A la tête d'un consortium international, des chercheurs nantais font le lien entre la mutation d'un gène et des dérèglements neurologiques qui peuvent entraîner des problèmes de mémorisation, d'apprentissage et des troubles du comportement.
"Le dysfonctionnement peut apparaître avant la naissance, dans le stade embryonnaire. Le gros des dommages se fait pendant le stade embryonnaire, puis, pendant les premières années de la vie", explique le Docteur Sébastien Küry, chercheur à l’institut du thorax et au CHU de Nantes.
Il fait partie de l'équipe nantaise qui a coordonné au niveau international la recherche qui a abouti à la découverte.
Une usine de recyclage
Cette recherche porte sur le lien de cause à effet entre le mauvais fonctionnement du protéasome, sorte de "maxiprotéine" et des troubles du neurodéveloppement chez l'enfant.
"Le protéasome est une usine de recyclage des protéines de toutes les cellules de l’organisme, explique le Dr Küry. Le protéasome dégrade les protéines mal formées pour les recycler et les remettre dans le fonctionnement des cellules. Sans cette usine-là, on a une accumulation de protéines qui vont être toxiques pour les cellules. Ce qui impliquera une difficulté de fonctionnement des cellules du cerveau avec des problèmes d’acquisition des connaissances, du langage, de la mémorisation".
Ce dysfonctionnement de "l'usine de recyclage" apparaît à l'occasion d'une mutation génétique, et se manifeste lorsque le corps est en plein développement, en période embryonnaire ou dans la petite enfance.
"Chez les enfants, les cellules fonctionnement à plein régime, indique Wallid Deb, médecin au CHU qui a travaillé sur cette recherche dans le cadre de sa thèse de doctorat. Les mutations génétiques peuvent altérer la vie de la cellule lorsqu’elles touchent un gène essentiel, avec un impact important dans cette période très sensible. Si une mutation survient dans un des gènes qui permettent de fabriquer les sous-unités du protéasome, on peut voir apparaître des anomalies de fonctionnement de ce dernier, ce qui a un impact sur le développement d’un individu."
"C’est le système nerveux central qui est touché"
L'accumulation toxique de protéines mal formées ou inutiles va provoquer des dommages dans le cerveau et induire des troubles du neurodéveloppement.
"C’est une maladie neurologique, confirme Sébastien Küry. C’est le système nerveux central qui est touché. On constate des problèmes de mémorisation, d'apprentissage, de comportement, des troubles autistiques. C’est une maladie pédiatrique, mais on suspecte qu’avec les troubles du comportement, on peut aussi avoir, chez l’adulte, des problèmes psychiatriques."
Un complexe protéique identifié depuis les années 80
Le fonctionnement du protéasome est documenté depuis les années 1980 à 2000. En 2010, on découvre que les mutations associées au gène du protéasome pouvaient créer des pathologies inflammatoires. La découverte faite au sein de l'Institut du thorax, à Nantes, a permis d’établir que ces mutations pouvaient aussi être impliquées dans des dérèglements neurologiques.
"On a l’impression aussi que la variation du PSMD11 (le gène qui affecte le protéasome) favoriserait également l’apparition de l’obésité", ajoute Wallid Deb.
Or, sur le continent américain, 30 % des enfants sont atteints d'obésité. La mutation génétique pourrait en expliquer quelques cas. Mais seulement quelques cas, car, aux dires de l'équipe de chercheurs, la découverte concerne des causes rares dans les déficiences intellectuelles.
L'âge des parents en question
Si on remonte l'arbre des causes, le fait d'avoir des enfants à un âge plus avancé pourrait expliquer la transmission de gènes défaillants.
"Plus les parents ont des enfants tard, plus ils sont susceptibles de transmettre des cellules qui ont des mutations, explique le Dr Küry. Notre but est d’identifier des cibles thérapeutiques (dans la cellule) pour lesquelles on pourrait agir pour restaurer cette fonction de dégradation."
Le travail de l'équipe de recherche s'inscrit bien dans la notion de recherche appliquée, car il s'agit d'apporter des réponses à des patients qui ne comprennent pas ce qui impacte leur santé et leur vie. Mais aussi de faire avancer la recherche vers des traitements possibles.
20 ans de recherche à Nantes
Créé il y a vingt ans, l’Institut du thorax rassemble des équipes de soin et de recherche de Nantes Université, du CHU de Nantes, de l’Inserm et du CNRS qui travaillent sur les maladies cardiaques, vasculaires, métaboliques et respiratoires.
Les financements sont multiples selon les recherches effectuées. Celle sur les troubles du neurodéveloppement chez l’enfant a été financée par l’Agence Nationale de la Recherche, l’European Joint Programme on Rare Diseases, la Région Pays de la Loire, AXA mécénat, NExT et le CHU de Nantes.
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