Nantes : ils n'ont pas le droit de voir leur fils hospitalisé au CHU, la détresse d'un couple de Brestois

Polytraumatisé, Erwan est hospitalisé au CHU de Nantes. Seul son compagnon est autorisé à lui rendre une simple visite hebdomadaire. Ses parents, eux, n'en ont pas le droit.

"On nous dit que notre fils a besoin d'être soutenu, qu'il va falloir l'entourer et être très présent. Mais depuis bientôt six semaines on nous empêche de lui rendre visite...Dans cet hôpital, on soigne les corps, mais pas les esprits. C'est inhumain ! ".  

Elle aimerait juste le voir, le sentir, lui toucher la main, même avec des gants...mais ça lui est impossible. Martine, 62 ans, et Hubert, son mari se voient refuser l'accès de la chambre d'hospitalisation de leur fils Erwan. 

Cette information, ils la tiennent du compagnon d'Erwan qui lui, peut se rendre à l'hôpital une fois par semaine. Trente minutes d'échanges...pas plus. 

À 42 ans, Erwan est polytraumatisé. Il souffre de multiples fractures, suite à une chute. Depuis quelques temps, il peut communiquer avec ses parents, via son portable "Les échanges par visios sont extrêmement importants, mais ce n'est pas pareil. Il a besoin de notre présence physique". 

L'argument avancé par le chef de service, c'est bien sûr le respect de mesures barrières très strictes, toujours en vigueur à l'hôpital.

"C'est là notre incompréhension explique Martine. On nous dit que le déconfinement est entré dans sa phase 3, mais pour l'hôpital qu'est-ce que cela signifie ? rien ne bouge ! Nous, on veut bien tout acheter, des masques, des surblouses, afin que notre passage ne provoque aucune contamination. Je ne dis pas qu'il ne faut pas faire attention mais de là à nous interdire à nous, mais aussi à ses collègues, ses amis, toute visite, c'est terrible".
 

Exclus du processus de soin, les proches se sentent abandonnés

Au début de son hospitalisation, Erwan a souffert d'hyponatrémie, une carence en sodium. Il n'était autorisé à boire que 500ml par 24 h. Tant qu'il était aux urgences, l'attention portée à son fils a été constante. Mais, quand il a rejoint le service dans lequel il est encore, Erwan a connu de longs moments de détresse hydrique. "Si j'avais été près de lui j'aurais pu lui humecter la bouche, le corps, à la demande". Le jeune homme avait alors une sensation de dessèchement total, amplifiée par une infection qui maintenait sa température corporelle à plus de 39°. 

"Un jour, à 6 heures du matin, il m'a appelé, il avait la langue épaisse, je comprenais à peine ce qu'il me disait. Il était désespéré. J'ai alors proposé de me confiner avec lui pour être à ses côtés 24h sur 24 pour l'aider à s'hydrater sachant que le personnel avait beaucoup de travail et qu'il faisait très chaud, raconte Martine, c'était à la période de la Pentecôte. mais cela m'a été refusé, c'est atroce ! ". 

Martine en est persuadé, leur cas n'est pas isolé. Ce qu'a vécu Erwan, pendant la période de confinement, beaucoup de patients et de familles ont eu à le subir.

"Quand on est dans cette situation, on se sent complètement abandonné. Je comprends bien que le personnel soignant ne peut pas tout. Qu'il y a des tensions à l'hôpital, un manque de personnel, mais dans le cas des polytraumatismes, avec des maladies qui exigent une présence constante, il faudrait pouvoir autoriser les proches à apporter un peu d'aide. J'ai écrit un courrier en ce sens au ministère de la santé."

Les informations qui leur parviennent sont parcellaires, selon Martine, son fils pourrait rejoindre le centre de rééducation de Saint-Jacques, à Nantes, la semaine prochaine. "Est-ce qu'à ce moment là on pourra lui rendre visite ? On nous a dit qu'il en aurait pour des mois et des mois pour s'en remettre. Deux ans peut-être".  Le couple n'en sait guère plus.

Défaut d'information, de communication. Ne sachant vers qui se tourner, Martine a lancé un SOS sur les boites mails de plusieurs médias. Elle pointe les contradictions du discours qui entourent l'hospitalisation de son fils.

"Quand il était en réanimation, nous avons pu le voir une seule fois, c'était le 7 mai. À ce moment là, on nous a dit qu'il aurait besoin de nous, qu'ils nous faudrait être très présents pour l'entourer, l'accompagner et le soutenir... nous on est dans les starting-blocks, pour venir le voir mais on est face à un mur."

