"Pourquoi aller au-delà de ce qui est demandé ?", les acteurs de la culture abasourdis par les coupes drastiques annoncées par Christelle Morançais

Folle journée, Chainon manquant, la présidente de la région des Pays de la Loire tape fort et vient d'annoncer l'arrêt des subventions pour ces deux grands événements culturels en 2025. Christelle Morançais entend faire 100 millions d'euros d'économie alors que l'État ne lui en demande que 40 pour combler le déficit public.

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Le monde de la culture n'a pas fini de claironner. Il faut dire que Christelle Morançais n'y est pas allée de main morte. La présidente de la région des Pays de la Loire appelle le secteur "bien trop gourmand en subventions à se réinventer".

Une prise de position claire, "très à droite" pour l'opposition et "brutale" pour tous les professionnels concernés. Et ils sont nombreux, mais dans l'attente, plutôt réticents. Rares sont ceux qui acceptent de réagir. Les responsables culturels devraient se réunir "pour définir des actions" et sans doute une prise de parole commune.

En attendant, les annonces faites par téléphone tombent les unes après les autres. Avec toujours le même message "plus aucune subvention". Et visiblement pas grand monde n'est épargné.

À commencer par la Folle journée. Cet évènement régional phare sera amputé de 180 000 euros sur un budget global de près de 5 millions d'euros. Pas de quoi couler le festival, mais la coupe drastique en dit long sur les intentions de la présidente. Pour l'instant, ni le chef d'orchestre René Martin, ni la direction de la Cité des congrès, ne souhaitent faire de commentaire. 

Christelle Morançais ne s'exprime pas non plus officiellement. Elle multiplie les annonces sur le réseau social "X". Et pour l'instant, il faudra s'en contenter.

La liste des festivals ciblés s'allonge de jour en jour. Et elle concerne tous les départements. À Laval, les équipes du Chaînon manquant ont reçu un coup de fil ces derniers jours.

"L'aide de 160 000 euros s'arrête", sur un budget de 800 000 euros, c'est un réel manque à gagner. Au téléphone, de l'inquiétude et de la sidération. "Ce sont des coupes sèches, il n'y aucun palier. Oui c'est un choc ! "

"Emplois menacés"

Si personne ne veut trop s'avancer, il est évident que pour les organisateurs, il y aura des choix d'orientation à trancher, des projets à revoir, des emplois menacés et des collaborations compromises avec les prestataires. 

Sans parler des retombées sur l'économie locale. Un festival comme le Chaînon manquant, c'est plus de 500 nuitées. Si la voilure devait être réduite, les hôteliers et les restaurateurs en paieraient aussi le prix. Les entreprises du territoire forcément seront impactées. Le ratio communément admis est qu'un euro investi dans le secteur culturel en rapporte 6. Le calcul est vite fait.

Pour la maison Julien Gracq, résidence d'écriture située dans l'ancienne bâtisse de l'auteur des Mauges, les nouvelles ne sont pas bonnes non plus. "Nous avons été informés jeudi dernier d'une baisse significative puis d'un désengagement complet à terme", confirme Jérémy Favre, le directeur.

On en perd nos mots

Jérémy Favre

Directeur de la maison Julien Gracq

50 % en 2025, 100 % en 2026, c'est qu'a retenu le responsable. "Une annonce d'autant plus incompréhensible que c'est la Région qui tient la présidence de la structure", souligne-t-il.

L'association gestionnaire des lieux a été créée par la Région et la commune de Mauges-sur-Loire. "Notre premier président était Jacques Auxiette avec Hervé de Charette à la vice-présidence, deux bords politiques opposés, mais le projet était beau", se remémore Jérémy Favre.

Le budget annuel de la Maison Gracq ? 165 000 euros. La subvention régionale sollicitée la semaine dernière était de 135 000 euros pour 2025. La commune de Mauges-sur-Loire, elle, verse 15 000 euros, le reste du financement vient de divers partenaires publics et privés.

"Il y a des aides directes aux auteurs. Par exemple, le Centre National du Livre verse une bourse directement à l'auteur qui vient en résidence", précise le directeur.

"Je ne peux pas réinventer une association de 10 ans, en 1 mois !"

"Se réinventer", comme le suggère Christelle Morançais, Jérémy Fabre n'est pas contre. "J'ai présenté un projet triennal 2024-2026 qui a été voté en Conseil d'administration. On le suit. Mais si on est sur des projets triennaux, c'est bien parce qu'il faut trois ans aussi pour pouvoir développer de nouveaux partenariats, les construire, discuter, dialoguer."

Moi, je ne peux pas réinventer une association qui a 10 ans, en un mois ! Et qui a cette spécificité-là d'être à la fois le legs d'un auteur, une maison des Illustres, un lieu de visite touristique en Bord de Loire, avec des expositions et un lieu de résidence

Jérémy Favre

Directeur de la maison Julien Gracq

Pour autant, le directeur veut encore croire que tout reste possible.

"J'espère qu'on va échanger, dialoguer, se réunir autour d'une table avec tous les partenaires pour faire en sorte d'aller de l'avant. Je ne sais pas si c'est jouable, mais j'espère juste qu'on est dans cette dynamique-là, parce que sinon, je ne préfère même pas y penser..."

"Nous appelons les élus à se mobiliser"

Les Éditions 303 viennent aussi d’être informées d’un arbitrage budgétaire alarmant ; "le projet de budget 2025 qui sera soumis au vote du Conseil régional le 19 décembre prévoit une réduction drastique de 50 % de la subvention de fonctionnement, avant son retrait en 2026. Cette décision menace directement l’existence de la revue 303 arts, recherches, créations, au moment même où elle célèbre ses 40 ans", résume un communiqué.

