Spirou et Fantasio : rencontre avec Yoann, l'homme qui a retrouvé le Marsupilami

Il est heureux Yoann et ça se voit. La banane. Même à dix heures du matin quand débarque chez lui une équipe renforcée de France 3 Pays de la Loire, la télé et le web en même temps. Il faut dire que l'info est de taille. Après plus de 40 ans de séparation, le Marsupilami retrouve Spirou et Fantasio.

Une véritable légende du Neuvième art ce Marsupilami ! Tout autant que le tandem Spirou et Fantasio. Créé par André Franquin dans les années 50, la bébête à la fourure jaune et noire partage les aventures du groom le plus célèbre de la planète pendant une vingtaine d'années avant de s'offrir une belle échappée solo, à la fois dans la BD bien sûr mais aussi à la télévision et au cinéma.

Une trentaine d'albums solo à son actif mais aussi des films d'animation, un long métrage d'Alain Chabat, et finalement retour à la maison avec une 55e aventure survitaminée, "La Colère du Marsupilami" qui fait le bonheur de Fabien Vehlmann son scénariste et de Yoann son dessinateur que nous avons rencontré chez lui à Nantes. Interview...

Que représente pour vous ces retrouvailles avec le Marsupilami ?

Yoann. La longue absence du Marsupilami dans la série est d'abord pour moi un traumatisme de lecteur. Lorsque j'ai découvert les aventures de Spirou et Fantasio dans les années 80, j'ai aussi découvert que le Marsupilami avait disparu du jour au lendemain, quand Franquin a arrêté de dessiner la série. Le Marsu gommé, comme s'il n'avait jamais existé. Pas une seule explication. Même les héros de la série n'y faisaient plus référence. Quand on nous a annoncé qu'on pouvait réutiliser le Marsu dans un album de Spirou et Fantasio, on s'est dit qu'on allait essayer d'expliquer aux lecteurs pourquoi le Marsupilami avait disparu...

Comment s'approprie-t-on un tel personnage ?

Yoann. De la même façon qu'on s'approprie Spirou et Fantasio. On a là un personnage qui a été créé par un génie, André Franquin. Je ne serai jamais André Franquin. L'idée est de faire MON Marsupilami. J'ai commencé par "couper des branches", lister ce que je n'avais pas envie de faire avec lui. Je ne voulais surtout pas que ce soit une peluche, un logo ou un Mickey, je voulais que ce soit un personnage le plus animal possible. On a donc gommé les aspects humains, le côté anthropomorphique qu'il peut avoir sur la série du Marsupilami. On lui a rendu son côté animal, imprévisible, sauvage, sanguin, impulsif, colérique, tout le contraire d'un personnage lisse.

C'est votre cinquième contribution à la série mère Spirou et Fantasio. Avez-vous le sentiment qu'elle vous appartient un peu désormais ?

Yoann. Pas véritablement même si on essaie de faire à chaque fois les albums qu'on aurait aimé lire, on sent quand même une certaine pression et parfois un tiraillement du côté des lecteurs. Le lectorat de Spirou est multigénérationnel, on a des enfants et des gens qui ont l'âge de spirou. Satisfaire ces deux lectorats simultanément est toujours un exercice compliqué. L'essentiel pour nous finalement est de faire des albums qui nous amusent...

Vous devez croiser pas mal de fans pointilleux en dédicace. Quels sont leurs reproches les plus fréquents ?

Yoann. On ne les croise pas en dédicaces mais plutôt sur les forums, sur le web. Ce qu'ils nous reprochent ? De ne pas être Franquin pour ceux qui ne jurent que par Franquin, de ne pas être Fournier pour ceux qui ne jurent que par Fournier. De ne pas être Tome & Janry pour ceux qui ne jurent que par Tome & Janry et ainsi de suite. Fournier, Tome et Janry... ont eux-aussi connu ça. Ils ont reçu des volées de bois verts de toute part parce qu'ils n'étaient pas conformes à l'idée que se faisait le lecteur du Spirou traditionnel, du Spirou de l'âge d'or. C'est aussi ce qu'on essaie de dire à travers ce nouvel album, La Colère du Marsupilami, et notamment quand le Marsu retourne dans la jungle, c'est que l'âge d'or est terminé et qu'il faut aller de l'avant, passer à autre chose...
Reprendre Spirou et Fantasio est une belle aventure mais n'avez-vous pas envie parfois de tout arrêter, de reprendre vos propres séries, vos propres personnages, Toto l'ornithorynque par exemple ?
Yoann. Non, j'ai envie d'aller jusqu'au bout avec Spirou, on a encore beaucoup d'idées pour la suite. On a d'ailleurs ressigné pour 5 ans. On reste donc pour le moment les parents adoptés des personnages. 

Il y a du Toto l'Ornithorynque dans l'univers du Marsu ? 

Yoann. Complètement ! Ça a été pour moi un vrai bonheur de retrouver la jungle, de dessiner les animaux. La série Toto, qui compte aujourd'hui 7 albums, me manque. C'était mon bébé...

Après "Le groom de Sniper Alley" qui se déroulait dans un pays en guerre, un pays comparable à l'Irak ou à la Lybie, c'est un vrai changement ?

Yoann. Oui, mais c'est ça aussi la série Spirou et Fantasio, c'est la multiplicité des aventures, des contextes, des décors... chaque album est différent et on peut emmener spirou partout.

Vous aimez avoir une prise directe sur la réalité parfois la plus dure. Pourrait-il y avoir une aventure de Spirou dans l'ombre des attentats?

Yoann. Ça a marqué chacun de nous, ça a aussi permis à tout le monde de donner son sentiment sur la chose, de condamner bien évidemment, de revendiquer. Il y a eu un numéro spécial du journal de Spirou sur les attentats, il y a eu aussi la création du nouveau magazine Groom en réaction à tout ça. Je pense que ce sont pour le coup de bons outils dédiés à cette cause, à cet engagement contre le terrorisme, le fanatisme. En ce qui concerne la série, ça peut transparaître mais je n'ai pas envie qu'on fasse un album qui porte spécifiquement sur la question. Plusieurs albums de la série ont déjà traité de ce genre de sujets, que dire de plus que ce qui est dit dans "Le Dictateur et le champignon" ou "Le Prisonnier du bouddha". Même notre album précédent "Le groom de Sniper Alley" approchait le sujet mais nous ne sommes pas journalistes, et Spirou reste à la base du divertissement. On ne va plomber le moral des enfants...

De quoi sera fait le quotidien de Yoann dans les jours prochains ?

Yoann. Ça va être la course à la promotion de l'album. Je commence à être très très sollicité par les médias. Trois bons mois chargés...

Et le prochain album ?

Yoann. Le prochain album sera un recueil d'histoires courtes réalisées pour le journal Spirou. Certaines d'entre elles sont encore à réaliser. Et puis, on commencera la prochaine grande aventure en septembre 2016, pour une sortie en 2017 normalement... L'histoire devrait nous emmener sur un tournage de cinéma, un tournage hollywoodien...

Merci Yoann

retrouvez la chronique de l'album ici et notre blog dédié BD

Le reportage de Willmans Toula et Jean-Pierre Brénuchon



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