Jeannot, une bande dessinée de la Nantaise Carole Maurel et Loïc Clément sur le deuil d'un enfant

Perdre un enfant n'est pas dans l'ordre naturel des choses. C'est un drame sans nom pour les parents. Avec Jeannot, album paru aux éditions Delcourt, Carole Maurel et Loïc Clément abordent ce sujet délicat avec infiniment de finesse aussi bien dans le texte que dans le trait...

Parler de la mort n'est pas chose facile, parler de la mort d'un enfant encore moins, et en parler à des enfants peut relever du défi. Carole Maurel et Loïc Clément l'ont relevé avec succès. Jeannot est un bijou de sensibilité, d'humanité, de tendresse et de poésie, un ouvrage qui s'adresse à la jeunesse mais pas seulement nous explique la dessinatrice Carole Maurel.  

"Il y a une certaine habilité côté scénario qui fait que l'album s'adresse aussi aux adultes même s'il est clairement ciblé enfant. Il y a deux portes d'accès possibles, deux niveaux de lecture qui sont intéressants. Par exemple, quand Jeannot communique avec les plantes, nous, adultes, pourrions le penser atteint de quelques troubles cognitifs. Les enfants, eux, y verront un pouvoir surnaturel, un super-pouvoir, même s'il s'avère être une malédiction pour Jeannot"

Jeannot, c'est le personnage central du récit. Et depuis des années, oui, Jeannot communique avec les plantes. Depuis la mort de sa fille en fait. Il avait alors 40 ans, une vie heureuse, une famille, et puis l'accident, le drame qui dynamite tout sur son passage. Scénario classique, Jeannot et sa femme se referment sur eux-mêmes, finissent par se séparer, Jeannot se retrouve seul avec sa peine, ses douleurs, ses souvenirs. Alors, il range, il trie, ordonne, classe, aligne, et commence à entendre parler les arbres.

On peut le comprendre. Comment surmonter un tel malheur ? Comment continuer à vivre ? Qu'attendre même de la vie ? Autant de questions que s'est posé Jeannot.

Avec des mots choisis et une narration accessible, Loïc Clément et Carole Maurel mettent en scène l'inexprimable, ce à quoi on espère ne jamais être confrontés.

"Lorsqu'un enfant perd ses parents, on parle d'orphelin, lorsqu'un homme perd sa femme, on parle de veuf. Mais lorsqu'un père se voit privé de son enfant, il n'existe pas de mot. Aucun qualificatif ne peut rendre la mesure de ce qu'un tel drame représente".

"Cette planche, c'est une suggestion de Loïc, elle s'éloigne de la narration plus classique de l'ensemble sans pour autant basculer dans l'abstraction".  

N'imaginez pas pour autant ce récit triste à en pleurer toutes les larmes de votre corps. Jeannot est parfois drôle et souvent léger.

C'est un récit qui appelle à la résilience...

"C'est un récit qui appelle à la résilience, on ne reste pas figé sur le drame. Graphiquement aussi, j'ai voulu être fidèle à la volonté du scénariste, en amenant un peu de couleurs à une thématique qui est relativement sombre".

Au-delà du drame, l'album raconte aussi une très belle histoire d'amour entre deux personnes âgées, Jeannot et Josette. Une rencontre un peu houleuse mais les deux finissent par s'apprivoiser.

"Cette histoire d'amour entre deux personnes âgées m'a réellement séduite. Ce n'est pas très courant dans la BD, dans la fiction d'une façon générale, même si on voit de plus en plus de personnes agées depuis Les Vieux fourneaux. Je trouvais qu'il y avait là quelque chose d'original dans l'approche des personnages. On est dans l'affect, dans l'émotion".

Une belle histoire d'amour et des personnages de caractère. "Pour le personnage de Jeannot, Loïc a eu une approche assez psychologique, Jeannot est un personnage complexe en fait. Une thématique difficile, des personnages complexes... et malgré tout un accès qui est facile. C'est un tour de force intéressant de la part du scénariste. Pour ma part, le rapport aux personnages est très important". 

Grande admiratrice de Cyril Pedrosa, Thomas Campi, Jorge González ou encore Fabrice Neaud, Carole Maurel a développé un style semi-réaliste de caractère. elle a entièrement réalisé Jeannot en numérique en y ajoutant sa petite cuisine comme elle aime dire. "J'aime bien texturer un peu, histoire d'avoir un effet moins lisse, moins figé. J'aime le rendu traditionnel en fait, ça donne un petit côté vivant, vibrant, à mon dessin", un dessin qu'elle juge fluctuant : "j'essaie de l'adapter au récit, sans forcément trahir ce que j'aime faire".

Depuis le déconfinement, Carole n'a pas eu le temps de souffler. Outre la sortie de cet album décalé d'avril à juin pour cause de pandémie, la jeune autrice travaille sur de nouveaux projets dont un spin-off de Jeannot qui lui permettra de retrouver les personnages de Loïc Clément.

"J'ai aussi un album aujourd'hui achevé qui devait sortir en fin d'année chez Glénat mais il a été reculé à 2021, un biopic sur Nellie Bly, une journaliste du 19e siècle qui pour pouvoir enquêter dans un hôpital psychiatrique s'était fait passer pour folle".

Propos recueillis par Eric Guillaud le 10 juin 2020. Retrouvez l'actualité du neuvième art sur notre blog dédié BD ici-même

Les Contes des coeurs perdus, Jeannot, de Carole Maurel et Loïc Clément. Delcourt. 10,95€

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