Depuis la pointe Finistère, où il habite, cette interdiction de rendre visite à leur fils est vécue par le couple comme une insupportable injustice. La voix de Martine tremble au téléphone. "Nous sommes de Brest, on ne peut pas se présenter à la porte de l'hôpital en sachant qu'on va nous refuser de voir Erwan. C'est inhumain !"
 

La réponse du CHU sidère les parents d'Erwan

Le service communication du CHU de Nantes, que nous avons contacté ce mercredi matin s'était engagé à renseigner sur ce dossier. C'est par mail que nous est parvenue l'explication de ces restrictions de visites au seul conjoint d'Erwan.

Le CHU par la plume de la directrice des Usagers de l'établissement regrette "le ressenti de ses parents, notamment concernant les défauts d'information et de communication dont ils font part. Le service de soins concerné, comme la Direction des Usagers du CHU, restent à leur disposition pour répondre plus précisément à leur questionnement, comme pour les accompagner dans cette période difficile, notamment au regard de la distance de leur domicile".

"Cette situation a bien été partagée avec le patient, majeur, et son conjoint, lequel est en contact téléphonique très régulier avec le cadre du service et le médecin responsable du patient, comme référent familial identifié. Nos équipes sont attentives, notamment dans le contexte particulier qui impose des restrictions de visite, à accompagner au mieux les patients et leurs proches, même à distance".

À la lecture de ces lignes, Martine s'avoue sidérée.  "Quelles mesures ont donc été prises pour accompagner au mieux Erwan et nous ses proches ?" demande t-elle, fébrile.

Denis, le conjoint d'Erwan, partage la colère et le dépit de sa belle-mère. Car il n'a pas vraiment eu lui non plus, la sensation d'être "accompagné" quand son compagnon a été hospitalisé.

Il nous explique qu'il a même évoqué la possibilité de saisir la commission des usagers de l'hôpital, tant il estimait ne pas être suffisamment informé du suivi des soins prodigués à son compagnon. "À partir de là, les portes se sont ouvertes, j'ai pu rencontrer la cadre de santé et les chirurgiens, mais pour cela, il m'a fallu presque en venir à la menace de faire appel à un médiateur de l'hôpital !."

Dès lors, les conditions de sa prise en charge, notamment le confort apporté à Erwan, se sont nettement améliorées, le dialogue avec la direction du service aussi.

"Les personnes hospitalisées, sont fragiles et protégées par l'hôpital, mais cela confine parfois à l'omerta. Ces personnes ont des droits. Et recevoir la visite de ses parents en est un. Je sais que cela manque beaucoup à Erwan. J'ai plusieurs fois demandé à ce que le droit de visite soit élargi mais on m'a renvoyé aux règles en vigueur dans le cadre du confinement". 

Ces dispositions sont celles que cite le CHU dans son message :

"Concernant les règles de visites au sein du CHU de Nantes, celles-ci ont été définies au regard des consignes et recommandations nationales dans le contexte spécifique du COVID-19, tout en préservant l'accompagnement des patients notamment dans des situations spécifiques (fin de vie, long séjour, etc…) ou en favorisant d'autres modalités d'interactions patients/familles (appels vidéos et téléphoniques par exemple). Ces règles évoluent en fonction des étapes de déconfinement définies nationalement, et ont déjà été assouplies notamment pour le long séjour (soins de suite et réadaptation, psychiatrie)", écrit Anne Sophie Maure de Lima, Directrice des Usagers, Services aux patients et Partenariats Innovants (DUSPPI) Pôle Patients, Attractivité, Communication, Qualité (PACQ).

Pour Martine, le texte du CHU n'apporte ni réconfort, ni réponse concrète à ses multiples demandes de visite. 

"Nous ce que l'on souhaite, c'est qu'ils arrêtent de cloisonner leur service. Dans d'autres hopitaux, ils ont assoupli les règles, adapté les visites aux situations particulières comme celle d'Erwan. C'est une réponse bateau, froide, qui ne tient pas compte de la solitude et de la souffrance qu'endure mon fils". 

La seule perspective pour Martine et Hubert de revoir leur fils, après six semaines de cette distanciation imposée par le CHU, c'est le prochain tranfert d'Erwan vers le centre de rééducation dans les jours qui viennent. "Mais aucune date n'est encore arrêtée, c'est très flou", conclut Denis. 

Lui, de son coté, caresse le secret espoir d'obtenir une dérogation à la règle de l'unique visite hebdomadaire pour pouvoir, dimanche prochain, fêter son anniversaire avec son compagnon.

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