Ils sont attendus par la France entière car personne n'aurait pu imaginer un jour voir ses cheveux atteindre une longueur non choisie. Les coiffeuses et coiffeurs adaptent leur salon aux contraintes sanitaires, mais sont heureux de renouer le contact avec leurs clients, un contact contrôlé.
Honneur aux dames ! Elisabeth Fratti tient un salon de coiffure depuis 2001 au Temple-de-Bretagne, en Loire-Atlantique. En 40 ans de carrière, elle n'avait jamais fermé boutique sous la contrainte.
Mais le 14 mars au soir, la menace grandissant, elle a coiffé son dernier client et n'a pas rouvert depuis.
je prépare comme je peux, mais j'attends surtout les infos qui vont nous êtres données le 7 mai
Le 12 mai au matin, Elisabeth et son employée Virginie vont accueillir les premiers clients, sous un mode inédit, dicté par les directives sanitaires dont les contours doivent être finalisés le 7 mai par le chef de l'Etat et le gouvernement. Avec, en tête, encore plusieurs questions sans réponses, elle a déterminé un certain nombre d'aménagements, de pratiques et de consignes dans son salon.
L'hygiène est encore plus que tout la priorité car, si les clients ont un besoin pressant de venir chez elle, la méfiance et la crainte de certains d'entre eux ne sont pas inévitables. Alors, il faut tout faire pour rassurer.
L'esprit du moment? C'est Hygiène + +
Un panneau en plexiglas sera placé devant la caisse, du gel hydro-alcoolique sera disponible à l'entrée où un panneau expliquera le dispositif en vigueur et le masque sera obligatoire. Å charge du client d'amener le sien, mais ça, c'est entendu avec lui dès la réservation par téléphone. Non seulement cela est compris, mais c'est même souhaité.
Ajoutez à cela un désinfectant à base de solution naturelle antivirale achetée auprès d'une cliente, un stérilisateur et vous obtenez un matériel désinfecté après chaque coupe. Fauteuil, ciseaux, accoudoirs, et, dans la machine à laver, les peignoirs et serviettes traités à 60°C avec du désinfectant : autant de gestes et d'opérations à répéter dans un salon qui verra le nombre de clients présents en même temps passer de quatre à deux, pour garder les distances demandées.
Pour nous, Virginie et moi, ce sera les deux
Pour elle-même et sa salariée, Elisabeth Fratti sera équipée de masques et visières en plastique, la double protection permettra de rassurer tout le monde. Reste à voir quelles conditions de travail cela représente à la journée, à la semaine, au mois.
Les surblouses sont envisagées, mais reste à s'en procurer...en revanche, les gants n'ont pas été retenus de façon systématique étant donné les différentes phases du métier, mais le lavage des mains sera privilégié.
Le test de la flamme
100 masques jetables ont été réservés pour le redémarrage, et en parallèle, dix masques réutilisables ont été commandés à une couturière.Elisabeth Fratti les a éprouvés en faisant un test très simple : elle souffle à travers le masque et celui de la couturière n'a rien laissé passer, la flamme du briquet n'a pas bronché. En revanche, elle a testé un masque acheté en grande surface, et a procédé au même test, la flamme a été éteinte sans problème. Rien de scientifique mais test néanmoins parlant.
La reprise économique
Pour la petite entreprise de coiffure, ces deux mois ont été très difficiles. Les coiffeurs ont du s'adonner à d'autres activités que la leur, telles que les démarches administratives pour essayer d'obtenir des compensations financières.Heureusement qu'il y a eu les aides, sinon....
Une partie a été obtenue par l'aide d'urgence du gouvernement aux indépendants ainsi que le fonds de solidarité à la trésorerie sur étude du dossier. Puis une bonne nouvelle est arrivée en provenance de l'assurance de la coiffeuse au titre de la perte d'exploitation.
Au début, le coronavirus n'entrait pas dans les clauses et puis récemment, un appel de la banque-assurance a permis à cette commerçante de souffler financièrement et remettre sa trésorerie à flot pour la reprise et les achats nouveaux.
Comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, les professionnels de la coiffure ont été informés que leurs charges sociales pour mars, avril et mai étaient purement et simplement surpprimées. De l'oxygène avant le grand bain dans l'inconnu de la reprise.
Soudain, plus de recettes et toujours des dépenses
Du jour au lendemain, aucune rentrée d'argent due à son travail, et des charges qui, elles, continuent de tomber. Heureusement, il y a eu l'aide gouvernementale aux indépendants. 1 500 euros accordés pour le mois de mars, il a renouvelé sa demande pour avril.Le loyer de 2 200 euros a été négocié avec le propriétaire, il est suspendu et le remboursement sera échelonné dans les mois suivant une reprise confirmée. Si le crédit bancaire a été reporté, il va donc glisser dans le temps et décaler d'autant la fin du crédit.
