Le cinéma Saint-Laurent existe depuis 1962 à Blain, petite commune du nord de la Loire-Atlantique. Il a été placé en procédure de sauvegarde devant ses difficultés financières. Les 110 bénévoles se battent pour continuer à sauver leur salle et viennent d'ouvrir une cagnotte en ligne.
"Dépenses en hausse, recettes en baisse" ce pourrait être le titre d'un mauvais film projeté dans beaucoup d'établissements culturels ces temps-ci.
Le cinéma associatif Saint-Laurent installé à Blain au nord de la Loire-Atlantique depuis 1962 ne fait pas exception.
Une facture d'électricité en hausse de 50 %
Parmi les soucis rencontrés par cette salle associative, la hausse des coûts de l'énergie joue un rôle important.
"Pour les quatre premiers mois de cette année on a eu 12 000 euros d'électricité, ce qui est conséquent quand même. C'est 50 % en plus" explique Romain Marzellière, le coprésident de l'association qui gère le Saint-Laurent.
Ce mardi de semaine de vacances scolaires le Saint-Laurent projette deux films : à 16h le film d'animation "Croquette le chat merveilleux" et le soir, pour un public adulte,"Joker : folie à deux" la suite du premier film de 2019 consacré à l’ennemi numéro 1 de Batman. Le lendemain mercredi un ciné goûter est programmé.
Le cinéma de Blain propose ainsi 16 séances hebdomadaires en période de vacances scolaires comme cette semaine contre 11 séances en période normale dont 4 séances le dimanche.
Un cap difficile malgré un retour des spectateurs
Côté fréquentation, comme nombre de cinémas, la perte a été drastique depuis l'épidémie de Covid.
"2019, c'était la meilleure année que le cinéma ait jamais connue" détaille Romain Marzellière, "avec pratiquement 36 000 entrées. C'est conséquent pour un mono écran tout de même".
À titre de comparaison, le cinéma Saint-Laurent a fait 23 000 entrées en 2023 et annonce un léger mieux pour 2024, "2 000 entrées en plus qu'en 2023 à la même période", annonce son président.
Du mois de juillet 2024 jusqu'à aujourd'hui, les chiffres sont bons, pour ne pas dire très bons, on a eu un très bon été avec beaucoup de films porteurs
Romain Marzellièreco-président du cinéma associatif Saint-Laurent à Blain (Loire-Atlantique)
Pour autant, les difficultés financières s'accumulent.
Et dans le cadre des restrictions de la dotation de l'État aux communes, la municipalité de Blain doit resserrer ses subventions aux associations dans le budget 2025.
Celle du cinéma Saint-Laurent ne fait pas exception et baisse de 12 000 euros à 6 000 euros.
Les responsables de l'association entament une procédure de sauvegarde devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire avec la nomination d'un mandataire judiciaire depuis le 8 juillet 2024.
Une cagnotte pour se prémunir du pire
"Toutes les factures qui sont antérieures à cette date de jugement ne sont pas payées, elles sont gelées et rentrent ce qu'on appelle dans un moratoire" explique le jeune coprésident du cinéma associatif de Blain.
Le but de la procédure de sauvegarde justement c'est d'avoir un mandataire judiciaire avec toute une équipe qui nous accompagne dans notre gestion de l'association pour éviter que cette situation ne se dégrade trop
Romain Marzellièreco-président du cinéma associatif Saint-Laurent à Blain (Loire-Atlantique)
Premières conséquences de la nécessité de redresser les finances : en septembre 2024, le cinéma licencie sa seule salariée, recrutée en 2020.
Le tarif du ticket de cinéma doit augmenter : il passe à 7 euros à l'été 2024 contre 6 euros auparavant.
"Sur une place à 7 euros le cinéma ne touche que la moitié soit 3 euros 50, l'autre moitié va au distributeur du film" justifie Romain Marzellière.
La période de sauvegarde doit durer jusqu'à la mi-décembre, ensuite soit elle est renouvelée une fois, soit le moratoire prend fin et les factures doivent être remboursées.
Le calendrier des remboursements est un des enjeux de l'année 2025 : "C'est un flou total pour l'instant parce qu'on ne sait pas s'il faut qu'on rembourse sur 2 ou 3 ans, avec des sommes qui seront très conséquentes à sortir de manière mensuelle, ou si c'est un moratoire qui va s'étaler plutôt sur du 10 à 15 ans" explique le coprésident du Saint-Laurent.
D'où, en partie, le recours à la solidarité et à la générosité des cinéphiles via une cagnotte en ligne pour sauver les finances du cinéma et lui permettre de continuer ses projets.
On est quand même beaucoup de bénévoles donc il y a plein de projets. Pour les continuer et montrer que c'est un cinéma dynamique si on pouvait atteindre une belle somme de 15 000 euros, on serait véritablement extrêmement contents
Romain Marzellièreco-président du cinéma associatif Saint-Laurent à Blain (Loire-Atlantique)
Pour l'instant la cagnotte, ouverte depuis une semaine, a déjà récolté 700 euros ce qui est prometteur d'après les bénévoles.
Une situation isolée ?
La Loire-Atlantique est la championne de France du nombre de cinémas associatifs par département, avec 36 salles répertoriées sur son territoire.
SCALA, l'association des Salles de Cinema Associatives de Loire-Atlantique annonce se porter plutôt bien avec la naissance d'un nouveau venu (le cinéma de Pornichet) qui a ouvert en 2023.
Cela dit, le président de SCALA , Emmanuel Gibouleau le directeur du Cinématographe à Nantes précise que le cas du cinéma de Blain n'est pas isolé.
"Non, puisqu'on a eu des problèmes aussi au cinéma le Gen'Héric situé sur la commune de Héric" explique-t-il.
"Ça a l'air de s'être arrangé même si ça n'a pas été simple. C'était lié à l'augmentation de la facture d'énergie" précise le président de SCALA.
"Ça pose des problèmes partout évidemment, mais c'est plus ou moins bien encaissé en fonction des trésoreries de chacun. Ou comment chaque cinéma est soutenu ou pas par sa commune ou par sa collectivité".
On est 36 salles associatives pour 36 cas particuliers.
Emmanuel Gibouleauresponsable réseau SCALA
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Pas d'argent, mais des idées
Malgré le couperet financier, les bénévoles continuent de fourmiller de projets.
Ainsi, pour fêter Halloween, le Saint-Laurent propose le jeudi 31 octobre une animation marathon avec 5 films projetés de 15h à minuit.
Une fête d'Halloween pour tous publics où les films sont gradués au fur et à mesure pour un public de plus en plus averti.
Cela commence à 15h avec "Wallace et Gromit et le lapin garou" pour les enfants pour finir à minuit avec "Terrifier 3" le dernier opus d'une saga horrifique interdite au moins de 18 ans.
Le jeudi 7 novembre, le cinéma de Blain accueille aussi une programmation originale : un ciné-concert de la dernière tournée de la chanteuse Mylène Farmer, "NBeverrmore".
"On est un des seules salles du nord-ouest de la France à l'avoir en cinéma de proximité" assure Romain Marzellière.
En attendant de connaître l'épilogue du film, les bénévoles du cinéma de Blain mettent toutes leurs ressources pour écrire une fin de scénario heureuse.
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