Parce qu'elle doit la vie à une médecin généraliste, Thérèse Fournier, aka Thérèse, a une perception accrue du formidable travail effectué par le personnel médical et soignant face au coronavirus. Elle vient de diffuser sur les réseaux sociaux une chanson qui lui est dédié...
Des paroles qui font mouche, qui chatouillent, qui égratignent et qui dérangent parfois, Thérèse s'est fait un prénom sur la scène ligérienne et plus largement française il y a une dizaine d'années avant de tomber malade.
Sept ans d'incertitudes et de craintes face à un état de santé précaire. "Ça a débuté en 2011...", nous racontait-elle il y a quelques temps, "sous la forme de divers symptômes, des fausses couches, des dépressions, une anxiété à un niveau démesuré".
Une maladie rare non identifiée, jusqu'au jour où une médecin des Sables d'Olonne pose un diagnostic : la maladie de Cushing. Soignée au CHU de Nantes, Thérèse fait son retour à la vie et à la musique en 2019, un retour à la scène est prévu pour cette année 2020.
En attendant, l'artiste vient de publier sur son compte Facebook une chanson dédiée aux héros du quotidien, cette "femme battue qui se bat pour fuir, survivre, trouver un toit, la personne handicapée qui touche que 900 balles par mois, le manchot amputé qui sait encore tendre la main et cet homme en fauteuil qui se lève tous les matins... Rien ne sert de courir, il faut lever le poing, devenir héros du quotidien, rien ne sert de partir, il faut rester pour aller plus loin, se secourir et prendre soin de nos héros du quotidien pour ensemble être libres, il faut rester pour aller plus loin..."
Et parmi ces héros du quotidien, Thérèse pense bien évidemment au personnel soignant : "Alors moi je suis confiné, je préfère rester chez moi plutôt que risquer la vie de qui que ce soit, on en a encore besoin, de nos héros du quotidien".Une chanson... et un prix ! Thérèse s'et vue décerner le 1er Prix du Comité du coeur de la Sacem, un prix destiné à aider les artistes de grand talent ayant traversé des épreuves. interview...
Tout d'abord, comment vas-tu ?
Thérèse. Ça va, autant que ça puisse aller dans ces conditions particulières et inédites. Je profite de cette période de confinement, seule, pour prendre le temps, créer… Je ne suis pas en train de risquer ma vie en allant travailler, ni de risquer mon métier en restant confinée. Je ne peux pas me plaindre, je m’inquiète simplement pour les personnes qui souffrent, même que je ne connais pas.
Tu as été gravement malade pendant des années, sans qu'on sache vraiment de quoi avant qu'on te diagnostique finalement la maladie de Cushing et qu'on te soigne en conséquence. Que gardes-tu aujourd'hui de toutes ces années si difficiles ?
Thérèse. On m’a diagnostiquée il y a un peu plus d’un an, une tumeur à l’hypophyse, après 8 ans d’erreurs qui m’ont menées jusqu’en psychiatrie. De ces années de souffrances, je garde aujourd’hui une force qui m’aide à relativiser et à garder les pieds sur terre. Et je savoure la joie de chaque instant de vie retrouvée. Bien sûr que dans les résurgences traumatiques, il y a un sentiment de gâchis et d’incomplétude. Mais je garde mon énergie pour continuer à préserver l’essentiel qui m’a tenu en survie jusqu’à ma guérison : ce que personne ne peut nous prendre et ce que chacun de nous va pouvoir explorer pendant cette période de confinement.
Tu as été sauvée par une médecin généraliste des Sables d'Olonne qui posera un diagnostic et un spécialiste du CHU de Nantes qui fera le reste. De quoi se sentir redevable envers le personnel soignant j’imagine ?
Thérèse. Oui ! Je m’inquiète pour eux en ce moment, et pour toutes les équipes soignantes. Mes parents m’ont donné la vie et se sont occupés de moi. Je leur en suis reconnaissante. Ces médecins m’ont rendu ma vie, celle que j’avais construite et que j’aimais. On ne peut pas faire mieux pour quelqu’un. Je ne peux que continuer à les remercier, en rendant ma vie la plus belle et la plus utile possible, en étant vraie. C’est une relation de l’ordre du sacré. Aujourd’hui, pour les aider, je reste bien confinée.
