Gérald Darmanin l'a annoncé ce mardi 4 octobre, il souhaite la création d'un Centre de rétention administrative (CRA) pour les réfugiés en Loire-Atlantique. Aucune information sur le lieu ou une date d'ouverture. Certains élus, syndicats et associations dénoncent la position du ministre de l'Intérieur qui "crée de fait un lien direct entre immigration et criminalité".
Reléguée en fin de communiqué, l'annonce aurait presque pu passer inaperçue. Gérald Darmanin y indique "la création prochaine d'un centre de rétention administrative pour réfugiés en Loire-Atlantique". Où ? Á quelle date ? Aucune information supplémentaire.
A gauche, les réactions politiques n'ont pas tardé. À commencer par les élus verts de la majorité de Johanna Rolland, cosignataire du communiqué du ministère de l'Intérieur. Interrogée sur la question, la maire de Nantes est restée évasive, presque gênée aux entournures.
Je n'ai pas d'informations
Johanna RollandMaire de Nantes
"A ma connaissance c'est un projet qui existe dans les services de l'Etat depuis de nombreuses années. J'ai entendu plusieurs préfets successifs m'en parler. Le ministre de l'Intérieur à confirmé ce projet". Sa position ? "Moi je ne vais pas commenter ce sujet très débattu. Je peux simplement vous dire que Gérald Darmanin a confirmé pour le département un projet qui préexistait. A Nantes ? "Je n'ai pas d'information". On n'en saura pas plus.
Les écologistes de la majorité eux ont été bien plus bavards.
"Une honte pour notre pays"
Les centres de rétention administrative sont une honte pour notre pays et une injure à nos valeurs
Marie Vitoux Groupe écologiste et citoyen
"Nous ne cautionnerons pas cet enfermement qui détruit les vies de personnes venues chercher une protection et des conditions de vie dignes sur notre territoire" a déclaré Marie Vitoux, coprésidente du Groupe écologiste et citoyen.
A Gauche même son de cloche, les députés NUPES de Loire-Atlantique sont vent debout.
Les CRA sont des lieux indignes de notre humanité, nous devons les fermer pas en créer de nouveaux
Andy Kerbrat, député NUPES de la 2e circonscription de Loire-Atlantique
"Face à la récupération politicienne des drames humains, il faut remettre de la raison dans les questions de sécurité pour mettre en oeuvre des solutions concrètes et efficaces afin d'en finir avec la violence et les crimes", rappellent les députés Nupes dans un communiqué commun.
"Il nous faut davantage de moyens humains, financiers et recruter des enquêteurs de la police judiciaire au lieu de la détruire comme le prévoit Gérald Darmanin", ajoutent les députés.
"Nous demandons aussi des magistrats, seuls compétents pour faire tomber les têtes de réseau de trafic de drogues et d'armes", ajoutent-ils.
C'est aux causes de la violence qu'il faut s'attaquer si on veut la faire reculer réellement et durablement
Les députés NUPES de Loire-Atlantique
Pour le groupe Union démocratique Bretonne ville de Nantes, il est "inacceptable de faire l'amalgame entre insécurité et immigration".
Je condamne cette nouvelle dérive honteuse et indigne d'un gouvernement qui se trompe une nouvelle fois de cible
Aurélien BouléGroupe UDB ville de Nantes
"C'est grâce à des services publics de justice et de proximité que nous pourrons répondre aux besoins de sécurité physiques et matériels", ajoute-t-il.
Pour la France Insoumise 44 : "les centres de rétention, décriés par l’ensemble des associations de terrain, sont des prisons qui cachent leur nom. Ils n’apportent en aucun cas des réponses aux violences urbaines ni à l’accueil des réfugié.es."
En quatre ans de politique sécuritaire, la France a doublé les places en CRA, ce qui n’a en rien réglé des durées de détention extrêmement longues, la vétusté des locaux, l’absence de nourriture et même d’eau
France Insoumise 44
Un rapport publié par la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté en juin 2022 indique l’inhumanité de ces CRA où même les mesures d’hygiène basiques ne sont pas respectées, ajoute la France Insoumise.
Pour la Cimade, une des rares associations a être autorisée à pénétrer dans les centres de rétention administrative pour réfugiés, l'annonce a résonné comme un coup de tonnerre. Elle dénonce "une situation catastrophique" dans les CRA en activité sur le territoire français.
DE son côté le Syndicat National de la Magistrature dit "non à l'amalgame entre personnes étrangères et délinquance."
Cela continue de véhiculer préjugés et racisme, fragilisant davantage le vivre ensemble, condition pourtant d'une véritable société sûre
Syndicat National de la Magistrature
"Les CRA sont des lieux indignes de notre République qui nous affaiblissent car ils constituent indiscutablement des espaces engendrant une perte de nos valeurs d'accueil et de solidarité", ajoute le syndicat.
"La création d'un CRA n'a nullement pour objet ni pour effet de réduire le taux de délinquance dans une ville. La volonté de lutte contre les violences mérite mieux et ne peut se réduire à une criminalisation de l'étranger dans un contexte de discours réactionnaire portés par l'extrême droite", souligne le SNM.
L'État français a été condamné à de trop nombreuses reprises par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, en raison de traitements inhumains et dégradants prohibés par l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Syndicat National de la Magistrature
Comment fonctionnent les CRA ?
Selon le site officiel de l'administration française, "la rétention administrative permet de maintenir dans un lieu fermé (centre de rétention administrative) un étranger qui fait l'objet d'une décision d'éloignement, dans l'attente de son renvoi forcé".
La rétention est décidée par l'administration. Elle peut être prolongée par le juge quand le départ immédiat de l'étranger est impossible. Elle est limitée à 90 jours (sauf en cas d'activités terroristes). L'étranger retenu dispose de certains droits et peut recevoir l'aide d'associations.
Les CRA sont encadrés et gardés par des policiers.
La décision initiale de placement en rétention est prise par le préfet. Elle prend en compte l' état de vulnérabilité et tout handicap. Sa durée est de 48 heures.
Elle a lieu après interpellation par la police (éventuellement à la suite d'une mesure de retenue pour vérification du droit au séjour).
"Il s'agit d'une décision écrite et argumentée. Elle doit être notifiée : Formalité par laquelle un acte de procédure ou une décision est porté à la connaissance d’une personne", précise l'administration française.
Le centre de rétention doit disposer d'un téléphone en libre accès pour 50 étrangers retenus.
Un téléphone portable personnel pouvant prendre des photos est interdit.
Des agents de l' Ofii, Office français de l'immigration et de l'intégration sont présents sur place pour apporter des informations aux personnes placées. Ils peuvent aussi demander l'évaluation de l'état de vulnérabilité des réfugiés auprès de l'unité médicale du centre de rétention.
Certaines associations assurent des permanences juridiques dans les lieux de rétention. Elles sont là pour aider les étrangers durant la procédure d'éloignement. Et toutes dénoncent ces dernières années "des conditions de détention inhumaines".
La Cour européenne des droits de l'Homme avait condamné en juillet 2021 la France pour avoir placé en rétention pendant 11 jours une jeune Malienne et sa fille de quatre mois. Depuis 2012, c'est la septième condamnation de la France par cette cour pour rétention d'enfants.
La mesure a été jugée "excessive". La CEDH a estimé que Paris avait violé les articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), 5.1 (droit à la liberté et à la sûreté) et 5.4 (droit à faire statuer à bref délai sur la légalité de la détention) de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Dans l'Ouest, il n'existe qu'un CRA à Rennes. Un établissement qui peut accueillir jusqu'à 56 étrangers en situation irrégulière.