Ce samedi soir, de nombreux livreurs avec leurs scooters ont défilé dans Nantes en klaxonnant. Une manifestation spontanée pour dénoncer leurs conditions de travail et de rémunération.
Ils étaient peut-être une centaine selon certains témoins. Le doigt rivé sur le bouton du klaxon de leur scooter, ils ont ainsi parcouru samedi soir quelques rues de Nantes, la ville qu'ils sillonnent d'habitude pour transporter des repas pris chez des restaurateurs et les livrer chez des clients.
Ils travaillent pour Deliveroo ou Uber Eats et leurs conditions de rémunération, déjà bien minces, se sont encore dégradées. Pas facile de se mobiliser dans une profession sans délégués du personnel ou représentants syndicaux. Et pourtant, certains ont décidé de ne plus se laisser faire.
La manifestation spontanée de ce samedi pourrait être la première d'une longue série si l'on en croit ces témoignages."Le prix des courses a baissé ces derniers temps explique Karim (prénom d'emprunt), et c'est limite de l'exploitation. Les plateformes profitent de la situation précaire des livreurs, beaucoup sont sans papiers, ils jouent sur ça. Ça devient plus trop rentable. On fait beaucoup de kilomètres et on est sous-payé."
"On n'a pas signé pour ça. On gagne rien."
"On a signé pour 4,50 € minimum (la course), confirme son collègue Moussa (prénom d'emprunt). Mais maintenant, le minimum c'est 2,40 euros. C'est pour ça qu'on a manifesté hier. Pour dire stop. On n'a pas signé pour ça. On gagne rien. Hier c'était le début. On va continuer à manifester jusqu'à ce qu'ils nous répondent. Ils s'en foutent de leurs livreurs."Ce livreur explique aussi que lorsqu'il y a un incident avec le client, seul la parole du client est prise en compte, le livreur n'est même pas consulté et son compte est bloqué.
"On perd 2 € par course, ça fait du 150 € la semaine dénonce Karim. A la fin du mois ça fait beaucoup d'argent. C'est nous qui payons leur politique commerciale !"
"On bloquera tous les week-ends"
Sofiane a constaté qu'il y a de plus en plus de livreurs, pas mal d'étudiants ayant perdu leur emploi du fait de la crise sanitaire se sont retranchés sur les postes proposés par ces plateformes de livraison. La concurrence est vive et le nombre de courses se réduit. "On réclame une protection sociale, un taux horaire minimum garanti" demande Sofiane qui aimerait aussi plus de respect de la part de ces employeurs."Oui on se dégage un salaire, mais certains travaillent 70 heures par semaine précise Karim. Hier, c'était un premier message. Si on voit que les prix n'augmentent pas, on bloquera tous les week-ends."
Aux charges qu'ils doivent payer eux-mêmes en tant qu'indépendants, s'ajoutent aussi, parfois, les amendes. Les restaurants se trouvant pour certains dans des rues piétonnes, les livreurs à scooter se font verbaliser. La situation actuelle provoque également des tensions entre livreurs. Samedi soir, certains qui n'ont pas participé au mouvement ont été menacés ou frappés. Pas facile de faire l'unité dans ces conditions."Sans nous, conclut Karim, les restaurateurs vont mourir, parce-que là ils ne font que se plaindre de leur chiffre d'affaire pendant le confinement. On attend plus de solidarité d'eux. Hier, le Mac Donald nous a dit que sans nous il ne faisait pas de chiffre d'affaire. On est vital."
Ces livreurs espèrent que leur mouvement prendra de l'ampleur et se répandra en France.
Ils font partie des victimes collatérales de la pandémie.
Contacté, voici ce que Uber Eats nous a répondu via un porte-parole :
"Nous avons directement échangé avec plus d’une vingtaine de livreurs utilisant l’application Uber Eats depuis samedi 21 novembre pour trouver ensemble les meilleures réponses aux enjeux soulevés. Nous sommes ainsi ouverts au dialogue et sommes engagés à continuer à réfléchir aux solutions les plus efficaces pour soutenir l'activité des livreurs qui utilisent l'application à Nantes"
> Le reportage de notre rédaction