MUSIQUE. Le quatuor Trainfantome sur les rails

Projet solo à l'origine, Trainfantome est aujourd'hui un véritable groupe lancé à grande vitesse. Thirst est le nom de son nouvel album. Onze titres à écouter les yeux fermés. Interview...

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Même pas peur ! Ne vous fiez pas au nom, il n'y a pas plus de fantômes que de trains dans l'univers du groupe né il y a quelques années par la volonté d'un Lorientais installé à Nantes, Olivier le Tohic. Un premier album baptisé Mature immature sort en 2018, réalisé en solo mais avec une bande de copains, du solo collectif en somme qui va laisser place avec le temps à du vrai collectif. 

Avec Thirst, le nouvel album, Trainfantome est cette fois bien lancé. L'album à la tête de chat a séduit le public mais aussi les médias. Une musique tantôt atmosphérique, tantôt sous tension, à la fois accessible et très sombre, très mélancolique, empruntant au grunge, à la pop, à la noise et au shoegaze, le tout en mode emocore. Pour en savoir plus, c'est ici, c'est maintenant. Interview...

Trainfantome, c'est qui, c'est quoi ?

Olivier. À l'origine, Trainfantome, c'est moi qui m'ennuie au chômage et qui a besoin de s'occuper ! J'ai créé ça comme une sorte de "projet-solo en collectif" qui pivote autour de mes compos. Mais, dès le début, j'ai invité plein de potes à venir collaborer sur l'enregistrement du premier album "Mature Immature", j'avais envie que le processus créatif soit flexible, que ce ne soit pas facile à mettre dans une case justement. Aujourd'hui, on s'est stabilisés à quatre musiciens avec l'objectif que ce ne soit plus exclusivement moi qui compose les morceaux. Le but est que notre musique change subtilement au fur et à mesure de notre parcours et que l'on évite de devenir prévisibles.

Pourquoi ce nom à faire peur dans le noir ?

Olivier. Parce qu'il fallait bien en choisir un ! L'idée fondamentale derrière le projet était de sortir de ma zone de confort et d'affronter mes angoisses et autres souffrances enfouies.
De manière conceptuelle, je voyais chaque morceau du premier album un peu comme une nouvelle pièce d'un manège dans lequel se succèdent des situations effrayantes.
C'est tiré d'un souvenir d'enfance où mon cousin m'avait ramené à la réalité après un tour de train fantôme qu'on avait fait ensemble et qui m'avait terrifié. Il m'avait sorti un truc du genre "il ne te serait rien arrivé, c'est juste un manège" et ça m'avait pas mal marqué. Donc, quand il a fallu trouver un nom, je me suis souvenu de cette anecdote et de l'espèce de honte que ça m'avait fait ressentir ! 
Puis le côté Trainfantome en un seul mot, c'était sûrement pour donner un côté Radiohead, Soundgarden, Silverchair... C'était cool à une époque, je crois.

Votre premier - vrai - album, comme vous dites, votre deuxième si on tient compte de Mature Immature réalisé en mode DIY en 2018, est sorti il y a quelques semaines maintenant. Beaucoup d'émotions j'imagine…  

Olivier. Oui, c'est à la fois un grand soulagement et un grand vide après autant de temps passé dessus ! On est vraiment ravis de sa réception par le public, on a reçu beaucoup de témoignages de gens qui ont vraiment été touchés par l'album !
Et il y a eu aussi pas mal de presse et de retours très positifs, ça fait du bien de se dire que ce n'était pas juste un coup d'épée dans l'eau et que l'album a vraiment eu une belle résonance à sa sortie ! La satisfaction du travail bien fait, même si le névrosé que je suis ne se focalise que sur ce qu'on aurait pu mieux faire encore. C'est un moteur d'être insatisfait, j'essaie de le vivre comme ça !

C'est un moteur d'être insatisfait, j'essaie de le vivre comme ça !

Olivier - Trainfantome

Vous vous confiez sur Facebook en parlant des sacrifices, des angoisses, des crises existentielles, des doutes, traversés tout au long de ces derniers mois. La musique est à ce prix ? Elle le mérite ? Elle se mérite ?

Olivier. Ce n'est peut-être pas le cas pour tout le monde maintenant que je lis cette question… Je commence à accepter doucement le fait que je tombe certainement dans la catégorie des personnes "hypersensibles", même si c'est dangereusement à la mode de s'auto-diagnostiquer tous les troubles du monde en ce moment ! 
En tout cas, j'ai besoin que les choses aient du sens et tu ne peux pas autant te dévoiler, te rendre vulnérable sans que ça te travaille un minimum ! 
Est-ce nécessaire ? Pas forcément ! Est-ce que ça vaut le coup ? Je trouve que oui ! 
C'est une forme d'investissement que je retrouve chez les artistes que j'aime, et l'aspect cathartique de ce processus me fait énormément de bien au final.
Et non, la musique n'a pas à être méritée, les snobs voudraient faire croire ça au reste du monde mais, en réalité, j'écoute plein de trucs nuls juste parce que ça me fait marrer et/ou plaisir !

