Le festival international de science-fiction aurait dû se placer ces jours-ci en orbite géostationnaire au-dessus de Nantes mais la pandémie en a décidé autrement. En attendant des jours meilleurs, nous vous avons mitonné une sélection de BD SF à lire sous les étoiles exactement.
En cette période de pandémie hautement anxiogène, on aimerait d'un seul clic pouvoir décoller pour une planète un peu plus hospitalière ou pourquoi pas se déplacer dans le temps, changer d'époque. En attendant, le Click & Collect est encore la manière la plus sûre de s'évader à moindre frais. Direction votre libraire en ligne préférée...
1. Virus : la fiction dépassée par la réalité ?
Hélas, le futur n'est pas toujours à la hauteur de nos attentes. Avec Virus, impossible d'échapper à la pandémie. Cette série menée par Sylvain Ricard et Rica nous embarque pour un monde frappé de plein fouet par un virus ultra-dangereux échappé d’un laboratoire. Temps d’incubation quasi-nul, fièvre élevée, convulsions, spasmes, désordres cardiaques, éruptions cutanées, coma… ce virus-là pourrait faire plus de morts que la grippe espagnole, Ebola et le sida réunis. De quoi regretter notre bon vieux coronavirus et se dire que finalement, rien ne vaut un bon voyage, très loin, au bout du bout de la galaxie... Lancée en janvier 2019, avant notre pandémie, Virus compte aujourd'hui deux tomes, trois sont prévus... (Virus, 2 tomes disponibles, de Sylvain Ricard et Rica. Delcourt. 19,95€)
Partir loin, le plus loin possible. C'est ce que les plus riches ont fait dans ce récit une fois les ressources de la Terre épuisées. Direction Mars qu'ils espéraient modeler à leurs besoins. Et les autres ? Tous les autres ? Les plus pauvres ? Ils ont attendu qu'on vienne les chercher. Mais personne n'est venu. Alors, le temps a passé, les connaissances se sont évaporées, la nature a repris ses droits, recouvrant peu à peu le béton et les rêves d'ailleurs, de paradis. Dans cet enfer, Hermès tente de recueillir ce qui reste des savoirs des anciens et de les compiler dans une encyclopédie qui pourrait aider l'humanité à repartir de l'avant... Un récit complet signé Mobidic, auteur par ailleurs du remarqué Roi ours paru chez Delcourt en 2015. (Le culte de Mars, de Mobidic. Delcourt. 18,95€)
Cette série nous propose elle-aussi de partir loin, très loin, direction la planète Smade, petit bout de caillou paumé dans une galaxie qui ne l'est pas moins. Kirth Gersen n'y est pas allé pour faire du tourisme mais pour se venger, retrouver l'un des assassins de ses parents, un certain Attel Malagate dit "Le Monstre". Depuis qu'il est tout petit, Kirth Gersen se prépare physiquement et psychologiquement à ce rendez-vous et aux autres qui suivront. Son objectif : tuer tous les assassins... Sorti en septembre, La Geste des princes démons est l'adaptation en BD de Prince des étoiles du légendaire Jack Vance à qui l'on doit quelques-unes des plus belles pages de la SF mais aussi du polar. Un scénario parfaitement cadré, des planches magnifiques... (La Geste des princes démons, tome 1 de Traisci et JD Morvan. Glénat. 14,95€)
Si un voyage dans le futur ou au fin fond de la galaxie ne suffit pas à vous faire oublier un instant ce satané virus, alors l'humour y parviendra peut-être. Ollie et l'Alien de Florent Bernard et David Combet navigue dans ce créneau-là avec un récit complètement loufoque qui commence un peu à la manière de E.T. L'extra-terrestre de Steven Spielberg. Sauf qu'ici, Ollie le gamin et le petit bonhomme vert en question ne sont restés en contact qu'un court instant, le temps d'un touche-touche de la main qui risque pourtant, plus de 20 ans après, de changer la face du monde. Car oui, ce touche-touche a suffi à féconder l'extra-terrestre et le roi Alien, le père de la fécondée, est bien décidé à remettre un peu d'ordre dans tout ça et obliger le premier père intergalactique de l'histoire à prendre ses responsabilités. Sinon ? Sinon, le sort de la planète pourrait être en jeu... Une comédie interplanétaire à déguster avant la fin du monde. (Ollie & l'alien, de Florent Bernard et David Combet. Delcourt. 17,50€)
