Elle a écrit en six mois un livre, "Jusqu’au jour où tout ira bien", thérapie pour sa dépression à l’adolescence. C'était il y a un an, Stéphanie Magloire n'avait que 17 ans. Depuis, elle a avancé grâce à un nouveau diagnostic sur ses maux. Rencontre.
Des semaines se sont écoulées, depuis notre dernier échange téléphonique. Quel plaisir d’entendre la voix douce et souriante de Stéphanie. Alors quelles nouvelles ? Comment allez-vous aujourd’hui ? "Tout doux, mais ça va. J’ai été diagnostiquée bipolaire, je sais donc enfin d’où viennent mes périodes dépressives".
Stéphanie a fêté ses 18 ans en mars dernier. Elle qui en novembre 2022 a alerté ses parents, "Je ne suis pas moi-même, il faut que je consulte", sait enfin pourquoi elle vit avec des périodes dépressionnaires depuis l’âge de 16 ans. "J’ai toujours le trouble de la personnalité appelé borderline, mais avec du recul, le diagnostic de la bipolarité finalement, ça me fait du bien".
En février, quand on lui annonce cette nouvelle, elle s’écroule. Stéphanie venait de faire un court séjour hospitalier à sa demande, comme elle en a l’habitude lorsque cela ne va pas. L’annonce à ses parents de ce trouble de la bipolarité est aussi un choc. Mais en même temps, c’est un soulagement : "Cela les a rassurés, et moi aussi, car je peux être soignée par des régulateurs d’humeur".
Son traitement vient juste d’être changé : "Il fonctionnait bien mais me faisait trop dormir, et avec le travail aujourd’hui, dormir beaucoup ce n’est pas possible". Car notre jeune Stéphanie a décidé d’arrêter ses études et travaille à présent : "J’ai réalisé mon rêve ! Je travaille à Disneyland Paris, sur les attractions, je suis sur l’hyperspace mountain et travailler, ça m’aide à aller mieux ". Elle habite donc maintenant à Marne-la-Vallée, mais rentre régulièrement à Amiens pour voir sa famille et ses amis.
Retour sur notre première rencontre
Stéphanie Magloire est donc une jeune femme souriante, motivée, engagée, heureuse de vivre, jusqu’à ce jour, où elle annonce à ses parents : "je ne suis pas moi-même, il faut que je consulte". Bien sûr, c’est un choc pour ses parents qui l’écoutent et la soutiennent dans sa démarche. Stéphanie a caché à sa famille depuis des semaines, des mois, qu’elle n’allait pas bien : "Je ne voulais pas qu’ils me voient dans cet état-là".
J’ai besoin d’extérioriser toutes mes émotions, la tristesse, la colère, mes moments de réflexions, mais aussi mes réussites.
Stéphanie Magloire
La dépression est là, sournoise et bien installée, elle est arrivée tout doucement. Cela a commencé par l’envie de ne plus rien faire, elle qui depuis l’âge de 14 ans est engagée en politique, mais aussi chez les Jeunes Sapeurs-Pompiers. Elle sent bien que ce n’est pas normal, mais se dit que cela va revenir.
S’installe ensuite un sentiment de vide très profond, c’est à ce moment-là, à l’âge de 16 ans, qu’elle décide d’aller consulter un psychiatre libéral. Le verdict tombe : "Je suis atteinte de dépression avec des troubles anxieux." Commence donc un traitement médical avec des antidépresseurs. Au début, ils augmentent les troubles anxieux, "à ce moment-là, je ne pense qu’à mon mal-être et j’avale une boîte entière d’anxiolytiques."
Hospitalisée dans l’unité de médecine de l’adolescent de l’hôpital d’Amiens, Stéphanie ressent le besoin d’écrire : "J’ai besoin d’extérioriser toutes mes émotions, la tristesse, la colère, mes moments de réflexions, mais aussi mes réussites." Comme elle l’explique dans l’émission Hauts Féminin, elle n’a pas de papier pour écrire à l’hôpital, elle se rabat sur ce qu’elle trouve, le papier toilette.