Créée en 1984 sous l’impulsion d’Olivier Guichard, 303 accompagne la politique culturelle des Pays de la Loire, aux côtés de l’ONPL, de l’Abbaye Royale de Fontevraud et du Théâtre Régional des Pays de la Loire. Ce trimestriel, reflète depuis quatre décennies la diversité culturelle et patrimoniale de la région, tout en s’adaptant aux évolutions sociétales, "en préservant son indépendance éditoriale", soulignent les responsables.

La suppression du financement de l’association affecterait un réseau entier de partenaires régionaux, remettant en cause des projets déjà engagés

Revue 303

Communiqué de presse

Les activités font vivre chaque année 200 auteurs, rédacteurs, photographes, illustrateurs, graphistes,  400 références de livres et revues, diffusées via 600 points de vente (librairies, maisons de la presse, boutiques culturelles) et 30 partenaires éditoriaux parmi les collectivités et structures culturelles.

"Mettre en péril 303 revient à fragiliser un maillon clé de la transmission culturelle et un réseau territorial de savoir-faire. L’intégralité de son économie, issue de la subvention régionale et des ventes, est redistribuée localement à des professionnels du livre et de la culture, imprimeurs, libraires, correcteurs, photograveurs, graphistes, transporteurs", précise le communiqué.

Nous appelons les élu·es et les acteur·ices des territoires à se mobiliser pour maintenir le soutien financier à de 303. Préserver cette revue, c’est protéger un patrimoine vivant, un outil unique d’analyse et de création, ainsi qu’un lien indispensable entre les citoyen·nes et leur région.

Revue 303

Communiqué de presse

Si tout se dit à voix basse, sur les réseaux sociaux ça bruisse. Le Pannonica, scène de Jazz et de musiques actuelles, a posté sur Instagram une lettre ouverte à la présidente de région. 

"Toutes ces structures qui font le maillage et la vie culturelle, sociale et économique de notre territoire sont concernées par vos annonces brutales, effarantes et sans précédent en France depuis l'instauration des pratiques républicaines vertueuses de la décentralisation, de la coopération territoriale et des financements croisés", explique le courrier signé par Frédéric Roy, le directeur.

Voir cette publication sur Instagram

Une publication partagée par Pannonica (@pannonicanantes)

À LIRE AUSSI. Christelle Morançais tape dur sur la culture et annonce 100 suppressions de postes à la Région et 100 millions d'euros d'économies

Yves Jourdan, responsable du syndicat national des entreprises artistiques et culturelles des Pays de la Loire, ne cache pas sa colère même si rien n'est acté.

"C'est vrai que de très grosses structures aidées depuis très longtemps sont impactées, ça nous étonne. Il y a la Folle journée, on parle aussi de l'ONPL."

"Les premiers éléments qu'on a, ce sont des proportions, moins 50, moins 100 %, moins 50 % en 2025, moins 100 % en 2026, avec des scénarios à 100 % sur des aides au projet. Mais tout ça aujourd'hui, c'est de l'oral, il n'y a aucune confirmation écrite."

Si les grosses écuries devraient parvenir à s'en sortir, quid des plus modestes ?

Il y en a certains qui vont faire arrêter les projets, soyons très clairs 

Yves Jourdan

Responsable du syndicat national des entreprises artistiques et culturelles des Pays de la Loire.

"Nous nous représentons les lieux culturels et les compagnies. Il y a une casse indirecte. Parce que si on enlève de l'argent aux salles, par ruissellement, ce sont les artistes qui vont trinquer, parce que le manque de marge fait qu'on ne va plus embaucher."

"Pourquoi aller au-delà de ce qui est demandé"

Les baisses, il s'y attendait, mais pas dans cette mesure.

"Pas de façon aussi forte et aussi brusque, sans dialogue et sans concertation. C'est ça qui est vraiment le plus difficile pour nous".

"D'un seul coup, on apprend ça alors que nos saisons sont entamées. Six mois sont déjà engagés. Donc c'est difficile, derrière, de pouvoir contrôler ces budgets". 

"Après, ce qu'on ne comprend pas, c'est que le gouvernement Barnier demandait 40 millions d'efforts, madame Morançais présente un projet à hauteur de 100 millions d'économies. Ça nous questionne", conclut Yves Jourdan. 

Pourquoi aller au-delà de ce qui est demandé ?

Yves Jourdan

Responsable du syndicat national des entreprises artistiques et culturelles des Pays de la Loire

Ce que redoute Yves Jourdan, ce sont aussi les pertes d'emploi, "sur le secteur régional, les musiques actuelles et le spectacle vivant, représente 17 000 emplois pour 1 400 entreprises", précise-t-il. Avant d'évoquer aussi "une attaque" des financements croisés. "C'est l'effet Mikado, on sait qu'il y a aussi des difficultés dans d'autres collectivités territoriales, comme le département. Elles ne pourront pas compenser."

La Région Pays de la Loire avait adopté un budget alloué à la culture de 36 millions d'euros en 2024, soit une diminution de 14,7 % par rapport à 2023 (42,2 millions d'euros).

Les acteurs du secteur culturels manifesteront ce lundi 25 novembre devant l'hôtel de région. Christelle Morançais devrait avoir beaucoup de monde sous les fenêtres.

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