Une expérimentation de cour criminelle pour les auteurs de crime puni entre 15 à 20 ans de prison, commence ce lundi en Loire-Atlantique. Le dispositif divise notamment les avocats. Que peut-on attendre de ces nouveaux procès ?

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Le dispositif est testé à Nantes, à partir de ce lundi 28 septembre. Pour juger les auteurs de crimes punis entre 15 à 20 ans de prison, fini les jurés populaires, choisis au hasard, parmi les citoyens inscrits sur liste électorale. Place à un jury entièrement composé de magistrats. 

Pourtant, c’était bien une méfiance envers ces magistrats de la part des révolutionnaires français, qui avait motivé la création de la cour d'assise, par deux grandes lois : en août 1790 et septembre 1791. Le message d'une telle évolution était clair : seul le peuple est légitime de juger. 

Qui est légitime pour juger ? 

Plus de deux-cents ans plus tard, cette même légitimité du peuple est remise en question. Pour Samy Robert, avocat à Nantes, les citoyens seraient trop émotifs. 

"[les jurés populaires] peuvent davantage être touchés par une victime qui exposeraient sur son histoire et son ressenti au moment de l'agression explique l’avocat, que par un accusé qui contesterait les faits, qui seraient dans une situation de blocage ou qui auraient du mal à s'exprimer dans le cadre de cette audience."
 
Cette expérimentation est pour lui une aubaine. L’homme qu’il défend pour sa première affaire à la cour criminelle est accusé de viol, de vol et d’agression sexuelle. Ce genre d’affaire anime fortement la population. Mais il ne faut pas oublier que, selon la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, "Tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable".

Notre journaliste, Eléonore Duplay explique ce qui va changer pour ce cas 
©France 3 Pays de la Loire

Des procès moins animés

Cette nouvelle cour criminelle divise. Face à Samy Robert, Anne Bouillon défend les intérêts de la plaignante. Cette avocate porte souvent la voix des femmes, bien au-delà des salles du tribunal. 

Pour elle, la présence des jurés populaires garantissait une justice rendue au nom des citoyens, telle qu’elle était pensée. Fidèle à son rôle d’avocate, Anne Bouillon, plaide pour le débat qui caractérisait chaque procès à la cour d’assise. "Devant une cour d'assises, tout doit être dit. Tout doit être débattu. Et c'est à l'aune de ce qui est dit devant la cour d'assises que les jurés forgent leur intime conviction." Elle craint de perdre ce temps consacré à la réflexion et l’analyse. 

Garantie d'une justice bien faite

Et c’est bien ce temps qui disparaît, qui inquiète. Si la proposition d’établir une cour criminelle a pour objectif de rendre une justice plus rapide et moins cher, les avocats nantais ont exprimé leurs craintes quant à la qualité de ces audiences. 

Le Procureur de la République a tenté de les rassurer en garantissant aux avocats que tous les témoins qu’ils souhaitent voir et entendre seraient entendus.

Le premier procès de la cour criminelle va durer quatre jours, mobilisant cinq magistrats dans une juridiction qui n'en compte que 50, la Cour criminelle devra donc faire ses preuves durant les trois années prévues de l'expérimentation.

3 questions à Philippe Coindeau, avocat général à Rouen

Déjà expérimentée en Seine-Maritime depuis 2019, la cour criminelle affiche un bilan mitigé, notamment sur le gain de temps promis. "Le gain de temps sur un dossier de plusieurs jours peut être estimé à une demie journée, estime Philippe Coindeau, avocat général à Rouen. En l'état actuel, ça ne permet pas d'audiencer plus de dossier". En revanche, le taux d'appel est moins important dans l'ensemble des cours concernées, ajoute l'avocat.
 
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