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Un livre écrit en six mois
Stéphanie commence son livre en novembre 2022 et le termine en juin 2023. Jusqu’au jour où tout ira bien, un livre qui résonne comme une bombe et qu'elle a autoédité. "Je n’ai pas cherché d’éditeur, car à ce moment-là, je souffrais du syndrome de l’imposteur, et de plus, je ne voulais pas que l’on m’impose de changer des passages de mon livre."
Les retours des lecteurs sont plus que positifs ; beaucoup, en fonction de leur âge, se mettent à sa place ou à celle de ses parents, ils comprennent beaucoup de choses sur les troubles psychiques puisque Stéphanie "parle" avec son cœur.
Ce n’est pas facile de prendre son destin en main.
Stéphanie Magloire, 17 ans
Ce livre fait partie de son chemin pour se reconstruire, même si son combat contre la dépression est loin d’être terminé. Elle a depuis fait trois séjours en milieu hospitalier en accord avec son psychiatre, mais aussi à sa demande (un second dans l’unité de médecine de l’adolescent, puis les deux autres à l’EPSM de la Somme, le CH Philippe Pinel). Jamais elle n’aurait imaginé être hospitalisée à l’EPSM ! Et pourtant, même si elle est toujours inquiète, elle est heureuse des avancées qu’elle réalise : "c’est compliqué de retrouver le monde extérieur après un séjour hospitalier, je n’ai pas ce sentiment de sécurité où rien ne peut vous arriver, ce n’est pas facile de prendre son destin en main".
Mes enseignants cette année ne savent pas encore que je suis dépressive, je compte leur annoncer la semaine prochaine.
Stéphanie Magloire
Il y a aussi les rencontres. L’une d’entre elles date d’il y a un an : "Laure était intervenante dans mon lycée. Comédienne, elle donnait des cours de théâtre, j’ai admiré ce qu’elle m’a apporté, elle a compris très vite que je n’allais pas bien. On essaye de se voir souvent (Laure vit à Marseille) dès qu’elle vient à Amiens, ou je descends la voir. J'admire sa sensibilité, sa bienveillance."
Stéphanie est en terminale cette année et dans le cadre de ses études, elle fait 10 heures de théâtre par semaine. Après le bac, elle espère réussir à intégrer la Sorbonne en lettres mineures et théâtre. "L’année dernière, en première, l’équipe éducative a été super à l’écoute de mes problèmes, ils m’ont apporté beaucoup de bien. Mes enseignants cette année ne savent pas encore que je suis dépressive, je compte leur annoncer la semaine prochaine." (NDLR : aujourd'hui Stéphanie est donc déscolarisée)
Une jeune fille engagée avec des convictions
La politique compte pour elle. "Parce que je viens d’une famille qui m’a toujours dit : « Rien n’est tabou sauf la politique »."
Lors d'élections européennes, elle lit toutes les professions de foi des candidats de son secteur, elle contacte l'une des listes et à 14 ans, s'engage en faisant du porte à porte !
Engagement également dans le sport qui la passionne et qui lui donne envie, toute jeune, de s’engager et de devenir JSP (jeune sapeur-pompier). Avec l’équipe féminine de la Somme (la seule équipe 100% féminine) dont elle est capitaine, elle remporte la finale française du CETIF (Jeux olympiques de l’extinction du feu) en avril 2022. Les voilà qualifiées pour la finale mondiale quelques semaines plus tard en Slovénie. "Hélas, le résultat face aux équipes internationales ne sera pas celui escompté, mais l’essentiel est de participer à une formidable aventure humaine." Là aussi, elle a arrêté ses fonctions.
Pour finir, une dernière question Stéphanie : "Qu’attendez-vous de la vie ?'. La jeune fille répond : "C’est une très bonne question dont je n’ai pas encore la réponse." Elle l'a peut-être trouvée aujourd'hui...
Stéphanie a donc fêté ses 18 ans en mars, mais elle espère encore que son livre, Jusqu’au jour où j’irai bien, pourra aider beaucoup de personnes. Ses conseils sont d’être à l’écoute pour les familles, et pour celles et ceux qui ne se sentent pas bien, de ne pas minimiser ce que l’on ressent, le prendre au sérieux, demander de l’aide et aller voir quelqu’un, comme elle l’a fait.
(Cet article a été publié sous une autre forme le 28/09/2023)