Vingt ans après la mort de Jonathan Coulom, 10 ans, le parquet de Nantes réclame la mise en accusation pour meurtre du tueur en série allemand et donc son renvoi devant une cour d'Assises. Mais le chemin est encore long avant le procès. En 2004, Jonathan avait été retrouvé pieds et poings liés dans un étang à la sortie de la ville de Guérande en Loire-Atlantique.
À la sortie de la ville de Guérande, l'étang du Manoir de la Porte-Calon existe toujours.
C'est là que le soir du 19 mai 2004, le corps de Jonathan Coulom, 10 ans, est retrouvé dans le plan d'eau, pieds et poings liés.
Le jeune garçon originaire du Cher a disparu six semaines auparavant.
Il a été enlevé durant la nuit du 6 au 7 avril 2004, dans son dortoir de centre de vacances à Saint-Brevin-les-Pins, trente kilomètres plus au sud de la Loire, alors qu'il participe à une classe de mer.
Bientôt un procès aux Assises ?
Martin Ney sera-t-il un jour jugé en France pour le meurtre de Jonathan Coulom ? Le tueur en série attend la décision définitive des autorités françaises du fond de sa cellule, en Allemagne, où il purge une peine de réclusion à perpétuité pour le meurtre de trois petits garçons.
Mais après 20 ans d'instruction, d'expertises, le parquet de Nantes considère aujourd'hui que les charges sont suffisantes pour le renvoyer devant une cour d'Assises en France. Quelles charges ? Le Procureur n'en dira pas plus. Mais l'avocate de la grand-mère de Jonathan, Caty Richard, que nous avions rencontrée en avril dernier, n'a aucun doute sur l'implication de Martin Ney.
L'avocate dit être convaincue que Martin Ney est mêlé à la mort de Jonathan : "J'ai toujours pensé que c'était quelqu'un qui n'en était pas à son coup d'essai. Il fallait trop de sang-froid pour rentrer dans les locaux, rentrer dans cette chambre, enlever ce petit garçon".
"Je n'ai absolument aucun doute sur sa culpabilité, donc absolument aucun doute sur le fait qu'il y ait suffisamment de charges contre lui pour le renvoyer devant une cour d'Assises en France."
Il y a trop de points communs, le mode opératoire est trop similaire, les victimes sont trop similaires pour que ce soit un hasard
Caty RichardAvocate de la grand-mère de Jonathan
Un chemin encore long avant les Assises
La justice française a étayé un dossier d'instruction énorme : 160 tomes, des dizaines de milliers de pages. Suffisamment solide donc selon le Parquet pour justifier un procès contre Martin Ney. Mais le chemin sera encore long avant la cour d'Assises.
Maintenant le juge d'instruction va décider si oui ou non, il renvoie Martin Ney devant la cour d'Assises au vu des observations que vont formuler les avocats des parties civiles et de la défense. Si le juge décide finalement d'une ordonnance de mise en accusation, celle-ci peut être contestée par les avocats de Martin Ney. La chambre de l'instruction serait alors saisie à Rennes et ce sera à elle de décider si oui ou non le renvoi devant les Assises est pertinent au vu du dossier. Si c'est le cas, il faudra lancer une procédure d'extradition auprès des autorités allemandes pour faire venir Martin Ney à son procès en France. Tout cela peut encore prendre des mois au pire des années.
Une affaire complexe
Trois ans après la mise en examen de Martin Ney, et alors que l'enquête est terminée, pourquoi n'y a-t-il toujours pas de procès ?
Pour le procureur de la République de Nantes, Renaud Gaudeul, la complexité de l’affaire et la nécessaire collaboration avec l’Allemagne expliquent ce délai.
"On dit souvent que la justice est longue, mais la justice peut être longue pour de bonnes et pour de mauvaises raisons. En l'occurrence, dans cette affaire, elle est longue pour de bonnes raisons".
"Cette longueur s'explique par l'opiniâtreté, qui est celle du juge d'instruction, du parquet et des enquêteurs qui ont travaillé sur ce dossier, qui est un dossier très difficile".
7 avril 2004, une disparition inquiétante
Le bâtiment de l'ancienne colonie de vacances a été rasé et remplacé il y a quelques années par une résidence. Mais le souvenir de cette terrible nuit hante encore les habitants.
À l'époque, ce sont ces camarades de dortoir qui signalent sa disparition. À 7 h 30 du matin, le 7 avril, son lit est vide, laissant supposer que Jonathan a quitté le centre en pleine nuit, en pyjama et pieds nus. Une supposition difficilement envisageable, qui rend sa disparition encore plus inquiétante.
Des jours, des semaines de recherche commencent alors pour retrouver l'enfant de 10 ans.
Des battues sont également organisées dans la forêt, près des plages. Les résidences secondaires sont toutes fouillées, en vain.
Mort par suffocation ou étouffement
Six semaines plus tard, le corps de l'enfant est retrouvé à Guérande. L'autopsie conclut à une mort par suffocation ou étouffement. Le cadavre est trop dégradé pour savoir si des sévices sexuels ont été infligés.
L’enquête s'oriente alors vers une piste locale. Les profils connus de pédocriminels dans le secteur sont étudiés. Des appels à témoin sont lancés, mais sans aucun résultat, malgré le travail acharné de la cellule de gendarmerie.
La piste allemande de Martin Ney
En 2017, une piste, envisagée dès le début, ressurgit. Une piste allemande. Celle de Martin Ney. Un homme de nationalité allemande reconnu coupable du meurtre de trois petits garçons Outre-Rhin. Et qui purge une peine de réclusion à perpétuité.
Son codétenu affirme qu’il lui a avoué un autre meurtre, en France. Et ce meurtre serait celui de Jonathan.
En 2021, la justice allemande accepte de l’extrader vers Nantes, pour une durée de huit mois. L'homme est mis en examen en France. Il est amené à Saint-Brevin, 17 ans jour pour jour après l'enlèvement. Il répond aux questions du juge lors de multiples interrogatoires. Mais il conteste systématiquement tout : l'enlèvement comme le meurtre.
Le reportage de Virginie Charbonneau et Mailys Gimenez
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