Lors d'un concert sur sa commune du Pouliguen, Norbert Samama avait demandé à un homme de porter un masque. Le réfractaire qui a menacé le maire sera jugé en septembre 2021. Le phénomène n'est pas isolé et les élus en appellent au gouvernement, à l'image du nouveau maire de La Baule.
Janvier 2020, en mairie du Pouliguen, en Loire-Atlantique, Yves Lainé est le maire en place. Un homme de 47 ans, muni d'un bidon d'essence et en état d'ivresse, fait irruption en mairie du Pouliguen, il menace de "planter l'élu''.
L'homme, dont ce n'était pas le premier coup d'éclat, a été condamné à trois mois de prison ferme le 8 juin 2020 pour des violences psychologiques commises en mairie.
Août 2020, sur la même commune du Pouliguen, un soir de concert. Norbert Samama, le nouveau maire, demande à un homme de porter le masque face au risque de transmission virologique. Le jeune homme, sans domicile fixe de 21 ans, ivre, menace le maire de violences physiques. Il est arrêté par les CRS et sera jugé en septembre...2021. Plus d'un an après les faits.
Le maire du Pouliguen témoigne
Joint par téléphone, Norbert Samama, nouveau maire du Pouliguen, élu en 2020, nous a relaté les faits qui se sont déroulés ce soir d'août dernier. Des faits encore bien présents dans son esprit.''Les bénévoles du comité des fêtes avaient fourni un gros travail de préparation en suivant toutes les consignes sanitaires données par la préfecture. Tout le monde était assis et le public appréciait ce concert, il y en a eu si peu cet été. Et puis, ces deux individus se sont mis à danser, sans masque. Les bénévoles ont essayé de leur expliquer, rien n'y a fait. Je me suis donc interposé entre les bénévoles et les deux individus pour leur expliquer que, sans respect des consignes, le concert était menacé''.
Son visage était à 1 cm du mien, il ne portait pas de masque et m'insultait, me menaçait.
Des insultes et des menaces sont proférées à l'encontre du maire. ''Je vais te pêter les jambes et t'éclater la tête'' crie le plus jeune.
Les deux perturbateurs affirment que le maire ne dit que mensonges et lui demandent d'appeler la police. Sitôt fait, les deux hommes s'enfuient dans le parc pour s'y cacher. Entretemps, le maire a prévenu le commissariat de la Baule et bientôt les CRS arrêtent les fuyards. Le plus jeune, SDF âgé d'une vingtaine d'années, totalement ivre ce soir-là, a déclaré un peu plus tard ne pas se souvenir des faits.Il sera jugé en septembre 2021 !
Le concert s'est même arrêté un instant. Le chanteur du groupe a essayé d'expliquer l'importance de cette soirée, pour le public, le comité des fêtes, les intermittents du spectable. Rien n'y a fait.
Norbert Samama poursuit : ''Je suis de nature assez combative et je me devais d'aller au contact pour protéger mes bénévoles mais je m'interdisais toute violence en tant que maire. Nous sommes dans un état de non respect, de violence. On est en train de s'adapter à cette violence alors qu'il faut refuser cette dérive violente. J'ai porté plainte pour faire face à cette dérive car j'estime qu'il n'est pas possible de l'accepter''.
Aux yeux du maire du Pouliguen, cette violence a de multiples ramifications qui se heurtent toutes aux institutions.
Pour son premier été en tant que maire, Norbert Samama fait le constat d'un manque chronique d'effectifs de police. ''240 000 personnes l'été dans la baie, cela nécessite du renfort. Il faut une vraie action pour protéger ceux qui font l'action publique, y compris les bénévoles. Et quand vous voyez que mon agresseur comparaîtra dans un an, vous croyez qu'on a un appareil judiciaire efficace?''Il faut rétablir le Respect. Et le respect, ça commence à l'école. Cette notion est profitable à tous. Aux maires, mais aussi aux pompiers, aux policiers, aux soignants, aux enseignants, à tous.
