A partir de mi-octobre, le gouvernement souhaite mettre en place un nouveau dispositif : le bonus réparation textile et chaussures. Objectif : inciter les citoyens à réparer plutôt qu'à jeter. Pour chaque vêtement troué ou semelle réparée, une partie de la facture sera prise en charge grâce à un " fonds réparation" abondé par des entreprises de l’industrie textile. La mesure ne pourra s'appliquer que chez des artisans partenaires. Le bonus ne fait pas encore l'unanimité. Exemple en Pays de la Loire.
"Réparer plutôt que jeter" sera-t-il le slogan de la rentrée 2023 ?
À partir de mi-octobre, le gouvernement souhaite mettre en place un bonus réparation textile, sur le même modèle que celui lancé pour l'électroménager en décembre 2022.
Car, comme le précise le ministère de la Transition écologique, "l’industrie textile est devenue l’une des plus polluantes. Elle consomme 4 % de l’eau potable du monde".
Bonus de 6 à 25 euros
Le dispositif sera mis en place chez les artisans couturiers et cordonniers volontaires. C'est l'éco-organisme Refashion qui a été désigné par l'État pour mettre en œuvre cette nouvelle mesure.
Le principe est louable, pour chaque vêtement troué ou semelle de chaussures réparée, Refashion prendra en charge une aide financée grâce aux éco-contributions des 6500 metteurs sur le marché français; et selon une grille tarifaire prédéfinie, que voici (source : Refashion)
Le bonus remboursé sera par exemple de 7 euros pour un trou dans un vêtement, de 8 euros pour une semelle de chaussures. Jusqu’à 25 euros pour une doublure.
Pour être concret, si une prestation de réparation est facturée 10 euros par l’artisan couturier et qu’ un trou dans un vêtement est remboursable à hauteur de 7 euros, le bonus ne pourra pas s’appliquer car il dépassera les 60 % de la somme globale.
D’après Refashion, cette limitation des 60 % pourrait amener certains artisans à augmenter légèrement leurs tarifs. "On en est conscient, mais c'est aussi le jeu. Il faudra que tout le monde s'y retrouve, clients comme artisans. Nous serons aussi vigilants sur les gardes fous du dispositif pour éviter les fraudes", explique Elsa Chassagnette, responsable chez Refashion.
Autre précision, les bonus pourront se cumuler. "Si vous faites réparer trois trous sur un même vêtement, les trois bonus pourront se cumuler sur la facture globale.
Sensibiliser
Blandine Barré est fondatrice de l'entreprise "Les Réparables". Elle s'est installée aux Essarts-en-Bocage, en Vendée, avec ses six salariées. Son entreprise, en plein développement, est spécialisée dans la réparation textile tous types. C'est donc naturellement qu'elle a choisi de se labelliser Refashion pour appliquer le bonus réparation. "Je trouve la démarche éthiquement intéressante. C'est vrai que l'industrie de la mode est très polluante".
Pour la cheffe d'entreprise, c'est une aubaine. "En diffusant très largement l'accès à la réparation, ça va nous permettre de toucher un plus large public et donc des gens qui peut être ne feraient pas réparer à cause du prix."
Dans quelques mois, sur chacune de ses factures sera indiquée la part prise en charge et remboursée au client. Un détail qui compte pour Blandine.
"Il ne faut pas dévaloriser notre métier et bien préciser au client que ce bonus n'est pas quelque chose de gratuit, mais bien une aide financière. Car nous ne travaillerons pas plus rapidement ou moins bien pour rentrer dans le tarif qui sera affiché pour le client".
Surcharge de travail
Parmi d'autres artisans contactés en Pays de la Loire, certains approuvent le concept. "Ça permet de responsabiliser les gens dans la consommation textile". D'autres le récusent: "Le bonus n'éduque pas les gens au prix du savoir-faire", explique une cordonnière à Saint-Brévin-les-Pins, en Loire-Atlantique.
Autre bémol : la preuve de la réparation. D’après les premières instructions reçues, c’est à l’artisan d’envoyer les factures pour être remboursé à la fin du mois. Il devra aussi prouver la réparation en prenant une photo avant et/ou après. Ce qui risque d’être contraignant.
La question des photos à prendre avant/après la réparation, c'est un vrai sujet. Faudra-t-il dédier une personne à cette tâche ? Si oui, ce sera de vrais coûts supplémentaires pour mon entreprise. Et il ne faut pas que cela impacte non plus notre temps de réparation.
Blandine BarréCheffe d'entreprise
Les cordonniers craignent, eux, d'être mal chaussés.
Simon Chaussavoine, cordonnier à Nantes depuis sept ans, hésite à se lancer. Le dispositif ne remboursera que les interventions sur les chaussures de ville. Il exclut toute la maroquinerie. "Ça exclut tout ce qui est réparation de sacs, et tout ce qui est réparation de fermeture de blousons de cuirs. C'est dommage, car cela enlève 20 à 25 % de nos réparations au quotidien", déplore l'artisan.
Parmi les autres inquiétudes, le manque d’outils informatiques pour déclarer chaque facture et la surcharge de travail qui pourrait être occasionnée."Plus ça va, plus les délais sont longs, car il n'y a plus beaucoup de cordonniers, les gens se rabattent sur ceux qui restent. Cela risque d'être problématique si le bonus occasionne un trop grand flux de clients. On ne pourra pas suivre la demande", explique le cordonnier nantais.
Il faudrait que ce soit le client qui fasse la démarche de gérer les factures et le remboursement pour chaque intervention.
Simon ChaussavoineCordonnier
500 artisans partenaires minimum
Pour l'instant, le client reste le véritable gagnant du dispositif.
D'ici à la mise en route du dispositif, des aménagements pourront encore être faits en concertation avec les artisans.
D'après Refashion, "début septembre, 900 artisans en France se sont déjà créés un compte Refashion, par curiosité ou par intérêt réel, on ne peut pas encore le définir".
Reste qu'une fois les artisans labellisés, il faudra vérifier s'il existe un maillage suffisant et s'il y a suffisamment d'artisans intéressés dans chaque région pour mettre en place ce bonus n'importe où en France. Refashion reste confiant. Le bonus réparation devrait donc se mettre en place dans les Pays de la Loire. De fil en aiguille.
Heureux hasard du calendrier ou pas, le bonus réparation sera lancé en octobre. Or, les 20, 21 et 22 octobre prochain se déroulera partout en France la première édition des Journées Nationales de la Réparation (JNR), organisées en présence de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires.
Au programme : événements, rencontres, activités ludiques et pédagogiques "pour sensibiliser, informer et encourager à la réparation et à la consommation durable".
Le reportage de Juliette Poirier, Denis Leroy et Mariano Zadunaiski