Devenu tétraplégique après un accident de la route à 16 ans, Jordan Ducret a fait de la pratique du rugby fauteuil le chemin de sa résilience. Il est sélectionné dans l'équipe de France pour les JO Paris 2024. Déjà champion d'Europe avec l'équipe de France en 2022, le joueur de Carquefou rêve d'une médaille.
Cinq années se sont écoulées entre ses débuts avec le club de Carquefou en 2012 et sa première sélection en équipe de France. Atteint par la covid lors des Jeux Paralympiques de Tokyo en 2021, il avait dû rapidement quitter la compétition. À 28 ans, il aborde les JO Paris 2024 avec un petit esprit de revanche et ne se ménage pas lors de sa préparation sportive.
"On fait mal à son corps, mais on fait en sorte d'en prendre soin par le corps médical qui nous suit", réagit le sportif après une intense séance de musculation au CREPS de La Chapelle-sur-Erdre.
"Il est quand même superpuissant, c'est vraiment un avantage qu'il doit garder et sur lequel on travaille beaucoup. La puissance, la force qu'il a, grâce à sa hargne et sa ténacité", souligne Louis Boucherit, préparateur physique.
"Je suis un accro au sport, donc la prépa physique, c'est toujours un kif quand je viens en faire. Il y a plein de choses, depuis que je refais du sport à fond, que je fais beaucoup plus facilement aujourd'hui, voire que je ne faisais pas du tout avant. Soulever des charges, soulever mes nièces pour qu'elles viennent sur mes genoux, des trucs du quotidien, qui font plaisir de pouvoir les faire."
"Je suis devenu autonome le jour où je me suis mis au sport."
Au volant de sa voiture, le sportif de 28 ans revendique son autonomie, quasi à 100%. "Le jour où je me suis mis au sport, j'ai rencontré des gars qui avaient moins de fonctions que moi, qui étaient capables de faire 10 fois plus de trucs que moi. Quand je suis arrivé au sport, je ne savais pas m'habiller tout seul, après un an et demi de rééducation", raconte-t-il.
"Faire du sport quand on se fait rééduquer, ça devrait être obligatoire" ajoute-t'il, pour reprendre du muscle, du tonus et être autonome dans les gestes du quotidien.
En rugby fauteuil, la répartition des postes attaque-défense dans l'équipe tient compte de la classification des handicaps et capacités des uns et des autres. Un point est marqué chaque fois que la ligne dite d'essai adverse est franchie.
Jordan Ducret est défenseur : il lui revient la mission de bloquer les attaques adverses. "Ce qui fait que j'y arrive, c'est que c'est un sport déjà qui est fait pour les tétraplégiques, donc pour l'inclusion, c'est beaucoup plus simple."
J'ai réussi à transformer mon handicap en chance, et non pas en malchance.
Jordan DucretJoueur de l'équipe de France de rugby fauteuil
"Une chance", un terme particulièrement fort pour parler de son handicap, mais qu'il revendique : "c'est comme ça qu'on avance. Il faut transformer les mauvaises expériences en opportunités. Il n'y a pas d'échecs, il n'y a que des leçons. Ce n'est pas un échec, un accident, mais c'était une grosse leçon et ça m'a permis d'évoluer."
Jordan Ducret ne se définit pas comme un militant des droits des personnes handicapées. "Je préfère m'adapter et vivre au jour le jour. S'adapter au regard des gens, c'est plus comprendre le regard des autres, et arrêter de se dire que les autres nous regardent avec pitié, ou avec méchanceté ou jugement."
Il est tout aussi circonspect sur l'impact des jeux paralympiques dans la société. "Ça peut faire évoluer les choses, mais je ne sais pas si ça va être que du bénéfique. Les gens n'arrêtent pas de dire que les personnes handicapées qui font du sport ont plus de mérite qu'une personne valide qui fait du sport. Je ne suis pas du tout d'accord avec ça, donc je n'ai pas envie que ça évolue dans ce sens-là."
On est des sportifs de haut niveau, au même niveau que les valides, donc on ne mérite pas plus qu'eux, on fait la même chose qu'eux, sauf qu'on est handicapé.
Jordan DucretJoueur de l'équipe de France de rugby fauteuil
Il se projette déjà dans l'après JO Paris 2024, les jeux de 2028 et 2032. "Dans mon sport, j'ai plein d'objectifs. J'ai envie d'être le meilleur joueur du monde dans ma classification, j'ai envie de devenir capitaine de l'équipe de France. Et à long terme, pourquoi pas coacher des équipes internationales aussi, ça pourrait être intéressant."
► Le reportage de David Jouillat, Maxime Jaglin et Mariano Zadunaisky
Pour sa première rencontre, l'équipe de France jouera contre le Danemark le 29 août, à l'Arena Champ de Mars.