Pour les Nantais, c'est encore et toujours "l'usine Beghin-Say" bien que le site ait été racheté depuis 20 ans par le groupe Tereos. Mais quel avenir pour cette ancienne raffinerie de sucre, emblématique du patrimoine industriel local et qui vieillit mal. Eléments de réponse.
Quand on longe la Loire par le sud ou que l'on traverse l'île de Nantes au niveau de l'ancien MIN (et futur CHU), difficile de ne pas apercevoir cette structure composée de deux grands bâtiments principaux et d'une grande cheminée de 83 mètres de hauteur.
L'usine Beghin-Say comme la désigne les Nantais les plus anciens, avec ses couleurs bleu ciel et blanc fait partie du paysage local. Mais depuis que le raffinage de sucre a été stoppé, en 2008, l'activité y a été considérablement réduite.
Retour sur un siècle d'histoire
Le site Patrimonia.Nantes nous donne quelques informations sur l'histoire de cette ancienne raffinerie. Selon la Direction du patrimoine et de l'archéologie de Nantes, l'usine a été construite en 1935 par la société des raffineries et sucreries Say.
"Ce projet s’inscrit dans une politique d’acquisition et de construction de raffineries et de sucreries entreprise par la société à partir de 1917 pour limiter les pertes financières en cas de nouveau conflit armé" explique l'article. 200 tonnes de sucre y étaient raffinées par jour. Endommagée par les bombardements de la deuxième guerre mondiale, l'usine sera reconstruite à partir de 1944 puis absorbée par le groupe Beghin-Say en 1973.
La fermeture envisagée
En 2002, Tereos, coopérative sucrière française, devient propriétaire de Beghin-Say et cesse en 2008 l'activité de raffinage à Nantes. On évoquera alors la possibilité d'une fermeture de l'usine mais, à la demande du Comité d'Entreprise, une expertise montre la viabilité du site dédié au seul emballage du sucre de bouche.
Depuis, le vaste site de cinq hectares n’est plus utilisé que sur une petite partie. La cheminée n’est plus en fonction et l’ancien bâtiment de raffinage a été vidé. Seul un étage est occupé par un sécheur de sucre. Dans l’autre partie, le bâtiment de conditionnement, quatre étages sur sept sont utilisés ainsi que les quais pour les expéditions. 74 personnes y travaillent (contre 180 en 2008).
"95 % des marques La Perruche, Beghin Say et Blonvilliers sort du site de Nantes" nous explique-t-on à la direction du groupe. Entre 20 000 et 30 000 tonnes précise une autre source interne. Mais, pour le moment, Tereos n'envisage pas de réutiliser les superficies laissées à l'abandon ni de les vendre. Aucun projet, nous dit-on si ce n'est l'entretien des espaces utilisés.
"On investit sur le site chaque année" assure la direction de la communication de Tereos qui explique qu'un centre de distribution régional y a été créé pour expédier les productions de trois sites, Nantes, Artenay (Loiret) et Origny (Aisne) et que des travaux "d'optimisation" ont été réalisés : "Deux lignes de production sont passées en une seule sur le sucre confiture." Bref, on entretient, on réduit les coûts mais on ne développe pas.
"On a des machines assez anciennes."
"Est-ce qu’on va rester là avec le nouveau CHU qui s’installe en face ? s'interroge un représentant syndical. Je pense que oui. Mais on a des machines assez anciennes et le chiffre d’affaires du sucre de bouche est très inférieur au sucre industriel, on ne va pas investir dans l’emballage ! On est un grand groupe, même si le directeur du site veut développer la production, ce n’est pas lui qui décidera."
Reste que, de loin, les bâtiments vieillissent et donnent plus l'image d'une usine abandonnée qu'en plein essor. Régulièrement, les Nantais s'inquiètent du devenir de ce patrimoine industriel. Il faut savoir que les bâtiments ne sont pas protégés au titre des Monuments Historiques comme a pu l'être la grue Titan jaune, également sur l'île de Nantes. Selon la Direction Régionale des Affaires Culturelles, l’usine n’est ni classée (au niveau national) ni inscrite (au niveau régional) à l’inventaire des monuments historiques.
A Nantes Métropole, on précise cependant que les deux principaux bâtiments ainsi que la cheminée et le bâtiment administratif sont classés au patrimoine du PLUm, le Plan Local d'Urbanisme métropolitain. Ce qui doit en interdire la destruction et oblige à en maintenir l'aspect. Pour autant, on n'évoque aucun projet concernant ces lieux, propriété de Tereos.
L'ex raffinerie Beghin-Say ne devrait donc pas subir le sort de l'ancien hôtel Duchesse Anne, ce bel édifice Art-déco proche du château, abandonné après l'incendie qui l'avait ravagé en 2004 puis rasé en 2021.