Mais en revanche, la banque continue de prélever les intérêts, autour de 500 euros, ainsi que les prestations de service comme le TPE, terminal de paiement électronique, les frais de gestion de compte, abonnements pour fidélisation....soit 200 euros.
Et pour couronner le tout, 800 euros de frais bancaires d'annulation de prélèvement, virement....etc.
Oui, je suis en colère, parce qu'on m'a refusé un prêt, à des confrères aussi, alors que je pouvais y prétendre
Autant dire que le commerçant doit se contenter du minimum et se dit un peu en colère car la banque lui a refusé l'octroi d'un prêt garanti par l'état au prétexte qu'''on a trop prêté au début, maintenant on fait attention'', parole de banquier.
Une bonne nouvelle néanmoins : la suppression des charges sociales pour les indépendants sur les mois de mars, avril et mai. Il eut été impossible, de toute façon, de payer des charges sociales à partir d'un argent non encaissé.
Dépenses nouvelles : les achats liés au Covid19
Tout d'abord, il n'y a pas de kit officiel Covid19. Le coiffeur baulois attend les informations officielles annoncées pour le 7 mai, une date très proche du 11, compte tenu du pont du 8 mai.Entre les annonces et la réalité, y a une marge. En fait, faut se débrouiller par ses propres moyens
Alors, la technique s'inspire du bon sens et du système D. Un grand groupe de cosmétique a assuré Benoit Pecoul d'une livraison de 50 masques à un tarif avantageux. Problème : pas un masque en vue.
Et le commerçant de faire appel à ses contacts, ses amis, de se rendre au supermarché pour être sûr de pouvoir s'approvisionner en produits liés au Covid19. Il a acquis un vaporisateur à distance de gel hydro-alcoolique, qu'il peut proposer aux client(e)s ou utiliser pour désinfecter le mobilier du salon, et surtout, il a retiré des sièges pour garantir la distanciation sociale, que ce soit au poste de shampoing ou de coiffure.
Benoit et ses deux salariés auront donc un client chacun à la fois, au lieu de deux.
Mais même si leur nombre est réduit de moitié, Benoit se réjouit à l'avance de retrouver ses clients. Les habitués et des nouveaux qui ne peuvent attendre une semaine supplémentaire pour aller chez leur coiffeur.
On exerce un métier social, on reçoit des dizaines de personnes par jour, alors, deux mois sans voir un client, imaginez...
Et le client dans tout cela ?
Tout d'abord, les client(e)s vont pouvoir satisfaire un besoin qu'ils n'auraient jamais soupçonné d'être aussi important : porter ses cheveux à une longueur choisie. Ensuite, ils vont bénéficier d'un salon plus spacieux puisque, à l'instar de ces deux professionnels de la coiffure, le nombre de clients admis en même temps dans le salon est réduit de moitié.Mais auront-ils une pensée ou un geste pour ces commerçants de proximité qui vont voir leurs recettes divisées en deux pour cause de mesures Covid19?
Elisabeth Fratti réfléchit à modifier très légèrement ses tarifs à la hausse, Benoit Pecoul s'y refuse, pour l'instant. Pas facile de déterminer un nouveau tarif à la veille d'une reprise tant attendue par les clients et les commerçants, tout simplement parce que nous ignorons tout de nos comportements à venir, ceux d'après le 11 mai.
Dans un futur immédiat, ces deux professionnels affichent déjà complet pour la semaine du 11 mai, même avec des horaires étendus en amplitude, il est donc recommandé d'appeler pour réserver la prochaine coupe ou la prochaine couleur.
Coiffeuse, coiffeur, un métier à l'utilité redécouverte avec le Covid19
La pandémie, et le confinement qui en découle, a permis de se rendre compte que le métier de la coiffure est un métier de contact, de dialogue, de confidence même, de toucher, de soin de la personne, et c'est pour cela que sont tant appréciés les professionnels qui l'incarnent.Les coiffeurs assurent un rôle social insoupçonné, ils nous garantissent une attitude et une image sociale choisies en concertation. Deux mois d'éloignement total des salons de coiffure ont suffi à mettre en évidence leur rôle majeur dans nos sociétés modernes. Et si le confinement durait 6 mois ?
Pour ceux qui souhaiteraient suivre l'actualité professionnelle de la Coiffure, le syndicat UNEC a mis en ligne les informations en sa possession.
Pour ceux qui ne peuvent résister à l'envie de savoir à quoi ressemblera un salon de coiffure d'après 11 mai, voici un exemple en Suisse, à travers un magazine TV tourné dans la province des Grisons.