Inauguré le 8 mars 1974, après dix ans de travaux titanesques, l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle fête aujourd'hui ses cinquante ans. De son terminal futuriste surnomé "le camembert", à l'extension du 2F et l'arrivée espérée du CDG Express, voici l'histoire du deuxième plus grand aéroport européen.
Il est 6h du matin ce 13 mars 1974. Un Boeing 747 de la compagnie aérienne TWA se pose sur un tarmac flambant neuf à une trentaine de kilomètres de Paris. Avec curiosité et étonnement, les passagers en provenance de New-York découvrent un tout nouveau terminal. Cinquante ans après ce premier vol, Roissy-Charles-de-Gaulle (CDG) est devenu le 2e aéroport le plus fréquenté d'Europe.
Pour comprendre ce développement, il faut rappeler l'explosion du trafic aérien dans les années 1960. Face à la saturation des aéroports d'Orly et du Bourget, les autorités cherchent de vastes terrains susceptibles d'accueillir de nouvelles infrastructures. Leur choix se porte sur une zone à une trentaine de kilomètres de la capitale, autour du village de Roissy-en-France.
Le 16 juin 1964, un arrêté ministériel scelle le destin de cet espace spécialisé jusque-là dans la culture de la betterave. Les villages directement concernés tentent de lutter contre la création de l'aéroport. En vain. Quant aux agriculteurs, ils négocient des dédommagements financiers afin de se reconvertir ou de racheter des terres agricoles ailleurs.
Après dix ans de travaux titanesques, le Premier ministre Pierre Messmer inaugure le 8 mars 1974 le nouvel aéroport qui prend le nom de Charles-de Gaulle. Les Français découvrent un lieu ultra-moderne, avec une tour de contrôle de 80 mètres de haut et une aérogare à l'architecture tout en rondeur rapidement surnommé "le camembert".
Architecte en charge de sa conception, Paul Andreu défend un lieu pratique à la fois pour le public et les compagnies aériennes. "Donner tout de suite une impression de grandeur, et faire comprendre à tous que cet aéroport représente l’avenir", explique-t-il à la télévision.
Cinq ans plus tard en 1979, Orly au sud de Paris reste encore le premier aéroport français. Mais Roissy Charles-de-Gaulle connaît une croissance spectaculaire. 25 000 passagers par jour, 20 compagnies et 20 000 personnes qui travaillent déjà sur place. Raoul Moreau, le PDG de l’aéroport, confie à l’époque que "Roissy peut faire face à l’explosion du trafic aérien jusqu’à la fin du siècle".
L'atout de CDG, c'est justement sa taille. Grâce à une réserve foncière importante, l'aéroport ne cesse de s'agrandir : une nouvelle piste est aménagée en 1998 et de nouveaux terminaux sont bâtis (2A en 1982, 2D en 1989, 2C en 1993, 2F en 1989-1990, 2E en 2003). Aujourd'hui, le site s'étend sur plus de 3 200 hectares.
En parallèle de son développement, l'histoire de l'aéroport est marquée par plusieurs drames. Le 25 juillet 2000, le Concorde du vol Air France 459 s’écrase sur un hôtel à Gonesse. Une minute et vingt-huit secondes plus tôt, il décollait de CDG. 113 personnes, les 100 passagers, les neuf membres d’équipage, et quatre personnes au sol, décèdent dans cet accident.
Quatre ans plus tard, 23 mai 2004, le toit de l’aérogare 2E cède. Bilan, quatre morts et sept blessés. Le tribunal correctionnel de Bobigny condamne le groupe ADP (Aéroports de Paris) à la peine maximale de 225.000 euros d'amende pour homicides et blessures involontaires après quinze années de procédure judiciaire.
Au fur et à mesure de son développement, la question des nuisances sonores ne fait que se renforcer. Dès les années 1970, les riverains des communes voisines s’en plaignent. À l’époque déjà, les responsables de l’aéroport promettent d’améliorer les procédures de décollage et d’atterrissage pour limiter ce bruit.
Cinquante ans plus tard, le problème se pose toujours. Réalisée sous la pression des associations de riverains par un cabinet d'experts indépendants, une étude a été remise le 9 février dernier au préfet de région. Selon nos informations, deux des trois scénarios proposés dans ce rapport prévoient une extension du couvre-feu, avec un impact non négligeable pour le trafic et les compagnies aériennes.
Autre critique récurrente, le confort. À peine quelques années après l’inauguration de l’aéroport, les usagers se plaignent d’une signalisation insuffisante et de systèmes d’enregistrement peu efficaces. À tel point que CDG hérite du titre officieux de "pire aéroport du monde". Il faudra attendre les années 2000 pour qu’une vaste campagne de rénovation voie le jour. Elle aboutit à la construction de nouveaux espaces, beaucoup plus confortables. La signalisation est revue, des boutiques au style français sont créées.
Dernier point noir, l’accès à l’aéroport. Le RER B est jusqu'à présent la seule ligne à desservir Roissy et elle encore jugée trop lente et peu sûre. Les retards s’accumulent, avec à la clé, le risque de rater un vol. Pour y remédier, le CDG express devrait voir le jour en 2027. Le projet de liaison ferroviaire directe doit relier l’aéroport à la gare de l'Est en 20 minutes, tous les ¼ d'heure, de 5 h à minuit.
Améliorer l'accessibilité est d’autant plus crucial que le nombre de voyageurs ne fait qu’augmenter. Entre janvier et septembre 2023, le trafic a atteint 50,8 millions de passagers, soit 87,6 % du trafic de 2019. CDG est devenu le dixième aéroport le plus fréquenté dans le monde. Et selon les prévisions, il pourrait bientôt passer la barre de 75 millions de passagers par an.