Les travaux de rénovation et de modernisation du barrage de Vioreau à Joué-sur-Erdre, près de Nantes, impliquent la vidange du lac et la fermeture à la navigation du canal de Nantes à Brest jusqu'à l'été 2024. Le point sur les différentes étapes d'un chantier de grande ampleur.
Le barrage de Vioreau situé à Joué-sur-Erdre, en Loire-Atlantique à 50 km au nord de Nantes subit sa troisième vidange en près de 50 ans. Le lac a déjà été vidangé après-guerre en 1949, puis en 2003 et désormais en cette fin d'année 2022.
L'ouvrage est vieillissant et il s'agit de le renforcer pour éviter une catastrophe en cas de grandes crues. Le lac est donc en cours de vidange depuis fin novembre. Le canal de Nantes à Brest sera lui aussi impacté. Le chantier, à hauteur de 16,5 millions d'euros est financé à 100% par le département de Loire-Atlantique. Il est censé notamment optimiser l'alimentation en eau du canal.
Modernisation urgente
C’est le plus haut barrage de Loire-Atlantique. Le barrage de Vioreau mesure 9 mètres de haut. Il a été conçu au début du 19ème siècle, en 1835 pour alimenter le canal de Nantes à Brest.
Une nature riche et foisonnante s'est développée autour de du lac-réservoir d'eau douce qu'il retient. Un site désormais classé Natura 2000 et qui impose certaines règles de respect et de préservation de la faune et de la flore alentours.
Abîmé par les années, fissuré par certains endroits, sa rénovation est urgente.
Une fois le lac complètement vidé, le barrage sera rehaussé puis consolidé par plusieurs autres contres-forts. Sa paroi sera rendue entièrement étanche et le fonctionnement de ses vannes entièrement automatisé.
"Aujourd'hui, en cas de problème d'étanchéité, on doit envoyer les équipes 24h/24, de jour comme de nuit. Qu'il pleuve ou pas il faut venir sur place pour voir ce qui se passe. Désormais, on pourra le voir à distance. On aura également un pilotage beaucoup plus fin de l'hydraulique, entièrement automatisé, qui permettra d' économiser de l'eau en alimentation du canal", explique Stéphane Faivre
Directeur des infrastructures en charge des travaux Conseil départemental de Loire-Atlantique
Pêche de sauvegarde
Le lac est vidangé pour la troisième fois, et à chaque fois, des pêches de sauvegarde sont programmées en collaboration avec la fédération de la pêche de Loire-Atlantique. C'est l’occasion de faire un état des lieux des poissons. Des carnassiers en grande majorité: anguilles, sandres, perches, brochets et des espèces plus nocives comme le poisson-chat. Entre 30 et 40 tonnes de poissons sur 5 pêches.
Les poissons sont emmenés puis déversés dans l'étang du petit Vioreau au nord ouest du lac. Ils seront remis à l’eau dans un an. Impossible de pêcher d’ici là. Mais c'est pour la bonne cause comme le précise Vincent Mouren, le Directeur de la fédération de la pêche de Loire-Atlantique: "Même s'il y a un peu de frustration, ça va nous permettre de retrouver un lac avec un niveau optimum et une population piscicole qui va être boostée par la nouvelle gestion du lac et du barrage".
Lutte contre les cyanobactéries
L’objectif de la vidange c’est aussi améliorer la qualité de l’eau et limiter les cyanobactéries, ces algues toxiques qui prolifèrent dans la vase l’été interdisant pêche, baignade, et activités nautiques…
Le curage envisagé par le département ne concerne qu’une faible superficie du lac, celle qui est la plus chargée en phosphore, un acteur d’apparition des cyanobactéries.
Une stratégie de lutte contre les cyanobactéries qui ne satisfait pas l’association environnementale locale, "Regards sur Vioreau" dont Jean-Marc Pittard est président. Il a étudié le dossier sous toutes coutures, participé à toutes les réunions publiques. Pour ce riverain du lac, c’est l’incompréhension. Nous l'avons rencontré devant chez lui sur une rive assec du lac, où il risque de s'enfoncer à cause de la présence de vase.
"On nous avait expliqué que ce n'était pas nécessaire de curer en totalité le fond du lac car il n'y avait pas de vase dans ce secteur Ouest. Or je vois un couple de cygnes qui se débat aussi dans la vase".
"Le département et la préfecture nous expliquent qu'ils ne peuvent pas curer d'autres zones en raison d'une espèce protégée, le coléanthe délicat. On le comprend très bien sauf qu'on a là un vrai problème de santé publique à cause de la cyanobactérie, s'inquiète Jean-Marc Pittard.
Quand ils vont remettre en eau le lac, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la cyanobactérie va repartir de plus belle"
Jean-Marc PittardPrésident de l'association "Regards sur Vioreau"
Pour le département, unique financeur, un curage total du lac coûterait trop cher. Interrogé à ce sujet, Jean-Luc Séchet, vice-président en charge de l' agriculture, de la mer, du littoral, des voies navigables et des ports Conseil départemental de Loire-Atlantique s'en explique: " Rien que curer la partie concentrée en phosphore du lac soit 7 hectares sur 180 hectares nous coûte 1 million d'euro. Il y a de plus des espèces protégées tout autour du lac qui nous empêche de pénétrer n'importe où sur le lac."
Il y a une nécessité réglementaire d'épandage de ces boues, garanties sans danger pour les terres agricoles, malgré la cyanobactérie. Il faut une surface conséquente déjà pour épandre ces boues durant deux à trois années, donc si on avait curé la surface totale du lac, nous n'aurions pas eu assez de terrains pour épandre ces boues."
Jean-Luc SéchetVice-président en charge de l' agriculture, de la mer, du littoral, des voies navigables et des ports Conseil départemental de Loire-Atlantique
Malgré ce différend, Jean-Luc Séchet et Jean-Marc Pittard sont au moins d'accord sur un point. Pour lutter contre les cyanobactéries, il faut en éliminer toutes les causes. Et les intrants en provenance de terrains agricoles en amont du lac en font partie. D'après le département, des solutions pour les limiter sont à l'étude.
Le coût global des travaux financé par le département est de 16,5 millions d’euros:15 millions d'euros pour le chantier et 1,5 millions d'euros pour les études préalables.
Le remplissage du lac est prévu dans 2 ans. Si les pluies hivernales sont favorables, la navigation pourra reprendre sur le canal de Nantes à Brest à l’été 2024.
Site Classé Natura 2000
Une fois le réservoir vidé mi-décembre et le lac en assec, il sera formellement interdit de circuler sur le plan d’eau afin de préserver l’environnement. Le département appelle à la prudence et au respect de certaines consignes.
· Rester sur le chemin matérialisé : le sol est mouvant et rend les parcours glissants
· Interdiction de ramasser les plantes et les cailloux sur les berges du lac
· Obligation de stationner les véhicules sur les parkings officiels existants
· Interdiction de stationner et de circuler sur les berges
Le site sera fermé au public en fin d’année 2022 et durant toute la durée du chantier.