Envie de faire une pause avec l'alcool après une fin d'année trop arrosée ? Ou simplement désireux de savoir où vous en êtes avec votre consommation ? Deux enseignes à Nantes se sont spécialisées dans les boissons non alcoolisées ou désalcoolisées. En ce Dry January, ces commerces font le plein.
Dans le quartier Graslin à Nantes, vous avez côte à côte, rue Suffren, deux enseignes qui, dans le domaine des boissons, valent le détour.
Au 2, "La Comédie des Vins", pour y découvrir des vins de belle qualité, riches, aux bouquets variés, que l'on peut accompagner d'une planche de charcuteries et de fromages.
Et puis, juste à côté, au 4, "Gueule de Joie", qui n'est pas un bar à vin, comme son voisin, mais qui vend des vins et bien d'autres boissons, bières, cocktails, mais sans alcool.
"On a commencé avec une vingtaine de produits"
L'enseigne a été créée par Jean-Philippe Braud, en 2019. Elle reste indépendante même si elle s'est adossée au groupe mayennais V and B, devenu associé minoritaire depuis un an. Ce qui permet à "Gueule de Joie" de bénéficier du réseau de distribution de son partenaire, de sa centrale d'achats, en lui faisant profiter en retour de sa propre expérience en matière de producteurs de boissons sans alcool.
Rue Suffren, c'est la seule boutique "Gueule de Joie" en France, mais l'enseigne vend aussi sur internet et a donc ses "corners", ses rayons de vente, chez certains V and B, avec l'ambition de s'y développer en 2024.
Lorsqu'il a créé ce commerce, Jean-Philippe Braud reconnait qu'il a un peu ramé pour étoffer sa carte.
"On a commencé avec une vingtaine de produits, se souvient-il. Aujourd'hui, on en a 300."
Vins désalcoolisés, bières sans alcool, cocktails, boissons à base de thé, rhums sans alcool, whiskys sans alcool...
Un homme ou une femme qui s'interroge sur sa consommation d'alcool
"On a des clients qui sont des amateurs de bières", tient à préciser Jean-Philippe Braud qui ajoute qu'il y a des profils très différents dans sa clientèle. Des femmes enceintes, des sportifs, des convictions religieuses, des curieux.
Selon lui, "le profil type serait la personne entre 35 et 45 ans, homme ou femme, qui a l'habitude de consommations alcoolisées, mais pas forcément excessives et qui s'interroge justement sur sa consommation."
Le patron de "Gueule de Joie" est convaincu que cette demande va durer et même augmenter.
"Ça va s'inscrire progressivement dans les habitudes de consommation, affirme-t-il, alors que la consommation d'alcool baisse en France."
La France reste quand même l'un des premiers pays consommateurs d'alcool au monde, selon Santé Publique France.
Janvier, meilleur mois de l'année
Janvier est le meilleur mois de l'année pour les ventes, constate Jean-Philippe Braud qui ne peut que soutenir l'instauration du "Dry January".
"J'ai le sentiment, dit-il, que c'est important pour un grand nombre de personnes de se questionner sur leur rapport à l'alcool. Le mois sans, ce n'est pas un mois pour arrêter l'alcool, mais pour faire une pause. On invite ensuite à une consommation modérée où on ne met pas sa santé en danger."
Pour 2024, l'un des objectifs de Jean-Philippe est de répondre à la demande des professionnels, bars et restaurants qui sont encore peu présents sur ces produits, même s'il a déjà parmi ses clients des bars de nuit.
Pour conclure notre entretien, Jean-Philippe nous sert un verre de "Phénomène", un melon de Bourgogne. Un vin sans alcool produit par un producteur de Muscadet, Stéphane Cottenceau, à Maisdon-sur-Sèvre.
Quand on ne connait pas ces vins désalcoolisés, souvent par évaporation, on redoute de tomber sur une boisson très sucrée, ou fade. Pas du tout. Même si on n'a pas la longueur en bouche d'un vin conventionnel, le goût est bien là et ce melon de Bourgogne fait l'affaire sur une bonne table.
Vendeur de boissons sans alcool après un défi personnel
De l'autre côté du Pont Anne de Bretagne, sur l'île de Nantes, Jérôme Cuny s'est lancé lui aussi dans la vente de boissons non alcoolisées.
Jérôme a travaillé pendant 21 ans dans l'informatique. Il a eu envie d'être son propre patron et c'est après une expérience personnelle qu'il a trouvé sa voie.
