"Nos salaires et nos loyers ne sont plus payés", le cri d'alarme des infirmières Asalée des Pays de la Loire

Les infirmières Asalée, association entre médecins généralistes et infirmières déléguées à la santé publique, dénoncent la nouvelle convention de la caisse nationale d'assurance maladie, leur principal financeur. Leurs salaires et certains loyers des bureaux où elles officient ne sont pas payés.

Valérie Bouttier est infirmière Asalée depuis plus de deux ans. Elle travaille en partenariat avec les médecins généralistes d'Héric en Loire-Atlantique.

Asalée signifie "Action de santé libérale en équipe". C'est une association 100 % financée par la Caisse nationale d'assurance maladie, par le biais de la caisse primaire d'assurance maladie.

Éducation thérapeutique

La mission de Valérie est l'éducation thérapeutique du patient. Cela consiste à aider les patients qui souffrent de maladies chroniques, notamment à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique.

"Nos missions sont très variées. Mais nous prenons le temps avec le patient pour bien lui expliquer les choses. Comment bien gérer un diabète de type 2 et ses effets secondaires par exemple", explique Valérie, "des informations que parfois les médecins déjà très occupés n'ont pas toujours le temps d'approfondir".

"Nos protocoles vont du repérage, de la prévention et du suivi des patients atteints de diabète, broncho pneumopathie, asthme, trouble amnésique, sevrage tabac, surpoids de l'enfant, ainsi que tous les risques cardio-vasculaires".

Ce dispositif est né dans le département des Deux-Sèvres, suite au constat d'un médecin généraliste du besoin d'une collaboration plus poussée avec les infirmières pour un suivi optimal de certaines maladies.

Il s'est étendu à toute la France, et est devenu pérenne via une convention nationale signée avec la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). 

"Nous sommes aujourd'hui 2 000 infirmiers et 8 000 médecins en France qui travaillons ensemble", précise l'infirmière. 

Bras de fer avec la CNAM

Dans certains cabinets, les médecins ont la possibilité de laisser leurs bureaux aux infirmières Asalée, en fonction de leurs plannings.

Dans d'autres cas, les infirmières travaillent dans des locaux à proximité des cabinets de médecins. Des locaux dont les loyers jusqu'ici étaient pris en charge par l'association grâce aux subventions de la CNAM.

Sauf qu'une nouvelle convention a été soumise à l'association Asalée. Une convention pour 2024 avec des modifications que refusent les infirmières et les médecins de l'association. 

Nos salaires et nos loyers ne sont plus payés.

Valérie Bouttier

Infirmière Asalée à Héric (44)

Un rapport de force s'est engagé. "Nous ne touchons plus nos salaires en temps et en heures. Il y a deux ans, lors de la dernière convention avec la CNAM, nous avions négocié 1 200 temps plein. Mais le dispositif connaît un grand succès". 

"Aujourd'hui, en 2024, nous sommes plus de 1 600 temps plein, et la nouvelle convention ne prend pas en compte cette évolution. Elle continue de ne financer l'association qu'à hauteur de 1 200 temps plein. En parallèle, nos versements de salaires sont en plus décalés dans le temps. Nous sommes le 4 mars et nous n'avons toujours pas perçu nos salaires. Cela fait deux- trois fois déjà qu'il y a de longs retards de paiement. On ne peut pas continuer ainsi ", s'indigne Valérie. 

Patients pénalisés

Autre pierre d'achoppement, les loyers.

"La CNAM ne paye plus les loyers. Elle estime que cela n'était pas explicite dans la précédente convention, et ne le renouvelle pas dans la nouvelle", précise l'infirmière ligérienne. "

"Cela mène à des situations ubuesques : dans certains cabinets, les médecins peuvent s'arranger sans frais supplémentaires. Mais dans d'autres cabinets qui fonctionnent différemment, s'il n'y a plus de paiement du loyer de local d'intervention de l'infirmière Asalée, pour la CNAM, cela revient à dire que désormais, c'est à la charge des médecins". 

"Vu leur situation déjà compliquée, tous ne peuvent pas se le permettre. Les médecins partenaires ne comprennent pas ce revirement de principe contraire aux règles de départ".

Faute de paiement des loyers, certaines collègues ont dû trouver des missions Asalée ailleurs, et tout recommencer. Ce sont les patients les premiers pénalisés.

Valérie Bouttier

Infirmière Asalée à Héric (44)

Car le principe est le suivant. Lorsque l'on devient infirmière Asalée, c'est à l'infirmière de démarcher des postes au sein de cabinets de médecins généralistes libéraux.

Et cette crise amorcée n'est pas sans conséquences sur le moral des troupes.

"J'ai reçu beaucoup de témoignages de collègues malheureuses pour qui l'annonce de cette nouvelle convention est un coup de massue. Des collègues anciennement infirmières en libéral, ou à l'hôpital qui, après un gros burn out, avaient choisi de rebondir et de se reconvertir en infirmière Asalée. Elles avaient enfin trouvé un projet moteur, où elles pouvaient prendre le temps de suivre leurs patients et de les accompagner, et là tout s'effondre à nouveau."

Remise en cause des soins en libéral ?

Pour Valérie Bouttier, et nombre de ses pairs, la situation est incompréhensible.

On ne comprend pas pourquoi la CNAM joue avec nous. Ne serait-on pas les victimes collatérales d'une remise en cause des soins primaires en libéral ?

Valérie Bouttier

Infirmière Asalée à Héric (44)

Valérie s'explique : "Nous voyons tous les jours des patients qui n'ont pas de médecins. Or l'objectif de la CNAM c'est que tous les patients aient et trouvent un médecin traitant. L'idée serait-elle alors de nous demander de rendre compte de l'action des médecins et de nous imposer aussi à terme notre lieu d'exercice ?"

La profession se questionne.

Vers une nouvelle convention ?

Pourtant, la CNAM a récemment réaffirmé haut et fort son intérêt pour l'association Asalée dans un communiqué de presse.

"L'Assurance Maladie est convaincue du rôle majeur que jouent les infirmiers et infirmières Asalée auprès des médecins généralistes pour améliorer la qualité de vie et l'autonomie des patients".

L'assurance maladie y rappelle l'investissement financier entièrement à sa charge de plus de 80 millions d'euros par an et dit également "regretter que les échanges avec l'association n'aient pu aboutir à ce stade."

Le communiqué précise également "la nécessité de définir un cadre transparent qui garantisse le respect par l'association du bon usage de la subvention versée par l'assurance maladie".

L'association Asalée a déjà alerté députés et sénateurs. Dans l'attente d'une nouvelle convention, plus respectueuse de leurs missions, infirmiers et médecins restent solidaires. L'heure est au statu quo.

Asalée a mis une pétition en ligne pour la défense du système de soins en libéral consultable ici.

L'association 'Action de Santé Libérale En Equipe' a récolté 6 979 signatures.

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