La commune du Pouliguen a plus la réputation d'une paisible station balnéaire que d'un carrefour de violences urbaines, mais le maire de cette commune a subi ce que bien d'autres élus subissent depuis quelques temps : les menaces, les agressions physiques ou verbales ciblant leur fonction mais touchant en même temps leur personne. Il reste au maire du Pouliguen l'arrière goût d'une soirée gâchée, pour le public et pour les bénévoles du comité des fêtes. Mais il continue d'aimer sa fonction.
Une réponse immédiate à apporter
Une comparution en septembre 2021, pour des faits de menaces proférées en août 2020, sur un élu de la République, le délai semble bien long et la pertinence de la sanction pas totalement évidente au vu de ce délai séparant les faits du jugement.Les élus demandent une réaction ferme, bien sûr, mais également rapide, systématique, et avec des sanctions claires.
C'est le cas du nouveau maire de La Baule, commune voisine et limitrophe du Pouliguen. Même s'il n'a pas, à ce jour, connu pareille mésaventure, Franck Louvrier en appelle au gouvernement pour ''protéger nos élus locaux''.
L'édile note avec satisfaction la fermeté affichée du gouvernement qui prépare une circulaire sur le sujet, et considère comme une première étape le classement en ''outrage de première catégorie'' toute injure proférée à l'encontre d'un maire.
Mais il attend surtout du Premier ministre ''un message de fermeté contre ce type d'agressions, que les poursuites soient systématiques contre leurs auteurs et que les sanctions appliquées à leur encontre soient claires''
Invoquant le salut des institutions et de la lutte indispensable contre la crise de l'autorité, Franck Louvrier rappelle que le maire d'une commune est le premier représentant de l'Etat, le symbole de proximité de la République et le garant indispensable du ''bien vivre ensemble''.
Un message qui rejoint celui de l'AMF (Association des Maires de France) dans sa page dédiée à l'agression des élus.
Un phénomène national
Dans son communiqué du 1er septembre 2020, l'AMF rappelle qu'elle avait ''dénoncé, dès juillet dernier, la recrudescence des incivilités et l’inquiétante multiplication des agressions d’élus locaux. En effet, de janvier à juillet, 233 maires ont été agressés en France, contre 198 l'an passé à la même époque''.Ces chiffres indiquent à quel point les élus sont en première ligne face à la recrudescence de menaces ou d'agressions, comportements désinhibés de personnes simplement insatisfaites de leur situation personnelle ou dépourvues de tout contrôle d'elles-mêmes.
L'élu protégé par la Loi
Le portail de l'Etat au service des collectivités le précise : cette protection concerne d’une part, le maire, le président d’EPCI, (Etablissement Public de Coopération Intercomunale), de conseil général ou de conseil régional, et d’autre part l’élu municipal suppléant ou ayant reçu délégation du maire, le vice-président d’EPCI ayant reçu délégation, les vice-présidents et les conseillers généraux et régionaux ayant reçu délégation.La collectivité est tenue de protéger ces élus contre les violences, menaces et outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Les conjoints, les enfants et les descendants directs des élus municipaux précités bénéficient de la même protection.
Il convient de signaler une particularité propre aux élus municipaux : si le dommage est survenu dans le cadre des missions effectuées en qualité d’agent de l'État (officier de police judiciaire ou d’état-civil[15], par exemple), c’est l'État qui est responsable, dans les conditions définies par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Par conséquent, en cas de dommage subi par le maire, il convient de déterminer clairement les circonstances dans lesquelles cela a eu lieu, car ce n’est pas le même patrimoine qui supportera la responsabilité.
Que fait le gouvernement ?
Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a récemment annoncé que les insultes contre les maires seraient désormais considérées comme des outrages, au terme d'une réunion interministérielle à Matignon sur la violence contre les élus."Nous allons suggérer aux parquets de retenir cette qualification, car le maire qui est insulté, c'est un maire qui, au sens du droit pénal, est un maire outragé", a déclaré le garde des Sceaux, avant d'annoncer une circulaire dans un futur proche, voire très proche.