Pour faire bien, il faut faire simple. Et de ce côté-là, le scénario de Hope One est dans les clous, simple mais efficace, de la science-fiction grand public bien foutue avec des personnages attachants, un dessin très agréable et une histoire au suspense haletant, le tout sous pavillon Comix Buro, l’excellente maison d’édition d’Olivier Vatine (Aquablue, La Mort vivante…) en association avec Glénat. Vous pouvez donc acheter l’album les yeux fermés que vous soyez dans l’espace ou ailleurs ! L'histoire ? Imaginez un instant vous réveiller après 49 ans de sommeil et découvrir que vous êtes enfermé dans un vaisseau placé en orbite géostationnaire autour d’une Terre qui ne compte peut-être plus un seul habitant. C’est ce qui arrive à Megan Rausch... Une histoire en deux volets. (Hope One, 2 tomes parus, de Grelin et Fane. Comix Buro/Glénat. 15,50€)
Vertigineux. C’est la première impression qui domine lorsqu’on referme ce gros pavé de près de 300 pages, œuvre assez monumentale aussi bien sur le plan graphique que conceptuelle qui va au-delà du rétro-futurisme et même du cyberpunk et qui met en scène deux robots finalement bien plus humains que ceux qui les ont créés.
Carbone & Silicium est une sorte de quête spirituelle à la recherche de soi-même et d’un d’absolu, quête retranscrite par une mise en en image sublime où au fur et à mesure du naufrage de l’humanité, les couleurs ocres et froides du début cédant peu à peu à quelque chose de plus chatoyant et au final de plus humain alors que, paradoxalement, l’humanité se meurt de plus en plus. Un peu la rencontre inattendue entre le romancier américain créateur du cyperpunk William Gibson, Blade Runner et l’humanisme généreux d’un René Barjavel. Poignant, ambitieux et superbe. (Carbone & Silicium de Mathieu Bablet. Ankama/Label 619. 22,90 euros)
Un mur pour protéger les puissants de ce monde, du moins ce qu’il en reste. C’est l’idée à la base de cette histoire lancée quelques semaines avant le confinement chez Glénat et signée par un Français au scénario, Antoine Charreyron, et un Italien au dessin, Mario Alberti. Un Français et un Italien, et c’est intéressant de le noter car Le Mur est né en automne 2011 à l’occasion d’un accrochage politique franco-italien au sujet des migrants, Nicolas Sarkozy proposant la création d’un mur pour protéger l’Europe. Choqué, Antoine Charreyron écrivit très vite la première version de cette histoire, d’abord pour le cinéma, et finalement pour la bande dessinée. L’histoire justement ? Celle d’un mur donc, censé protéger les derniers puissants d’un monde en ruine et sec comme un caillou. Même la Méditerranée est un vague souvenir. Dans ce monde-là, les survivants tentent de survivre et bien évidemment de franchir le mur par tous les moyens pour rejoindre ED3N où toutes les ressources nécessaires à la survie de l’homme seraient réunies. Parmi les survivants, Solar et sa soeur, Eva, atteinte d’une grave maladie respiratoire. Sa survie dépend des médicaments. Pour en trouver, une seule solution : franchir ce mur. Un road movie à la Mad Max, plein de fureur et de poussière ! (Le Mur, 2 tomes disponibles, de Alberti et Charreyron. Glénat. 15,50€)
L’incarnation la plus pure de la loi. Une vraie machine inflexible, un peu à l’image de Mega-City One, la tentaculaire mégapole futuriste de 800 millions d’habitants où il exerce. Voici Judge Dredd, homme à la carrure de géant qui cache systématiquement son visage derrière son casque et sa visière, un concentré de testostérone, dénué de tout second degré et prêt à faire appliquer la loi à tout prix. À TOUT PRIX ! Et tant pis pour la casse…
Serti par un noir et blanc ciselé et une reproduction une nouvelle fois de luxe avec couverture carré, ce cinquième volume des intégrales est un délire hautement recommandable, chef d’œuvre du cyberpunk. L’alliance improbable entre Blade Runner et les Monty Python, avec un ton très acide qui n’a non seulement pas vieilli du tout, mais qui au contraire paraît diablement d’actualité en ces années Trump. (Judge Dredd- Les Affaires Classées 05, collectif, éditions Delirium. 35€)