"Je me suis lancé le défi, en 2018, de ne pas boire d'alcool de juin à septembre, raconte-t-il. Le côté positif, c'est que je n'ai pas pris de poids, j'ai eu un meilleur sommeil, de meilleures performances sportives (il pratique la course à pied). Le côté négatif, c'est qu'on se retrouve assez rapidement de côté quand on fait la fête et que (quand il était invité) hormis l'alcool, il n'y a que du Coca et du jus d'orange. C'est assez infantilisant."
"La méconnaissance a fait place à la curiosité"
Jérôme n'a plus consommé d'alcool depuis cette expérience et a fait son métier de cette résolution.
En fait, il en avait assez de se retrouver dans des soirées "arrosées" sans le plaisir d'une boisson agréable.
"Je me faisais chier ! dit-il clairement. Je n'avais rien à boire. Alors que quand on a un verre à pied avec une boisson pétillante dedans, ça va mieux."
L'approche du public concernant les boissons désalcoolisées a évolué, constate celui qui a fondé "La Cave Parallèle", sur le Mail des Chantiers. "La méconnaissance a fait place à la curiosité" dit-il.
Dans son magasin, Jérôme propose plus de 400 références différentes, dont plus de 50 % sont produites en France et le reste en Europe.
Un couple semble hésiter parmi toutes les boissons qui sont en rayon. Jérôme les rejoint pour les conseiller et on assiste à un discours tout à fait du niveau des cavistes traditionnels avec l'origine géographique de la boisson, sa composition, ses arômes, la technique de macération utilisée.
Puis, Jérôme invite le couple à se rapprocher du bar. "Le plus important pour moi à La Cave Parallèle, dit-il, c'est qu'on goûte."
Quand des mineurs viennent me voir, je leur demande si leurs parents sont d'accord.
Jérôme CunnyFondateur de "La Cave Parallèle" à Nantes
Hélène avait eu connaissance de l'existence de ce commerce ouvert en mai 2023 par une collègue de travail. Elle y est venue ce jeudi matin pour y trouver des idées. Elle n'aime pas le goût de l'alcool. Raphaël, lui, a réduit sa consommation et veut poursuivre sur cette voie.
Jérôme commence par leur faire goûter des cocktails, l'un est fait de genièvre, gingembre, cardamone, associé à un tonic neutre. Puis un deuxième fait de plantes également, mais dont le producteur a voulu garder le secret de la composition. Des goûts exotiques, surprenants. Dans l'un d'eux, Raphaël retrouve le côté "sec" dit-il, de l'alcool.
Puis Hélène demande à goûter un rhum sans alcool. Mais la boisson lui rappelle trop le rhum traditionnel qu'elle n'aime pas.
Raphaël demande alors ce qu'il pourrait prendre pour accompagner un plat de poisson. "Je prendrais bien un Chardonnay" dit-il.
Mais Jérôme lui déconseille et aligne sur son bar trois blancs différents pour que le couple puisse comparer et faire son choix. On retrouve le vin de chez Cottenceau que Jérôme conseille avec des fruits de mer ou en apéritif et un très surprenant Pinot Gris produit en Allemagne.
Le couple repartira avec plusieurs bouteilles de cocktails et le très séduisant Pinot Gris.
Comparer un vin normal avec un vin désalcoolisé, c'est comme comparer une crêpe banane chocolat avec une crêpe chocolat.
Jérôme CunyFondateur de "La Cave Parallèle" à Nantes.
"Aujourd'hui, c'est normal qu'un restaurant propose un plat végétarien, constate Jérôme Cuny. Dans dix ans, un bar qui n'aura pas de sans alcool sera mal noté sur internet !"
Lorsqu'un viticulteur s'inquiète de voir se développer les caves de boissons sans alcool, Jérôme lui répond qu'il a tort.
"Si tu crées un vin désalcoolisé, lui dit-il, tu vas pouvoir compléter ta gamme et gagner de nouveaux clients."
Tout comme pour son collègue de "Gueule de Joie", le patron de "La Cave Parallèle" a fait un bon chiffre au mois de décembre, pour les fêtes et s'attend également à un bon mois pour le Dry January.
Même les grandes enseignes comme le caviste Nicolas ou la grande distribution comme Carrefour et Leclerc se sont mis à proposer des vins sans alcool.
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