappelle Pierre Roba. "C'est le croisement des financements publics, État, collectivités territoriales, villes. Aujourd'hui, le spectacle vit de ça, mais parce que c'est de l'intérêt général. Nous intervenons, nous les artistes et les techniciens partout, dans les écoles, dans les collèges, les lycées, sur l'ensemble des territoires. Dans la moindre petite commune en France, il existe une manifestation culturelle. C'est d'intérêt général. Si cette dame ne sait pas ce que ça veut dire, on va lui expliquer ce que c'est que la construction de l'individu au travers de la libération de son imaginaire".
"Un calendrier brutal et irresponsable"
Dans un tel contexte, le socialiste Guillaume Garot et l'écologiste Lucie Etonno demandent le report de la prochaine session budgétaire.
Il est irresponsable de se précipiter pour voter le budget 2025
Guillaume Garrot (PS), Lucie Etonno (Les Écologistes)Communiqué commun
“Lors de la session d’octobre dernier, je demandais déjà le report du débat d’orientation budgétaire”, rappelle Guillaume Garot, président du groupe Printemps des Pays de la Loire. Ce débat intervenait juste après les déclarations faites par la présidente de diminuer de 100 millions d’euros le budget de fonctionnement de la collectivité. Nous avons été mis devant le fait accompli, sans débat, sans dialogue”, poursuit-il.
“Un ensemble d’acteurs sont actuellement informés du montant des coupes budgétaires les
concernant", relève pour sa part, Lucie Etonno, présidente du groupe L’Écologie Ensemble. “Tous sont sous le choc et ne voient pas comment ils pourront boucler leur exercice 2025”, conclut l'élue. “Nous refusons ce calendrier brutal, irresponsable et demandons le temps du dialogue“.
"Regarder la réalité en face"
Pour les élus progressistes de la majorité présidentielle, "la Région et les acteurs culturels doivent travailler de concert à la recherche d’un équilibre budgétaire, évaluer leurs impacts et proposer des objectifs innovants rejoignant ceux de la Région (formation professionnelle, transition écologique, attractivité économique…). Quelle que soit la couleur politique, chaque collectivité devra faire des choix douloureux qui n’épargneront pas le secteur culturel. L’irresponsabilité serait d’exacerber les colères, de refuser de regarder la réalité en face et de différer des décisions, même difficiles", conclut-il.
À l'appel des acteurs de la culture, un rassemblement est prévu ce lundi 25 novembre devant l'hôtel de région.
Christelle Morançais, injoignable pour l'instant, n'a pas encore communiqué officiellement, elle devrait s'exprimer dans les prochains jours. En se positionnant clairement comme la garante de l'équilibre des deniers publics, la présidente des Pays de la Loire affiche la couleur et ses ambitions pour 2027 : se mettre au service d'Édouard Philippe, patron d'Horizons et candidat déclaré à la future présidentielle.