Au pied du pont Anne-de-Bretagne, à Nantes, des spécialistes du déminage s'affairent. Ils sont là pour sécuriser les futurs travaux d'agrandissement du pont. On craint que des bombes datant de la seconde guerre mondiale ne s'y trouvent encore. Trois scaphandriers de la société Géomines sont chargés de repérer les éventuelles munitions non explosées.
On sent chez cet ancien militaire que la rigueur reste une composante indispensable d'une mission bien menée. Il faut dire que l'à-peu-près n'a pas sa place dans son quotidien de scaphandrier démineur.
Au pied du pont Anne-de-Bretagne, à Nantes, Thierry Prod'homme et ses collègues de Géomines ont trois semaines pour repérer et identifier les Uxo, Unexplosed Ordnances, ces munitions non explosées que la seconde guerre mondiale a semées dans la ville maintes fois bombardée.
Ce franchissement de la Loire, l'un des six sur la ville, va connaitre un an de travaux pour être, notamment, élargi.
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Toujours prêtes à exploser
Géomines a été sollicité pour travailler à la "dépollution" des lieux. C'est-à-dire, pour s'assurer que les travaux que Vinci va réaliser ne vont pas venir cogner contre d'anciennes mines ou bombes laissées là par les belligérants. Dormant au fond de la Loire depuis plus de 80 ans, mais toujours prêtes à exploser.
Trois scaphandriers démineurs se relaient pour cette recherche qui se fait à l'aveugle, mais très précisément quand même. Au toucher, plus exactement.
"Nos mains et nos doigts sont nos yeux", explique Thierry Prod'homme, ancien plongeur démineur de la Marine Nationale, qui, après la Marine, a travaillé entre autres pour l'industrie pétrolière.
Lorsque le débit du fleuve le permet, une heure à une heure trente dans la journée, un scaphandrier plonge entre six et dix mètres de profondeur et sonde les abords des piles centrales du pont et le sol. Au-delà de 0,6 nœud de débit, l'exercice n'est pas possible. C'est pourquoi il faut choisir la bonne fenêtre d'intervention.
"C'est plus simple qu'avec les yeux"
Si les doigts reconnaissent une forme cylindrique, d'une certaine taille, lisse, alors un voyant rouge s'allume dans la tête du plongeur.
"C'est inscrit dans notre cerveau, dit Thierry. Est-ce que c'est une bombe ? Est-ce que c'est une mine ? Mais il y a aussi des mines qui ressemblent à des bombes. Vous touchez, vous ressentez. C'est plus simple qu'avec les yeux. Quand vous touchez, vous ne pouvez pas passer à côté de quelque chose."
Si une Uxo est repérée, elle est balisée, à environ 1,50 m au-dessus. Surtout pas à la surface pour éviter de signaler à n'importe qui qu'un explosif est là. On ne sait jamais.
Ce sera alors à la Sécurité civile d'intervenir pour mettre la munition en sécurité.
Sur d'autres contrats, Géomines peut être amené aussi à prendre en charge jusqu'au bout la munition non explosée.
"On suppose que ça va se reproduire, notamment en Ukraine"
Géomines est une société française spécialisée depuis une vingtaine d’années dans le déminage, aussi bien sous l’eau que sur terre.
"Nous intervenons pour nos clients lorsqu’il y a des travaux intrusifs dans des zones où il y a eu des faits de guerre", explique Mickaël Robert, chef de projet chez Géomines.
Des lieux qui ont été minés pendant un conflit, ou bombardés comme ça a pu être le cas près d’aéroports, de nœuds ferroviaires ou de lignes de front de la première ou de la seconde guerre mondiale.
Basé, près de Toulon, Géomines intervient principalement pour des clients français, mais aussi pour de grosses entreprises européennes travaillant sur le sol français.
"On peut aussi travailler sur des déminages après des conflits récents, précise Mickaël Robert. On suppose que ça va se reproduire dans les mois et années à venir, notamment en Ukraine".
L’entreprise qui a racheté son concurrent EOD-EX, emploie aujourd’hui 80 personnes, dont beaucoup d’anciens plongeurs démineurs de la Marine nationale, d'anciens militaires du Génie, mais aussi des civils qui passent des certificats professionnels pour acquérir les compétences nécessaires.
Le danger à la surface
"Les bombes, on les retrouve en parfait état, ajoute Thierry Prod'homme. L'explosif contenu se dénature, c'est ce qui rend l'engin dangereux."
Mais le danger peut aussi venir de la surface. De ce que le fleuve charrie. L'une des hantises des scaphandriers, ce sont les troncs d'arbre, parfois de plusieurs tonnes, qui filent à la vitesse du courant. Mieux vaut ne pas croiser leur chemin.
A ce jour, aucune "Uxo" n'a été découverte au pied du pont Anne-de-Bretagne. Mais une poussette-canne. Que le scaphandrier a remontée. "C'était pas la peine de la laisser au fond", sourit Thierry.
Outre la rigueur, le travail de scaphandrier démineur nécessite une bonne condition physique. Une condition que Thierry, 57 ans, continue d'entretenir en pratiquant le triathlon... et le golf. Sans doute pour une bonne gestion du stress.
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