Les jeunes et l'alcool, "on observe un début de changement", malgré une consommation toujours dans le rouge en Pays de la Loire

Envie d'expérimenter, usage régulier ou API, Alcoolisation Ponctuelle Importante, également appelé Binge Drinking, une étude montre que chez les jeunes de 17 ans des Pays de la Loire tous les indicateurs sont au-dessus de la moyenne nationale en matière de consommation d’alcool. Les habitudes ont cependant tendance à changer.

Selon une étude de Santé Publique France datant de janvier 2020, avant l'épidémie de covid, nous avions en Pays de la Loire la consommation d’alcool la plus défavorable de France chez les ados de 17 ans. 92 % ayant déjà expérimenté l'alcool, 12 % en faisant un usage régulier, 22 % connaissant des alcoolisations ponctuelles importantes répétées (plus de deux par mois).

"La région enregistre une prévalence de consommateurs hebdomadaires particulièrement élevée parmi ses jeunes adultes (18-30 ans) : 41 % contre < 36 % partout ailleurs en France métropolitaine", soulignait alors Santé Publique France.

Entre 2020 et 2021, en métropole, la proportion d’adultes déclarant une consommation d’alcool se situant au-dessus des repères de consommation à moindre risque a significativement diminué (de 23,7 % à 22 %), selon des chiffres publiés par Santé Publique France en juin 2023.

"Cette baisse s’observe principalement parmi les hommes, les plus jeunes, les plus âgés et les personnes aux revenus les plus élevés".

Une baisse jugée encourageante par l'observatoire, car la proportion de consommateurs dépassant ces repères n'avait pas reculé entre 2017 et 2020.

D'autant que "le contexte de crise sanitaire et sociale liée à la Covid-19 s'est prolongé en 2021" et "aurait pu laisser présager une évolution de la consommation d'alcool à la hausse".

Mais la pandémie "pourrait avoir réduit les occasions festives" des plus jeunes et incité les consommateurs les plus âgés à "limiter les moments conviviaux propices à la consommation pour prévenir d'éventuelles contaminations à la Covid-19", selon Santé publique France.

La doctorante nantaise Anaïs Hachet rédige actuellement une thèse sur la socialisation des jeunes par l'alcool. Elle nous explique ces changements.

Est-ce que vous observez des évolutions notables, dans le rapport des jeunes générations à l'alcool ?

On observe un début de changement, à voir s'il se confirme dans le temps. Globalement, les plus jeunes continuent d'avoir un rapport particulier avec l'alcool. Ils consomment toujours de manière festive, ce n'est pas une consommation quotidienne, régulière, comme peuvent l'avoir des personnes plus âgées.

Il y a toujours cette recherche d'ivresse chez les plus jeunes. Tout le monde l'observe, que ce soit Santé Publique France ou l'OFDT (Observatoire français des drogues et des tendances addictives, NDLR), ça ne change pas.

En revanche, ce que j'ai pu voir dans mes travaux, c'est que la nouvelle génération qui arrive est peut-être moins intéressée par ces questions d'ivresse, parce qu'elle est en recherche d'un contrôle de soi, de son apparence, de l'image qu'elle renvoie d'elle-même. Il y a plus de contrôle de son hygiène de vie, sportive ou alimentaire.

La place consacrée aux études est aussi plus importante pour certains, donc tout ça fait qu'effectivement la consommation d'alcool recule un peu, notamment la consommation à haute fréquence, l'enivrement tous les week-ends, on a l'impression que c'est quelque chose qui diminue.

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Entretien avec la doctorante nantaise Anaïs Hachet, sur les jeunes et l'alcool ©France Télévisions

Pour le dire de manière directe : se "mettre une cuite" le week-end, ce n'est plus si "cool" que ça pour la génération qui arrive ?

C'est vrai qu'il y en a beaucoup qui trouvent que ce n'est pas cool du tout d'être ivre. Il y a une baisse de cette pression sociale. Il n'y a aucun souci si on ne consomme pas d'alcool, alors qu'avant ça pouvait être un peu stigmatisant. 

Par exemple, les nouvelles générations ne diffusent absolument pas les images de leurs soirées sur les réseaux sociaux, contrairement à ce qu'on pouvait voir il y a une dizaine d'années. Ils ne veulent pas se montrer dans un état comme ça. Et encore une fois, c'est parce qu'on veut aussi contrôler ce qu'on montre de soi.

Il y a une baisse de cette pression sociale vis-à-vis de l'alcool

Anaïs Hachet

Est-ce le signe que les messages de prévention portent leur fruit ? 

