"On a hâte", c'est le cri du cœur que tous expriment spontanément. Ils attendent avec impatience les annonces du Président Macron ce jeudi soir. Ils n'en peuvent plus de ces confinements qui les ont contraints à fermer leur établissement. Mais ils ne sont pas restés inactifs pour autant.
Quand on arpente les rues du centre-ville de Nantes, on sent que quelque chose est en train de se passer.
Il fait beau et l'air frais de ce matin d'avril est agréable. Si les rues sont si calmes, c'est que ce troisième confinement a de nouveau fermé les portes de nombreux commerces. Mais si on regarde de plus près, on découvre ça et là, et finalement en de nombreux endroits, une activité qui se réveille.
Ici, une entreprise qui refait l'agencement intérieur d'un magasin. Là, une enseigne que l'on rafraîchit ou encore ces jeunes qui, papier à poncer et pinceau en main, refont la devanture d'une crêperie. Ceux qui avaient baissé le rideau se préparent à rouvrir.
"On est motivé, on a envie !"
Agenouillé, devant la façade du Vieux Quimper, une crêperie de la rue de la Baclerie, Nikos fait un peu de peinture pendant que Yann ponce.
Voilà trois ans que ces jeunes travaillent ici, mais, forcés de quitter les cuisines et le service, ils se sont retrouvés pour quelques travaux de restauration. Enfin... la restauration du bâtiment quoi.
"J'ai hâte que ça reparte, lâche Nikos, on est motivé, on a envie !"
Et pour être prête, l'équipe redonne une petite jeunesse à la façade et fait le ménage à l'intérieur. Ils ont aussi remis en route les différents équipements, lave-vaisselle, machine à chantilly, sèche-couverts, frigos, congélateurs... il faut contrôler que tout marchera quand l'activité reprendra.
"Ce qu'on veut, c'est ouvrir, dit Sylvie Champion la patronne des lieux, même si c'est pour faire 20 clients." Car même si on annonce une autorisation d'ouverture des terrasses, Sylvie sait qu'elle ne pourra utiliser la totalité des 36 places dont elle dispose dans la rue. Il faudra compter avec cette sacrée "distanciation sociale".
"Le virus, dit Sylvie, il faudra apprendre à vivre avec, on ne va pas s'en débarrasser le 15 juin !"
De l'autre côté du Cour des 50 Otages, sur la place Félix Fournier, un autre restaurant se prépare également. Mais ce sera une ouverture pour cet établissement qui s'est installé à la place de la papeterie Radigois, une institution nantaise au pied de la Basilique Saint-Nicolas, qui a fermé ses portes.Trois générations de papetiers s'y sont succédées. Ce sera désormais un restaurateur. Mais le lieu fera référence à cette histoire : il s'appellera le Kraft, comme le papier.
Ce restaurant est un indépendant qui annonce travailler avec des produits frais locaux et principalement du bio.
Il aurait dû ouvrir en septembre 2020
Matthieu Pollet et son associée Sylvia Grollier avaient ce projet depuis deux ans. Le restaurant aurait dû ouvrir en septembre 2020 mais les travaux ont pris du retard et le deuxième confinement de la fin octobre a contraint encore à différer l'ouverture puis ce fut celui de mars 2021.
L'établissement n'ayant pas ouvert avant la crise, il n'y a pas eu d'aides de l'Etat. Matthieu attend avec d'autant plus d'impatience les prochaines annonces gouvernementales précisant les dates de réouverture des restaurants.
"On a déjà reporté trois fois l'ouverture, s'inquiète Matthieu Pollet, on ne peut plus se permettre de la retarder."
L'établissement dont la déco a été confiée à l'artiste nantais Antoine Corbineau qui y proposera des expo-ventes, disposera au total d'une cinquantaine de places en intérieur et d'une trentaine en terrasse. Mais là aussi, il faudra faire avec le protocole sanitaire et réduire le nombre de couverts.
2020, on ne pouvait tomber plus mal pour ouvrir un restaurant. En attendant une réouverture totale, le Kraft proposera dès début mai des solutions à emporter. Mais Matthieu a bien l'intention d'embaucher au final une dizaine de personnes.
"On n'aurait pas pu le faire sans le confinement"
Constance Guéné aussi, épluche des CV pour embaucher. Elle a reçu quelques candidatures pour son bar à vin, "La Provence" rue Vauban. Trois des six employés, des étudiants, sont partis chercher du travail ailleurs pendant le confinement. Constance et sa sœur Eléonore se préparent à succéder à leur père qui va progressivement lâcher l'entreprise à la réouverture.
Dehors, un peintre redonne un coup à l'enseigne. Les futures patronnes qui travaillent déjà depuis longtemps dans ce bar-à-vin, ne sont pas restées les bras croisés depuis le mois d'octobre.
Elles en ont profité pour se former à tout ce que doit connaître le patron d'un tel établissement, permis d'exploitation, permis de former, œnologie, cocktails, calcul des coûts... "On n'aurait pas pu le faire sans le confinement" reconnaît Constance. On a aussi refait toute notre carte avec un QR code. Le but dans l'avenir, c'est que le client puisse directement commander et payer à table."
Le bar qui propose aussi des planches apéritives ou dinatoires, possède une belle terrasse de 140 places sur la rue. C'est encore un joli bazar à l'intérieur du fait des quelques travaux en cours et du mobilier qui s'y est accumulé mais on sera prêt. "Tout se fera au dernier moment" dit Constance plongée dans ses papiers.
La jeune femme essaye de faire des plannings pour savoir de combien de personnes elle aura besoin. Tout dépendra du protocole de réouverture, de l'heure de fermeture le soir s'il y a encore un couvre-feu. "On a hâte" dit-elle dans un sourire que l'on devine franc derrière le masque.
La réouverture des bars peut-être plus lointaine
Plus à l'ouest, dans le quartier du musée Dobrée, Pauline aussi s'est préparée. Elle a repeint ses tables pour que, sur sa petite terrasse, elles résistent aux intempéries. Pauline Guedes a ouvert "L'instant de Bonheur", le 28 décembre 2019. Pas de chance. Deux mois et demi plus tard, c'était le premier confinement.
Malgré les aides de l'Etat, les charges restent lourdes et notamment le loyer. Heureusement, SACEM et SPRE ont suspendu leurs prélèvements pour les droits d'auteurs musicaux. Dans son bar, Pauline propose aussi des produits locaux, conserves, terrines, bocaux, bières et jus de fruits. Elle a profité de la fermeture pour faire un peu de peinture du mobilier, finaliser son site internet, préparer de futures animations comme des blind tests musicaux.
La propriétaire de cet établissement de la rue Voltaire a le sentiment que les bars sans restauration sont les oubliés de cette crise. Pas autant que les discothèques dit-elle mais quand même. "Le mot qui me vient à l'esprit, souffle-t-elle, c'est : abandonnée."
Elle a peur que les bars n'attendent encore longtemps pour pouvoir rouvrir. "Et pourtant fait-elle remarquer, ici, c'est un lieu de convivialité où on vend des produits locaux, où on fait attention aux autres."
Pendant ce confinement, Pauline a aussi donné de son temps pour faire des rondes le matin avec d'autres commerçants de l'association S2N et vérifier que les commerces fermés ne sont pas victimes d'effractions. "C'est la solidarité entre nous" dit la jeune femme.
Pauline a fait une demande auprès de la mairie pour agrandir sa petite terrasse sur la rue. Elle attend la réponse ... et une date d'ouverture.
Le slogan de son bar est écrit en dessous du nom : "Tant qu'il y aura de l'amour, il y aura notre bar".
Vivement que ça rouvre !