Il y a la série mère, Sillage, l’un des best-sellers de la bande dessinée de science-fiction, 20 ans d’existence, 20 albums au compteur, des centaines de milliers d’exemplaires vendus dans plusieurs langues... et il y a ses séries parallèles, Nävis qui raconte l'enfance de l'héroïne, 5 tomes parus, Les Chroniques de Sillage, six tomes de récits courts, et Sillage Premières armes dont le deuxième volet vient de sortir. On y retrouve bien évidemment l'univers de la série mère et l'héroïne, Nävis, seule représentante du peuple humain à bord du Sillage, un gigantesque convoi multiracial explorant l’espace à la recherche de planètes à coloniser. Un univers attachant, un graphisme sublime, des planches d’une beauté plastique exemplaire, une narration sans faille, une héroïne toujours aussi craquante… De la très très très bonne SF made in France ! (Sillage Première armes, tome 2, de Buchet et Morvan. Delcourt. 14,50€)
Dans la science-fiction, tout est possible, tous les futurs sont imaginables. Les auteurs de Renaissance, dont le troisième volet vient de paraître aux éditions Dargaud, le mettent magnifiquement en évidence. Non seulement, les aliens sont ici des gentils mais ils ont décidé d'envahir la Terre pour le bien de l'humanité, le bien des hommes et des femmes qui l'habitent mais n'ont pratiquement rien fait jusque-là pour la sauvegarder et protéger ses ressources naturelles.
Nous sommes en 2084, la Terre agonise. Le réacteur nucléaire du Tricastin a explosé, la tour Eiffel a les pieds dans l'eau, les champs de pétrole texans sont bombardés par les Sécessionnistes, des épidémies de grippes ravagent la Chine, le Sahara a été déclaré zone invivable pour tout le monde, la Californie et l'Oregon sont en guerre... Bref, tout va très mal Madame la marquise.
Une Terre en fin de vie d'un côté, des humains lancés à corps perdus dans l'autodestruction, une fédération de civilisations extraterrestres de l'autre, beaucoup plus avancée et pacifique, qui décide d'intervenir. Voilà pour l'état des forces en présence. Reste à savoir comment les premiers accueilleront les seconds, comment les seconds parviendront à faire changer de style de vie les premiers. Une très belle série drivée par deux Rouennais, Fred Duval et Emem, et un Nantais, Fred Blanchard. (Renaissance, 3 tomes parus, de Fred Duval, Frédéric Blanchard et Emem. Dargaud. 14€)
BD culte des années 80, signée Jacques Lob puis Benjamin Legrand pour le scénario et Jean-Marc Rochette pour le dessin, Le Transperceneige nous embarque dans un monde post-apocalyptique où une partie de l'humanité a trouvé refuge dans un train à mille et un wagons lancé à pleine vitesse. Adapté au cinéma en 2013 par le Coréen Bong Joon-ho, adapté plus récemment pour la télévision par Josh Friedman, la saison 1 est d'ailleurs disponible sur Netflix, le Transpecerneige poursuit sa route en BD depuis 2015 avec tout d'abord le bien nommé Terminus puis un cycle de trois albums (2 sont parus) baptisé Extinctions sur les origines de cette aventure. Une saga hors norme qui porte un regard très sombre sur la société ! (Transperceneige, extinctions acte II, de Rochette et Matz. Casterman. 18€)
On termine avec Blade Runner 2019, une séquelle au film de Ridley Scott, lui-même adapté du roman de Philip K. Dick Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? avec notamment aux manettes Michael Green qui a été co-scénariste sur le film Blade Runner 2049 de Denis Villleneuve. L'action se situe toujours à Los Angeles mais le fameux chasseur de réplicants Rick Deckard (joué par Harisson Ford) a laissé place à Aahna Ashina, Ash pour les intimes, l'une des premières Blade Runners... Dystopique à souhait ! (Blade Runner 2019, tome 1, de Green, Johnson et Guinaldo. Delcourt. 15,95€)