Thérèse. « Héro du quotidien », c’est une chanson inédite de mon spectacle de retour sur scène qui se jouera le 27 octobre 2020 à la salle Paul Fort à Nantes. Pour savoir qui sont ces héros, il faut écouter la chanson ! J’ai écrit « Héro du quotidien » il y a quelques mois, et comme ma chanson « Ça pourrait être pire » écrite il y a 10 ans, elle a une tendance prémonitoire. Où c’est peut-être qu’elle sera toujours encrée dans l’actualité de notre société. Je l’ai diffusée aujourd’hui parce qu’elle parle de la réalité que nous vivons en ce moment.
Comment vis-tu cette période incertaine de pandémie ?
Thérèse. Je garde un esprit optimiste. C’est une crise, mais je pense qu’on en sortira plus forts, avec une vision des choses différente. J’essaye de voir le positif sans sous-estimer la gravité de la situation.
N'est-ce pas d'autant plus difficile pour une personne qui a fait un récent retour à la vie après 7 années d'enfer ?
Thérèse. Ah ah… Cette situation de confinement n’a rien à voir avec l’enfer que j’ai vécu ! Je suis chez moi, en bonne santé physique et mentale et même si je suis seule, je suis moins isolée affectivement que pendant ma maladie. J’ai eu peur au début de la semaine dernière que la privation de liberté me rappelle les enfermements à l’hôpital psychiatrique, mais ce n’est pas comparable. Aujourd’hui, c’est mon choix, en plus des recommandations, de rester chez moi pour aider les soignants. Ça change tout ! Le retour à la vie est aussi intérieur et je continue de le savourer, même seule.
Et comment vis-tu le confinement ? Que fais-tu pour occuper tes journées ?
Thérèse. J’ai pris mon mal en patience, maintenant je prends mon bien en urgence. Au gré de mes envies, je travaille mon spectacle qui sort à l’automne, j’écris, je joue, je chante. Et bien sûr je communique en visio avec ma famille et mes proches. Je continue à prendre soin de moi pour me remettre le mieux possible en pratiquant du sport doux à la maison, de la sophrologie, en prenant le soleil sur ma terrasse et en cuisinant sainement. Ça pourrait être pire, non ? En tout cas, la vie ne s’arrête pas, même si une partie du monde ne tourne plus.
Tu viens tout jute de recevoir le premier prix du comité du cœur de la Sacem. Une belle reconnaissance ?
Thérèse. Claude Lemesle m’a appelé hier matin pour m’annoncer que je recevais le premier prix du Comité du cœur. Je ne m’y attendais pas du tout. La cérémonie, qui devait avoir lieu en avril, est décalée au mois de septembre. C’est une reconnaissance en tant qu’auteure et pour le parcours que j’ai vécu, qui me touche infiniment. La liste comptait des artistes de renom, auteurs et compositeurs. Je remercie sincèrement le Comité du cœur, la Sacem et Claude Lemesle. C’est un soutien inestimable pour retrouver la confiance nécessaire à la reprise de mon métier.
Tu as écrit un livre sur ton expérience, Poisson lune, tu interviens à droite et à gauche pour en parler. Et côté musique, tu en es où ? Quels sont tes projets à moyen terme ?
Thérèse. Le livre Poisson lune est un témoignage de mon parcours d’errance diagnostique. Je l’ai écrit pour que personne ne vive ce que j’ai vécu, pour que les médecins connaissent cette maladie rare. Il s’est vendu en quelques mois à plus de mille exemplaires. Je suis soutenue par l’association Surrénales. Poisson lune circule beaucoup auprès du personnel soignant et a déjà permis de faire connaitre la maladie à des médecins qui ont pu diagnostiquer des patients. Je ne suis pas un cas isolé car cette maladie compte en moyenne 5 ans d’errance de diagnostic. J’essaye de me rendre utile en faisant ce que je sais à peu près faire : écrire. Savoir que ça aide des personnes me rend heureuse et donne un sens à mon parcours. Poisson lune a été réédité très récemment par l’Editeur Vent des lettres. Pour le trouver, c’est ici !
Côté musique, j’ai hâte de reprendre mon métier sur scène. Je serai en concert à la Salle Paul Fort à Nantes le 27 octobre 2020 pour un nouveau spectacle guitare / voix. J’ai beaucoup de nouvelles chansons. On travaille avec l’équipe qui m’entourait déjà avant la maladie. Je suis très soutenue par le milieu pro, ce qui me permet de reprendre dans de bonnes conditions. Je prépare aussi un EP 6 titres pour l’automne. À suivre sur mon site.
Quelle est la première chose que tu feras à la fin du confinement?
Thérèse. Retrouver ceux que j’aime. La réponse est basique mais je n’ai pas d’autres projets que ce qui touche à l’essentiel.
Propos recueillis le 23 mars 2020
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