Effectivement, on peut imaginer que ces campagnes de prévention fonctionnent. Par exemple, autrefois, on diffusait allègrement que boire du vin rouge, c'était bon pour la santé, etc. Aujourd'hui, ce genre de messages, on ne les retrouve plus dans les médias.

Tout le monde est bien conscient de ce que produit la consommation d'alcool à plus ou moins forte dose. Et les plus jeunes en sont complètement conscients.

Et puis il y a aussi d'autres facteurs, par exemple l'émergence des mouvements Metoo, la conscience des nouvelles générations des violences sexuelles et sexistes dont on parle beaucoup.

L'Université de Nantes, par exemple, a publié une étude sur ce sujet et qui montre notamment que la consommation d'alcool, effectivement, peut aggraver ces comportements. Et cette nouvelle génération, en a pleinement conscience.

Les jeunes filles que j'ai rencontrées m'en parlent à chaque fois dans les entretiens. Elles mettent en place des vrais stratagèmes, ce que ne font pas les jeunes garçons. Et donc, il y a aussi des comportements qui évoluent par rapport à la consommation d'alcool vis-à-vis de ces risques sous alcool.

Est-ce que cette baisse de la consommation, et surtout de la fréquence ou de l'intensité des API, l'Alcoolisation ponctuelle importante, est remplacée par autre chose ?

L'autre produit qui est beaucoup consommé, c'est le cannabis. Mais on ne remplace pas l'alcool par le cannabis ou l'inverse. Ils recherchent des choses différentes derrière ces consommations. 

Mais de toute manière, l'adolescence, c'est l'expérience des nouvelles sensations, c'est l'expérience des interdits.

Anaïs Hachet

On entend souvent que les jeunes commencent à boire de plus en plus tôt, est-ce que c'est vrai ?

Le fait est que les premiers verres qui sont consommés par les jeunes, c'est en famille. Il ne faudrait pas culpabiliser ces jeunes de consommer très tôt parce que c'est dans la sphère familiale que ça se produit.

La consommation entre amis, et forcément à plus forte dose, ça va se passer un petit peu plus tard. Donc il faudrait aussi travailler de ce côté-là, sur une certaine complaisance qu'ont les familles à proposer des verres ou à laisser boire leurs enfants, parce que ce n'est pas anodin.

Le cerveau d'un enfant prend du temps à se construire, donc de toute manière ce n'est pas anodin, il faut en avoir conscience.

En tout cas, il faut rester optimiste parce que cette nouvelle génération est très consciente de ce qu'est l'alcool. Il ne faut pas croire qu'ils sont complètement innocents et complètement naïfs. Ils sont très conscients de ce que produit l'alcool sur leur corps et de ce que produit l'alcool à forte dose.

Un danger réel

Si la consommation d'alcool a été divisée par trois ces vingt dernières années en France, elle reste la première cause d'hospitalisation et la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac.

Elle est responsable directement ou indirectement de plus d'une soixantaine de maladies comme les cancers, les maladies cardiovasculaires, digestives, mentales, etc. 

La consommation d'alcool cause chaque année la mort de 49 000 personnes, "pour un coût social estimé à 118 milliards d'euros", estime l'Inserm dans un autre article du bulletin épidémiologique.

Depuis 2017, des repères de consommation à moindre risque (maximum 10 verres par semaine, maximum deux verres par jour, et des jours dans la semaine sans consommation) font l'objet de campagnes d'information.

"Il reste nécessaire de continuer à informer sur les risques de la consommation d'alcool, même à faibles doses, indique Santé Publique France, et à faire connaître les repères, sachant qu’environ un quart des Français considèrent que globalement, boire un peu de vin diminue le risque de cancer plutôt que ne pas en boire du tout." 

"25% des jeunes qui connaissent des alcoolisations excessives garderont des problématiques avec l’alcool plus tard, explique Karen Burban-Even, directrice de la santé publique et environnementale à l’ARS, il y a donc un vrai enjeu à les accompagner, les informer sur les risques, notamment communiquer sur les repères : 2 verres par jour et pas tous les jours, ce message fonctionne bien".

L'ARS a développé des programmes spécifiques, notamment sur le psychosocial. Des expérimentations sont en cours en Loire-Atlantique, en Sarthe avec la sensibilisation de plus de 3 000 élèves du primaire au lycée.

On les amène à être suffisamment à l’aise, à croire en eux, pour réduire le risque d’addiction plus tard

Karen Burban-Even

Directrice de la santé publique et environnementale à l’ARS

L’ARS consacre chaque année 2,5 millions à cette question des addictions.

► Un entretien à retrouver dans Dimanche en Politique "Alcool, comment diminuer la pression ? " ce dimanche 11 février à 11 h 10 et en replay sur france.tv

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