Nantes - Mémoire de l'esclavage : "il y a une voie, il y a un chemin", assure Jean-Marc Ayrault

Vingt ans après la loi Taubira reconnaissant l'esclavage comme crime contre l'humanité, le climat s'est "polarisé" et "radicalisé", déplore Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage. Il appelle à tenir bon face aux "faux débats" et à la "négation".

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Suivre en direct la Cérémonie de commémoration de l'abolition de l'esclavage (20 ans après la Loi Taubira)

À la veille du 10 mai, "journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition" et du lancement du "mois des mémoires", une série de commémorations qui s'achèvera le 10 juin, l'ancien maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, assure qu’"il y a une voie, il y a un chemin, entre ceux qui veulent qu'on ne touche à rien et ceux qui nous entraînent sur des approches racialistes, indigénistes, qui ne sont pas acceptables".

"Je ne fais pas la leçon : j'admets qu'il puisse y avoir des peurs et des incompréhensions mais je ne veux pas qu'on reste inerte", souligne l'ex-Premier ministre socialiste, devant le mémorial de l'abolition de l'esclavage à Nantes. Le président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage appelle à faire preuve de ténacité et à ne pas céder.

"Si on veut une société apaisée, libérée, qui se retrouve dans une mémoire commune, c'est fondamental d'emprunter ce chemin plutôt que celui de la radicalisation, de la polarisation, de la caricature, ou de la négation".

Jean-Marc Ayrault

 

 

Polémique autour du rôle de Napoléon Bonaparte

A l'approche du bicentenaire de la mort de Napoléon, décédé le 5 mai 1821, les débats ont gagné en ampleur ces derniers mois, avec une question : faut-il commémorer ou non l'homme qui a rétabli l'esclavage en 1802, aboli par la Révolution en 1794 ?

"Certains aimeraient passer cette partie sous silence, ils disent ce n'est pas glorieux... mais on parle bien de Waterloo et ce n'était pas glorieux", glisse Jean-Marc Ayrault dont la fondation a été appelée à la rescousse en vue de la grande exposition "Napoléon" à venir à la Villette à Paris.

"Au départ, il y a eu une réticence à ce que 1802 soit abordé; finalement ils se sont rendu compte qu'ils ne pouvaient pas faire l'impasse", explique-t-il, se félicitant que pour la première fois deux documents originaux de 1802 soient présentés au public. "On ne l'a pas demandé dans un souci polémique mais dans un souci de vérité, c'est indispensable".

Par la loi du 20 mai 1802, Napoléon Bonaparte a maintenu l’esclavage dans les territoires où il n’avait pas été aboli, à la Réunion, où les colons n’avaient pas obéi à la Convention, et en Martinique qui avait été sous domination anglaise. En Guadeloupe et en Guyane, Bonaparte a également rétabli l’esclavage.

 

Le chemin à parcourir est encore long

L'indispensable travail de mémoire passe aussi par l'enseignement de l'histoire aux jeunes générations. Si ces périodes historiques sont aujourd'hui intégrées dans les manuels scolaires, des lacunes persistent note Jean-Marc Ayrault. "On s'est rendu compte qu'il y avait des différences : Haïti, la révolte des esclaves, la figure de Toussaint Louverture... ne sont enseignés que dans les manuels des Outre-mers et d'enseignement professionnel mais pas dans l'enseignement général".

Au vu "des traces" laissées par cette période dans la société française, "des discriminations" aux "préjugés raciaux", l'enjeu est pourtant de taille, martèle l'ancien maire de Nantes.

"Si on ne fait pas ce travail, il y aura toujours une partie de la société qui va se sentir oubliée, peut-être mal reconnue, qui en souffrira et qui réagira justement dans cette logique séparatiste qui n'est pas souhaitable pour la société, qu'il faut à tout prix éviter et combattre".

Jean-Marc Ayrault

Dans ce contexte, la création d'un mémorial national de l'esclavage aux Tuileries, retardé en raison de dissensions autour de sa réalisation, permettrait d'envoyer un signal en "affirmant solennellement" que la question de l'esclavage et de la traite concerne tous les Français et "pas seulement les ultramarins".

Mais le chemin à parcourir est encore long, reconnaît Jean-Marc Ayrault qui se souvient encore de la volée de bois vert reçue l'an dernier après avoir proposé de débaptiser une salle de l'Assemblée nationale et d'un bâtiment de Bercy portant le nom de Colbert, l'initiateur du Code noir qui a légiféré l'esclavage dans les colonies françaises.

"J'avais suggéré qu'on mette plutôt à l'honneur le premier député noir Jean-Baptiste Belley que personne ne connaît", explique l'ex-Premier ministre qui veut toutefois croire que les choses sont en train de bouger avec le récent rapport parlementaire sur les discriminations et le colloque à venir sur le rôle de la traite et de l'esclavage dans l'histoire économique française. "Les choses bougent, doucement, mais elles bougent".

 

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