Il est né en Normandie, a vécu pendant cinq ans à Prague et s'est installé depuis quelques mois à Nantes, l'auteur de bande dessinée Le Cil Vert publie le troisème volume de sa série autobiographique aux éditions Delcourt : Une Vie toute tracée.
Dans ses albums précédents, Un Faux boulot et Rentre dans le moule, Le Cil Vert racontait déjà via son double de papier nommé Jean sa vie, sa jeunesse, son père, ses études à l’École nationale supérieure d'arts et métiers, son job d'animateur pour vacanciers en situation de handicap...
Une Vie toute tracée prolonge le chemin avec deux autres épisodes de sa vie, la mort de son père et son départ pour Prague, où il espère tourner la page, repartir de zéro, laisser derrière lui, comme il le dit lui-même, son histoire et ses casseroles.
Entre l'apprentissage - difficile - de la langue tchèque, la découverte de l'écriture et du monde de la bande dessinée, le décès de son père et la gestion de la succession, sa très jeune fille et sa dulcinée salariée d'une ONG, Le Cil Vert nous raconte ses journées d'expat, une vie bien remplie à défaut d'être toute tracée.
Mieux vaut en rire ! Le Cil Vert cultive l'auto-dérision dans ses albums, un moyen de prendre de la distance avec son personnage et son parcours.
"Ça m’aide. Et puis le deuil, la mort, la remise en question, les changements de vie c’est pas très vendeur. Je sais qu’on nous vend du divertissement à longueur de télé et que se marrer n’est pas suffisant pour se maintenir en vie mais parfois ça peut aider à faire passer la pilule surtout si le message est derrière. J’ai toujours peur d’être comme le vieux gars dans L'Étoile mystérieuse de Tintin qui au début de l’album tape dans une casserole en criant « c’est la fin du monde ». On vaut mieux que ça, je pense".
Sylvere est un ancien élève de l’École nationale supérieure d'arts et métiers qui forme des ingénieurs. Un parcours déjà peu commun pour un auteur de bande dessinée...
"C’est vrai qu’à première vue, ce n’est pas forcément la voie la plus directe pour devenir auteur de bandes dessinées… mais entre nous, s'il y avait une voie rapide, ça se saurait ! Plus sérieusement, j’ai eu de la chance de faire ces études et je ne regrette rien, mais ce qui a été important pour moi finalement, c’est de ne pas avoir essayé d’en faire quelque chose, d’être ingénieur et d’essayer de faire de la BD en parallèle. Les deux sont des boulots à part entière. J’ai finalement commencé par dessiner dans des magazines écolos, puis j’ai participé à des projets d’illustrations pour des ONG. Je travaille beaucoup pour me rassurer en fait. Je dois avoir peur du vide".
Autobiographie ou plutôt autofiction. Sylvere s'amuse à romancer la réalité et notamment à contracter le temps. Dans la vraie vie, la mort de son père et le départ pour Prague sont distants d'une quinzaine d'années. Un effet qui permet à l'auteur d'évoquer ses souvenirs, de nous parler de ses relations avec sa famille et notamment avec son père.
"Pour cette BD, la vague qui m’emmène est l’expatriation, partir pour Prague c'est marcher comme sur une page blanche. J’ai rencontré pas mal d’immigrés français (parfois ils s’appellent entre eux des expats, ça fait plus classe) qui fuyaient la France pas forcement à cause du fisc, mais plutôt à cause d’une famille trop toxique, un passé lourd à porter. Je me suis dit que pour Jean, ce passé était tout trouvé : la vente de la maison familiale après la mort de son père".
Installé depuis quelques mois à Nantes, Sylvère découvre la ville et l'apprécie. Il vivait à Prague avec une Française, il vit aujourd'hui en France avec une Tchèque, la vie n'est pas toujours un long fleuve tranquille et réserve parfois quelques surprises. De quoi lui inspirer une suite ?
"J’écris toujours la suite de cette histoire. Alors oui, il y aurait potentiellement une suite ! Encore faut-il que je puisse trouver la vague dont je parlais tout à l’heure, mais j’y travaille ! Et je serai ravi de dessiner Nantes, y planter mes personnages, mais cette fois, ils ne suivront certainement pas un fil rouge comme dans Une vie toute tracée, plutôt une ligne verte !"
Propos recueillis par Eric Guillaud le 17 février 2021. L'interview complète à retrouver ici