Thirst, tel est le nom de l'album, 11 titres qui associent des mélodies imparables et une musique souvent sous tension, très accessible d'un côté, très sombre et mélancolique de l'autre… Vous aimez jouer avec cette dualité ?

Olivier. J'adore ça ! C'est à l'image de la vie, rien n'est juste noir ou blanc. Je trouve la binarité déprimante, la vérité est quelque part entre les lignes et du coup la dualité, c'est un super outil pour s'en approcher un maximum !
Et j'aime beaucoup l'image du cheval de Troie, amener des sujets graves derrière des mélodies innocentes. Il y avait une volonté assez claire de faire un album qui flirte avec le mainstream d'une certaine époque, juste pour se faire un peu peur encore une fois.

Dix titres en anglais et un seul en français, La Déprime. Manque de chance, il est musical. Vous êtes fâché avec la langue de Molière ?

Olivier. Pas du tout, c'est juste que je n'ai pas (encore?) trouvé une manière de l'utiliser qui me corresponde.
Puis, étant franco-slovaque, et donc bilingue, le fait d'écrire en anglais me permet d'explorer d'autres aspects de ma personnalité. Il y a des choses différentes qui émergent quand on pratique une langue autre que la sienne. On trouve d'autres solutions pour exprimer ses idées. Ça fait que parfois, en me laissant écrire librement dans cet état d'esprit, je découvre au passage des choses sur moi-même. Ça permet aussi de mettre un peu de distance avec le propos, je suis assez pudique malgré tout !

Musicalement, vous vous dites proche de l'emocore. Pouvez-vous nous dire en quoi ?

Olivier. Je pense que ce sont surtout les sujets dont on parle qui s'en rapprochent le plus. De nos jours, c'est un terme qui peut être collé à n'importe quelle esthétique musicale du moment que ça parle de souffrance psychologique ou de considérations existentielles. Les premiers groupes de punk-hardcore qui avaient été qualifiés de "emo" comme Rites Of Spring ou Fugazi rejetaient le terme en bloc. C'était presque péjoratif en fait ! 
Il y a ensuite eu une seconde vague de groupes qui se sont appropriés le côté à fleur de peau ou sombre des thèmes et qui ont rendu ça vachement populaire au début des années 2000, PILE QUAND J'ÉTAIS ADO ! Gros love pour Title Fight, Poison The Well, American Football, Jawbreaker, Engine Down et compagnie ! 
Maintenant, ce qu'on qualifie de emo va de la pop mielleuse au screamo en passant par du cloud-rap donc c'est assez vaste ! C'est dingue de voir que c'est toujours un registre aussi pertinent, les gens ne vont pas bien, ils ont besoin de parler des "vraies choses".

Les gens ne vont pas bien, ils ont besoin de parler des "vraies choses".

Olivier - Trainfantome

Fontaine DC, Deftones, The Great Dismal... On sent plein de couleurs, plein d'influences variées dans votre univers malgré tout très personnel…

Olivier. Ce qui me fait surtout plaisir, c'est que tout le monde nous sort des influences présumées différentes et ça me fait découvrir pas mal de groupes que je ne connaissais pas ou peu ! Je pense que c'est lié au fait que je ne vise aucun genre spécifique en particulier quand j'écris, l'objectif, c'est juste la chanson pour ce qu'elle est et je me laisse guider par elle. Ensuite, au moment de l'arrangement, on est forcément inspirés par plein de choses, volontairement ou pas d'ailleurs. 
Tu parles de couleurs et bien voilà, je me dis qu'être flou ça permet d'élargir le spectre (blague de fantômes).

Je me dis qu'être flou, ça permet d'élargir le spectre

Olivier - Trainfantome

Un mot sur cette pochette très réussie, cette tête de chat aux couleurs vives bien loin de la couleur de votre répertoire. La dualité encore…

Olivier. Toujours ! C'est exactement ça, en tout cas, j'aime jouer avec les codes ! 
J'ai contacté l'artiste Loïse Aline avec ce projet de pochette parce que j'aimais bien son univers perché entre l'innocence et le sordide, ça ne laisse pas indifférent !
J'ai envie que les gens abordent notre musique avec une forme d'incertitude et de naïveté, je trouve ça intéressant que la pochette provoque ce mélange d'émotions contradictoires, ça fait une expérience d'écoute encore plus fun.

Un album et maintenant ? Des concerts ?

Olivier. Oui ! On travaille désormais avec un tourneur, Cosmic Noise Pudding, avec lequel on va essayer de trouver des petites dates pour aller présenter nos chansons un peu partout ! On va aussi commencer à bosser sur le successeur de Thirst… Excitant ! 

Merci Olivier, merci Trainfantome

Plus d'infos sur le groupe ici

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